REJET du pourvoi formé par :
- l'administration des Douanes, partie poursuivante,
contre un arrêt de la 10e chambre correctionnelle de la cour d'appel de Paris, en date du 14 mai 1986, qui, dans les poursuites exercées contre Joël X... des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et d'importation en contrebande de marchandises prohibées, a constaté la nullité du procès-verbal des Douanes base des poursuites, a déclaré nulle la procédure subséquente et a donné mainlevée de la mesure de contrôle judiciaire concernant le prévenu avec restitution de la caution déposée.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 60, 323, 38, 373, 414, 417, 382 du Code des douanes, 77, 53 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a annulé le procès-verbal des Douanes du 6 octobre 1983 ainsi que la procédure subséquente ;
" aux motifs que " s'il est généralement admis qu'une irrégularité commise en matière de détention n'entraîne pas, par elle-même, la nullité de la procédure lorsqu'il n'est pas démontré que la recherche et l'établissement de la vérité s'en sont trouvés viciés, les décisions de la Cour de Cassation, en ce sens, sont intervenues dans des hypothèses où les irrégularités invoquées étaient postérieures à la mise en oeuvre de l'enquête ; que lorsque l'irrégularité entache l'acte initial de la procédure elle a pour effet d'entraîner la nullité des actes subséquents ; que c'est ainsi que la Cour suprême a rejeté un pourvoi contre un arrêt annulant un procès-verbal d'interpellation et toutes les pièces subséquentes, y compris le procès-verbal douanier dans une procédure où " les enquêteurs ne pouvaient avoir agi en flagrant délit, la flagrance n'ayant commencé qu'avec la découverte de la drogue alors que l'enquête de flagrance devait suivre et non précéder le délit flagrant " ; qu'en l'espèce, la rétention de X..., à un moment où aucun élément n'établissait d'infraction douanière, n'avait pour objet que de provoquer la constatation ultérieure d'une infraction non encore commise et de permettre ensuite la capture de l'intéressé ; que la procédure de visite des personnes et de marchandises prévue par l'article 60 du Code des douanes a été, dans ces conditions, détournée de son objet ; que le procès-verbal du 6 octobre, premier acte de la procédure, s'en est trouvé vicié et ne pouvait plus servir de base légale au déroulement des autres actes qui doivent, par voie de conséquence, être également annulés " ;
" alors que les juges du fond ne peuvent annuler un procès-verbal des Douanes et la procédure subséquente dès lors que l'irrégularité n'a pas affecté l'établissement et la découverte de la vérité ; qu'en l'espèce, lors de son interpellation, le prévenu a été trouvé porteur d'une valise qui, de son propre aveu, lui servait à transporter en contrebande de l'or et des diamants ; que l'intéressé détenait également un coupon correspondant à un bagage qui devait arriver à Orly quelques heures plus tard et qui, selon un renseignement communiqué par les douanes espagnoles aux douanes françaises, contenait de la drogue ; que les agents des Douanes ont donc procédé à la retenue de X... jusqu'à l'arrivée de sa valise qui contenait effectivement 1, 400 kg de cocaïne ; que la cour d'appel, après avoir considéré que cette retenue était irrégulière, a annulé le procès-verbal constatant l'importation en contrebande de drogue et la procédure subséquente ; qu'en statuant ainsi, bien que ni l'établissement, ni la découverte de la vérité n'avaient été affectés par l'" irrégularité " relevée puisque le procès-verbal relatait des faits indiscutablement établis et indépendants de cette prétendue " irrégularité ", la cour d'appel a violé les textes visés au moyen " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que lors de son arrivée à l'aéroport de Paris-Orly, le 5 octobre 1983, en provenance de Madrid, Joël X... a été interpellé à 19 h 30 par des agents des Douanes n'ayant pas la qualité d'officier de police judiciaire qui, après avoir contrôlé ses pièces d'identité et procédé à la visite de sa mallette, ont décidé de retenir l'intéressé à leur disposition jusqu'à l'arrivée de son " bagage de soute ", le lendemain à 11 heures, dans lequel ont été alors découverts six paquets de cocaïne d'un poids total de 1, 400 kg ; que sur la base du procès-verbal douanier dressé le 6 octobre 1983, Joël X... a été poursuivi et renvoyé devant la juridiction correctionnelle des chefs d'infractions à la législation sur les stupéfiants et d'importation en contrebande de marchandises prohibées ;
Attendu que pour faire droit aux conclusions de la défense du prévenu soulevant la nullité du procès-verbal des Douanes et celle de la procédure subséquente résultant de l'irrégularité de son arrestation par le service des Douanes, la cour d'appel, après avoir constaté que l'interpellation de Joël X... le 5 octobre 1983 était intervenue en l'absence de toute infraction flagrante qui eût autorisé la " capture " immédiate du prévenu en vertu des dispositions de l'article 323-3 du Code des douanes, énonce que si la faculté pour les agents des Douanes de retenir les personnes découle implicitement mais nécessairement du droit, qui leur est reconnu par l'article 60 du même Code, de procéder à la visite des marchandises des moyens de transport et à celle des personnes, cette mesure ne peut s'exercer que pendant le temps nécessaire à ces visites et à l'établissement du procès-verbal qui les constate ; que la cour d'appel relève que la retenue du prévenu, qui s'est poursuivie pendant plus de quinze heures dans l'attente de son bagage supposé contenir de la marchandise prohibée, alors qu'elle n'aurait pas dû excéder le temps strictement nécessaire au contrôle de ce voyageur, à celui de sa mallette et à la rédaction du procès-verbal relatant ces opérations, est dépourvue de toute régularité ; que les juges en déduisent que la retenue de Joël X... ayant été opérée à un moment où aucun élément n'établissait d'infraction douanière, et la procédure prévue par l'article 60 du Code des douanes ayant été ainsi détournée de son objet, le procès-verbal des Douanes du 6 octobre 1983, premier acte de la poursuite, s'en est trouvé vicié et ne pouvait plus dès lors servir de base légale aux divers actes postérieurs qui doivent être également annulés ;
Attendu qu'en prononçant ainsi alors que le procès-verbal base des poursuites ne constatait aucune infraction douanière lors des opérations de visite accomplies, la cour d'appel, loin de méconnaître les textes visés au moyen, en a fait au contraire l'exacte application ;
D'où il suit que le moyen ne peut qu'être rejeté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.