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10/06/1987 | FRANCE | N°86-91144

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 juin 1987, 86-91144


REJET du pourvoi formé par :
- X... André,
contre un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 7e chambre, en date du 7 novembre 1985, qui, pour dégradations volontaires d'objet mobilier, l'a condamné à la suspension de son permis de conduire pour une durée de 6 mois, et l'a débouté de ses demandes contre Y... Alain après avoir relaxé celui-ci des chefs de blessures involontaires et infraction au Code de la route.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 321 et 434 du Code

pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse...

REJET du pourvoi formé par :
- X... André,
contre un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 7e chambre, en date du 7 novembre 1985, qui, pour dégradations volontaires d'objet mobilier, l'a condamné à la suspension de son permis de conduire pour une durée de 6 mois, et l'a débouté de ses demandes contre Y... Alain après avoir relaxé celui-ci des chefs de blessures involontaires et infraction au Code de la route.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 321 et 434 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, défaut de réponse à conclusions et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable d'avoir volontairement détruit les essuie-glaces, le rétroviseur, une vitre du véhicule Mercédès appartenant à la société Follin, et l'a condamné à la peine de suspension de son permis de conduire pour la durée de 6 mois ;
" aux motifs que le demandeur s'est lancé à la poursuite de M. Y... ; qu'il s'est détourné de son trajet initial pour le suivre sur le C. D. 2565, essayant de le doubler, afin de lui barrer le passage ; qu'il parvenait à ses fins dans le tunnel de Rimplas, après plusieurs chocs au terme d'une course de quarante kilomètres ; qu'il descendait de voiture, tenant à la main la chaîne de son chien et sautait sur le pare-choc du camion de M. Y..., détériorant les essuie-glaces et le rétroviseur, puis brisait la vitre avant gauche d'un coup de chaîne ; que M. Y..., qui avait démarré pour tenter de se décharger, perdait alors le contrôle de son véhicule qui percutait la paroi du tunnel ; que X..., déséquilibré par le choc, tombait et était blessé à la jambe ; que l'agression commise par le demandeur à l'encontre de M. Y... est caractérisée ;
" alors que, d'une part, le délit de dégradation volontaire de biens suppose l'existence d'un acte volontaire, une intention coupable ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a omis de répondre aux chefs péremptoires des conclusions d'appel du demandeur faisant valoir qu'après être parvenu à arrêter le véhicule de M. Y..., celui-ci n'acceptant pas de descendre, il avait dû monter sur le pare-choc avant gauche de la camionnette afin de lui parler ; M. Y... avait alors brusquement démarré et le demandeur, pour éviter de tomber, s'était accroché aux essuie-glaces et au rétroviseur, seuls points d'attache dont il disposait pour éviter de tomber ; le demandeur soulignait que ces éléments avaient été tordus et non cassés sous l'effet des déséquilibres qu'il avait subis par suite des coups de volant donnés par M. Y... ;
" alors, d'autre part, que l'excuse de provocation peut être une cause de suppression de l'infraction ; qu'en l'espèce, la cour d'appel n'a pas davantage répondu aux conclusions déterminantes du demandeur qui indiquait que la vitre avant gauche du véhicule n'avait été brisée que pour forcer M. Y... à s'arrêter ; qu'il disposait de ce seul moyen pour impressionner M. Y... alors que la vitesse atteinte par le véhicule de ce dernier lui interdisait de descendre du pare-choc et qu'il risquait d'être très grièvement blessé s'il tombait, ce qui était survenu " ;
Attendu que pour écarter les conclusions du prévenu et retenir sa culpabilité du chef de dégradations volontaires d'objet mobilier, l'arrêt attaqué énonce que X... s'est lancé avec sa voiture à la poursuite du camion conduit par Y... ; qu'après être parvenu à lui barrer le passage dans un tunnel, X... s'est précipité vers le véhicule de Y... ; que X..., étant alors armé d'une chaîne, a brisé la vitre avant gauche du camion, détériorant par ailleurs ses essuie-glaces et son rétroviseur ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, qui caractérisent en tous ses éléments l'infraction retenue, les juges du fond ont donné une base légale à leur décision ; qu'ils n'avaient pas, d'une part, à répondre autrement aux arguments des conclusions du prévenu dont ils ont rejeté implicitement la version des faits ; que, d'autre part, la provocation, fût-elle établie, ne constitue pas une excuse légale en matière de dégradations volontaires ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 14, R. 6 et R. 233 du Code de la route, 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a relaxé M. Y... des fins de la poursuite ;
" aux motifs que l'on ne peut reprocher à ce dernier d'avoir tenté de se déplacer et de reprendre la route, alors qu'il venait d'être intercepté de nuit, sur un chemin de montagne, par un individu très excité et dont il avait de bonnes raisons de craindre la violence ; qu'une faute quelconque de conduite ne peut davantage lui être reprochée alors qu'il a perdu le contrôle de son véhicule après l'éclatement de la vitre avant gauche sous les coups de chaîne portés par son agresseur ;
" alors que, d'une part, tout conducteur qui s'apprête à apporter un changement important dans la direction de son véhicule doit préalablement s'assurer qu'il peut le faire sans danger ; que le changement d'allure ou de direction constitue une manoeuvre pertubatrice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel qui s'est bornée à se référer aux circonstances de la cause relatées par le Tribunal, qui a exposé la version de chacune des parties et de l'unique témoin, ne pouvait retenir que M. Y... avait perdu le contrôle de son véhicule après l'éclatement de la vitre avant gauche, alors que selon les aveux de celui-ci, rapportés par les premiers juges, voyant le demandeur sur le marchepied de la camionnette, l'automobiliste avait continué à avancer et s'était efforcé, par de brusques à-coups de conduite et par des manoeuvres sèches de son volant, à contraindre le demandeur à descendre ; d'où il suit qu'en refusant de puiser dans ces circonstances l'existence d'une infraction à l'article R. 6 du Code de la route, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision ;
" alors, d'autre part, que commet une imprudence en rapport avec l'accident dont a été victime le demandeur, le fait, pour l'automobiliste, de démarrer sciemment sans prendre aucune précaution, alors que le demandeur se trouvait sur son pare-choc avant et d'avoir atteint une vitesse telle qu'il a fait tomber celui-ci, de telle sorte que sa jambe droite est passée sous la roue du véhicule " ;
Attendu que le moyen se borne à remettre en cause devant la Cour de Cassation l'appréciation des éléments de preuve contradictoirement débattus sur lesquels les juges ont fondé leur conviction pour relaxer Y... des fins de la poursuite ;
Qu'il s'ensuit que le moyen ne peut qu'être rejeté ;
Sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles 1er, 3 et 47 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, 593 du Code de procédure pénale, défaut de réponse à conclusions, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a débouté le demandeur de sa demande en réparation du préjudice subi ;
" aux motifs que le préjudice subi par M. X...est la conséquence directe et prévisible de l'agression à laquelle celui-ci s'est livré qu'il ne pouvait pas ne pas envisager, à moins que sa conscience n'ait été totalement obnubilée par la colère, les risques très graves que son action faisait courir à lui-même comme à son adversaire ; qu'il a ainsi commis une faute volontaire qui est à l'origine du sinistre dont il se plaint ;
" alors que, d'une part, doit être cassé, par application des articles 1er et 3 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985, rendue applicable par l'article 47 aux actions en justice introduites avant cette publication, l'arrêt qui, pour débouter un piéton de sa demande en réparation du préjudice corporel, énonce que celui-ci a commis une faute volontaire qui est à l'origine du sinistre dont il se plaint ; qu'en l'espèce, le demandeur avait expressément invoqué la loi susvisée dans ses conclusions d'appel auxquelles la cour d'appel a omis de répondre ;
" alors, d'autre part, que seule la faute inexcusable, si elle a été la cause exclusive de l'accident, peut exonérer l'automobiliste ; qu'en l'espèce, la cour d'appel ne relève aucune circonstance propre à établir la faute inexcusable du demandeur ; que, dès lors, la responsabilité de l'automobiliste reste entière ;
" alors, enfin, que la victime n'est pas indemnisée par l'auteur de l'accident des dommages résultant des atteintes à sa personne lorsqu'elle a volontairement cherché le dommage qu'elle a subi ; que cette règle suppose que la victime ait recherché son propre dommage ; que tel n'est pas le cas en l'espèce, la cour d'appel ayant seulement retenu une faute volontaire à l'origine du sinistre " ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement dont il adopte l'exposé des faits, qu'après avoir rejoint le camion au volant duquel se trouvait Y..., X... a sauté sur le pare-choc de ce véhicule ; qu'à coups de chaîne il a provoqué l'éclatement de la vitre ; qu'au cours de cette action X... a été déséquilibré, est tombé, se blessant à la jambe ;
Attendu que, pour écarter la demande d'indemnisation de son préjudice corporel présentée par X... sur le fondement des articles 470-1 du Code de procédure pénale 1, 2 et 3 de la loi du 5 juillet 1985, les juges retiennent que celui-ci, agissant dans le seul but de lui faire un mauvais parti, a agressé Y... et que le dommage est la conséquence directe et prévisible de cette action, avant d'énoncer que X... a commis une infraction volontaire qui est la seule cause du dommage qu'il a subi ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, qui caractérisent la volonté de nuire de X..., la cour d'appel, qui n'avait pas, dès lors, à faire application de la loi du 5 juillet 1985, a, sans insuffisance, donné une base légale à sa décision ;
Que le moyen ne peut donc qu'être rejeté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 86-91144
Date de la décision : 10/06/1987
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° DESTRUCTIONS - DEGRADATIONS - DOMMAGES - Dégradation volontaire d'objet mobilier - Intention coupable - Excuse légale - Provocation (non).

EXCUSES - Excuse de provocation - Application - Dégradation volontaire d'objet mobilier (non).

1° La provocation, en matière de dégradations volontaires d'objet mobilier, ne constitue pas une excuse légale

2° ACTION CIVILE - Fondement - Infraction - Homicide ou blessures involontaires - Relaxe - Application des règles du droit civil - Loi n° du 5 juillet 1985 - Conditions d'application.

2° Les dispositions des articles 1er et 3 de la loi du 5 juillet 1985 sur l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation ne sont pas applicables à l'auteur de dégradations volontaires commises sur un véhicule automobile, qui s'est blessé en commettant ces dégradations


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 07 novembre 1985

CONFER : (1°). Chambre criminelle, 1962-11-08 Bulletin criminel 1962, n° 313, p. 651 (cassation partielle) ;

Chambre criminelle, 1972-05-03 Bulletin criminel 1972, n° 151, p. 377 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 10 jui. 1987, pourvoi n°86-91144, Bull. crim. criminel 1987 N° 238 p. 649
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1987 N° 238 p. 649

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Tacchella, conseiller le plus ancien faisant fonction .
Avocat général : Avocat général :M. Rabut
Rapporteur ?: Rapporteur :Mme Bregeon
Avocat(s) : Avocats :MM. Choucroy et Odent, la SCP Lesourd et Baudin.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1987:86.91144
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