Attendu qu'en application des dispositions des décrets n° 58-1466 du 31 décembre 1958 et n° 59-898 du 28 juillet 1959, M. X... a présenté au préfet des Basses-Pyrénées une demande d'autorisation d'un lotissement à usage d'habitation ; que le dossier de lotissement soumis à l'autorité administrative comportait, notamment, un règlement - inexactement dénommé cahier des charges par l'arrêt attaqué - dont l'article 7 était ainsi rédigé " le lot n° 9 (surplus de propriété) est destiné présentement à la culture maraîchère et sera frappé en conséquence de servitude de non aedificandi. Cette servitude pourra néanmoins être levée lorsque les projets d'aménagement et d'assainissement englobant cette propriété, prévus par les services compétents, seront réalisés... A noter que le lot n° 9 est frappé de servitude non aedificandi, à l'exception des bâtiments nouveaux nécessaires à l'exploitation. " ; .
Attendu que, par un arrêté n° 907/D-2 du 24 mars 1962, le préfet des Basses-Pyrénées a approuvé ce lotissement, sous la réserve expresse formulée par son article 2 que " le lot n° 9, constitué par le surplus de la propriété, est frappé de servitude non aedificandi ; toutefois, des bâtiments nouveaux nécessaires à l'exploitation maraîchère pourront, le cas échéant, être autorisés " ;
Attendu qu'en 1983, M. X..., propriétaire du lot litigieux n° 9 qu'il souhaitait subdiviser afin d'y édifier des constructions, a assigné M. Y... et les propriétaires des autres lots, qui s'opposaient à son projet, devant le tribunal de grande instance, aux fins d'interprétation de la clause instituant la servitude non aedificandi qui, selon lui, n'avait qu'un caractère temporaire et pouvait être levée dès lors que les travaux d'aménagement et d'assainissement étaient réalisés ; que l'arrêt attaqué, se fondant sur les termes de l'article 7 du règlement, a estimé que l'arrêté préfectoral " s'était borné à dire que ce lot était, sous-entendu " présentement ", frappé d'une servitude non aedificandi, conformément à l'article 7 précité, et que cette servitude n'était que temporaire et subordonnée à l'édification des voies et réseaux divers ;
Sur le moyen unique, pris en sa deuxième branche :
Attendu que les consorts Y... font grief à l'arrêt attaqué d'avoir ainsi statué, alors que l'arrêté préfectoral étant un acte administratif individuel, le juge judiciaire aurait excédé ses pouvoirs en l'interprétant ;
Mais attendu que, si la décision par laquelle le préfet délivre à une personne une autorisation de lotissement ne présente pas le caractère réglementaire, il en va différemment des règles que le préfet prend l'initiative d'édicter dans l'arrêté d'autorisation et il entre dans la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire de les interpréter eu égard à leur caractère réglementaire ; qu'ainsi, la deuxième branche du moyen ne peut être accueillie ;
La rejette ;
Mais sur la troisième branche du moyen :
Vu l'article 3 du décret n° 58-1466 du 31 décembre 1958 et l'article 6 du décret n° 59-898 du 28 juillet 1959, applicables en la cause ;
Vu les articles 1er et 2 de l'arrêté n° 907/D-2 pris le 24 mars 1962 par le préfet des Basses-Pyrénées ;
Attendu qu'il résulte des deux premiers de ces textes que les règles et servitudes d'intérêt général que le préfet édicte dans l'arrêté d'autorisation d'un lotissement ont un caractère obligatoire et prévalent sur les dispositions proposées par le lotisseur dans le dossier de lotissement ;
Attendu qu'en l'espèce, la servitude non aedificandi édictée dans l'arrêté du 24 mars 1962 ne comportait d'exception que pour des bâtiments nécessaires à l'exploitation maraîchère ; d'où il suit qu'en décidant que cette servitude " n'était que temporaire et subordonnée à l'édification des voies et réseaux divers ", la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627 du nouveau Code de procédure civile qui permet à la Cour de Cassation de casser sans renvoi en appliquant la règle de droit appropriée ;
PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche du moyen :
CASSE ET ANNULE l'arrêt rendu le 16 octobre 1985 par la cour d'appel de Pau ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi devant une autre cour d'appel ;
Dit que la servitude non aedificandi édictée dans l'arrêté n° 907/D-2 pris le 24 mars 1962 par le préfet des Basses-Pyrénées n'a pas un caractère temporaire et n'est pas subordonné à l'édification des voies et réseaux divers