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01/06/1987 | FRANCE | N°85-94602

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 01 juin 1987, 85-94602


REJET des pourvois formés par :
1°) X... Bernard,
2°) Y... Jean-Marie,
contre un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 7e chambre, en date du 2 juillet 1985, qui, pour blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail personnel supérieure à 3 mois et infractions aux règles relatives à la sécurité du travail, les a condamnés, X... à 3 mois d'emprisonnement avec sursis et 2 000 francs d'amende, Y... à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et 2 000 francs d'amende, a ordonné en outre l'affichage et la publication de la décision et a donné a

cte à Charles Z... de sa constitution de partie civile.
LA COUR,
Joignant...

REJET des pourvois formés par :
1°) X... Bernard,
2°) Y... Jean-Marie,
contre un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, 7e chambre, en date du 2 juillet 1985, qui, pour blessures involontaires ayant entraîné une incapacité totale de travail personnel supérieure à 3 mois et infractions aux règles relatives à la sécurité du travail, les a condamnés, X... à 3 mois d'emprisonnement avec sursis et 2 000 francs d'amende, Y... à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et 2 000 francs d'amende, a ordonné en outre l'affichage et la publication de la décision et a donné acte à Charles Z... de sa constitution de partie civile.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le moyen unique de cassation proposé au nom de Bernard X... et pris de la violation des articles 320 du Code pénal, 1er, 4, 5 et 20 du décret du 29 novembre 1977, L. 231-2 et L. 263-6 du Code du travail, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X..., dirigeant d'une société ayant utilisé temporairement les services d'un salarié, victime d'un accident, appartenant à une autre société, coupable de coups et blessures involontaires et d'infractions à la législation du travail ;
" aux motifs adoptés des premiers juges que, quelle que soit la dénomination donnée à l'intervention de la société SNEF en l'espèce, les deux sociétés ne produisent aucun contrat de mise à disposition, qu'à supposer même qu'il en existe un, les deux entreprises ne peuvent s'exonérer du décret du 29 novembre 1977 que dans la mesure où la mise à disposition du tuyauteur serait faite dans le cadre des règles propres au travail temporaire, qu'il aurait fallu pour le moins que la société SNEF soit une entreprise de travail temporaire au sens de l'article L. 124-1 du Code du travail, ce qui n'est pas le cas, qu'ainsi le travail accompli par Z... rentre bien dans le cadre des dispositions de l'article 1er du décret du 29 novembre 1977 ; que si effectivement, c'est à l'initiative du chef de l'entreprise utilisatrice que les employeurs doivent définir en commun les mesures à prendre pour chacun d'eux en vue d'éviter le risque professionnel pouvant résulter de l'exercice simultané en un même lieu des activités des deux entreprises, il est évident que les décisions sont prises en commun et que l'entreprise intervenante ne peut se prévaloir de la carence de l'entreprise utilisatrice pour justifier sa propre négligence ;
" alors que, d'une part, il est constant que Y..., coprévenu, directeur de l'entreprise SNEF ayant mis à disposition le salarié M. Z..., avait affirmé que sa société était intervenue comme prestataire de services et que les relations entre les deux entreprises étaient régies par un contrat de travail temporaire, que dès lors en écartant les règles relatives à un contrat de travail temporaire et en faisant application du décret du 29 novembre 1977 sans s'expliquer autrement sur les affirmations du directeur de la société prestataire, la cour d'appel n'a pas donné de fondement légal à sa décision ;
" alors, d'autre part, et en tout état de cause que dans la mesure où plusieurs entreprises travaillent sur le même chantier, sauf accord de délégation exprès contraire, chaque chef d'entreprise demeure responsable de son propre personnel ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que M. Z..., préposé de l'entreprise SNEF, avait été détaché à l'entreprise Solamat pour effectuer un chantier ; qu'il appartenait, dès lors, à Y..., dirigeant de l'entreprise SNEF, d'assurer la sécurité de ses ouvriers en l'absence de toute délégation expresse contraire ; d'où il suit que la cour d'appel ne pouvait déclarer le demandeur coupable des délits reprochés sans violer le décret du 29 novembre 1977 " ;
Sur le moyen unique de cassation proposé au nom de Jean-Marie Y... et pris de la violation des articles 1er, 4, 5, 20 du décret du 29 novembre 1977, L. 263-6 du Code du travail, 1384 du Code civil, 320 du Code pénal, 591, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Y... pour blessures involontaires et pour infraction aux articles 1er, 4, 5, 20 du décret du 29 novembre 1977, définissant " les règles particulières d'hygiène et de sécurité applicables aux travaux effectués dans un établissement par une entreprise extérieure " ;
" aux motifs adoptés du jugement que " le 23 décembre 1980, Charles Z..., ouvrier de la SNEF, travaillant pour la Solamat depuis un mois environ, a été grièvement brûlé alors qu'il avait été appelé pour aider des ouvriers de la Solamat à débloquer un tapis roulant destiné à évacuer les cendres d'un four tournant, qu'il se trouvait juché sur une échelle, muni d'une lance à incendie à l'aide de laquelle il devait débarrasser le tapis des cendres " ;
" que " l'inspecteur du travail, chargé de l'enquête, a constaté que durant l'année 1980 les travaux effectués par l'entreprise SNEF Electric Flux pour le compte de la société Solamat se sont élevés à 3 055, 50 heures, que malgré ce nombre important d'heures de travail, les obligations édictées par le décret du 29 novembre 1977 fixant les prescriptions particulières d'hygiène et de sécurité applicables aux travaux effectués dans un établissement par une entreprise extérieure, n'ont pas été appliquées par l'entreprise Solamat " ; que les prévenus ne pourraient s'exonérer de l'application de ce décret dans la mesure où la facture relative à la mise à la disposition de la Solamat d'un tuyauteur pendant le mois de décembre 1980 produite par la SNEF ne concernerait pas nominativement la victime ; qu'enfin, " que quelle que soit la dénomination donnée à l'intervention de la société SNEF, en l'espèce, les deux sociétés ne produisent aucun contrat de mise à disposition ; qu'à supposer même qu'il en existe un les deux entreprises ne peuvent s'exonérer de l'application du décret du 29 novembre 1977 que dans la mesure où la mise à la disposition du tuyauteur serait faite dans le cadre des règles propres au travail temporaire ; qu'il aurait fallu pour le moins que la société SNEF soit une entreprise de travail temporaire au sens de l'article L. 124-1 du Code du travail, ce qui n'est pas le cas ; qu'ainsi le travail accompli par Charles Z... rentre bien dans le cadre des dispositions de l'article 1er du décret du 29 novembre 1977 " ;
" alors d'une part qu'il résulte des articles 1er et 4 du décret du 29 novembre 1977, que les dispositions de ce texte sont applicables lorsque des travaux sont exécutés dans l'établissement d'une entreprise dite utilisatrice par une entreprise extérieure, et que des mesures destinées à prévenir les risques inhérents à l'exercice simultané des activités des deux entreprises doivent être arrêtées à partir du moment où les risques peuvent être réellement appréciés compte tenu de la date d'exécution des travaux ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui se borne à retenir que la société SNEF Electric Flux aurait facturé 3 000 heures de travail à la société Solamat, et qui se refuse à rechercher si la victime, M. Z..., était effectivement affectée le jour de l'accident à un chantier confié à la société SNEF, ou si elle avait seulement été mise à la disposition de la Solamat, ne caractérise nullement l'existence de deux activités simultanées sur un même lieu des deux entreprises concernées ;
" alors d'autre part que contrairement aux énonciations de l'arrêt, il ne résulte nullement des pièces versées aux débats (enquêtes de l'inspection du Travail, déclaration de la victime), que M. Z... ait été appelé pour aider les ouvriers de la Solamat, à remédier à un incident de fonctionnement d'un four, mais tout au contraire, qu'il faisait l'objet d'un prêt de main d'oeuvre, et se trouvait sous la subordination des préposés de la Solamat, qui l'avaient affecté à la tâche à laquelle il était occupé au moment de l'accident, de telle sorte que l'arrêt attaqué qui admet, par ailleurs, que " Charles Z..., ouvrier de la SNEF, travaillait pour la Solamat depuis un mois environ ", n'a nullement caractérisé l'intervention d'une entreprise extérieure ayant une activité simultanée avec celle de l'entreprise utilisatrice, ni a fortiori l'existence d'un quelconque lien de causalité entre l'inobservation du décret du 29 novembre 1977 et l'accident litigieux qui est survenu dans le déroulement d'une opération dont la Solamat assumait le contrôle exclusif ;
" alors de troisième part qu'en affirmant que la SNEF aurait été soumise au décret du 29 novembre 1977, sous prétexte que la facture produite relative à la mise à la disposition de la Solamat d'un tuyauteur, pour le mois de décembre 1980, n'aurait pas été nominative, la cour d'appel, qui n'a pas établi, par ailleurs, que M. Z... aurait travaillé dans l'établissement de la Solamat, à un autre titre, a interverti la charge de la preuve, qui bénéficie au prévenu, et a méconnu le principe de la présomption d'innocence ;
" et alors enfin qu'en déclarant le décret du 29 novembre 1977 applicable en la cause, quand bien même la présence de M. Z... dans un établissement de la Solamat résulterait d'un simple prêt de main d'oeuvre effectué par la SNEF, sauf à cette dernière à établir qu'elle aurait été une entreprise de travail temporaire, exerçant son activité dans des conditions réglementaires, la cour d'appel a violé par fausse application les articles L. 125-3 et L. 124-1 ainsi que le décret du 29 novembre 1977 " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il appert des énonciations de l'arrêt attaqué et du jugement dont il adopte les motifs que le 23 décembre 1980 Charles Z..., ouvrier de la société SNEF Electric Flux, qui travaillait dans des locaux de la société Solamat, a été grièvement blessé alors qu'il avait été appelé pour aider des ouvriers de cette dernière entreprise à débloquer un tapis roulant destiné à évacuer les cendres d'un four tournant ;
Attendu que Bernard X..., directeur de la société Solamat, entreprise utilisatrice, et Jean-Marie Y..., chef de service de la société SNEF Electric Flux, entreprise intervenante, ont été poursuivis des chefs de blessures involontaires et infractions aux règles relatives à la sécurité du travail ;
Attendu d'une part que, pour écarter l'argumentation des prévenus faisant état d'un contrat de travail temporaire excluant l'application du décret du 29 novembre 1977 fixant les prescriptions particulières d'hygiène et de sécurité applicables aux travaux effectués dans un établissement par une entreprise extérieure, les juges énoncent que les deux sociétés ne produisent aucun contrat justifiant la mise à disposition du salarié conformément aux règles sur le travail temporaire ;
Attendu d'autre part que pour déclarer les prévenus coupables d'infractions aux dispositions du décret du 29 novembre 1977 précité, les juges relèvent qu'au cours de l'année 1980 les travaux effectués par la société SNEF Electric Flux dans l'établissement utilisateur ont excédé 3 000 heures, qu'en raison du matériel employé par la société Solamat il existait des risques particuliers d'accident par brûlures qui méritaient d'être caractérisés et signalés aux salariés extérieurs intervenant sur ses installations, que contrairement aux prescriptions légales il n'a pas été procédé à l'inspection commune des lieux de travail ni établi de procès-verbal détaillé définissant les mesures prises ou à prendre en matière de sécurité ;
Qu'après avoir énoncé que la négligence commune des prévenus et leur inobservation du décret du 29 novembre 1977 a été la cause de l'accident dont Z... a été victime, les juges en déduisent que ces prévenus ont également commis le délit de blessures involontaires ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, exempts d'insuffisance, la cour d'appel a justifié sa décision par une appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause ;
D'où il suit que les moyens réunis, qui se bornent à contester le bien-fondé de cette appréciation, ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 85-94602
Date de la décision : 01/06/1987
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

TRAVAIL - Hygiène et sécurité des travailleurs - Travaux effectués dans un établissement par une entreprise extérieure - Décret n° 77-1321 du 29 novembre 1977 - Application - Conditions - Concertation entre les chefs d'entreprise

Le décret du 29 novembre 1977, fixant les prescriptions particulières d'hygiène et de sécurité applicables aux travaux effectués dans un établissement par une entreprise extérieure, a pour objet de parer aux risques professionnels pouvant résulter de l'interférence et de la simultanéité des activités des deux entreprises. La concertation préalable de leurs dirigeants et une information précise et réciproque des salariés au sujet des dangers qu'ils peuvent courir du fait de ce concours sont alors indispensables.


Références :

Décret 77-1321 du 29 novembre 1977 art. 1, art. 4, art. 5, art. 20

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 02 juillet 1985

CONFER : (1°). Chambre criminelle, 1985-06-25 Bulletin criminel 1985, n° 249, p. 648 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1986-10-07 Bulletin criminel 1986, n° 273, p. 691 (cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 01 jui. 1987, pourvoi n°85-94602, Bull. crim. criminel 1987 N° 228 p. 626
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1987 N° 228 p. 626

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Tacchella, conseiller le plus ancien faisant fonction .
Avocat général : Avocat général :M. Galand
Rapporteur ?: Rapporteur :Mme Bregeon
Avocat(s) : Avocats :MM. Choucroy et Célice.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1987:85.94602
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