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26/05/1987 | FRANCE | N°84-17777

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 26 mai 1987, 84-17777


Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 29 novembre 1984), rendu en matière de référé, que l'agence Havas a obtenu de l'Etat concession d'un service de télévision par voie hertzienne ayant pour objet " la programmation d'émissions destinées au public spécialement équipé pour y accéder et versant une rémunération pour ce service " ; que, venant aux droits de l'agence Havas, la société d'exploitation de la 4e chaîne, dite Canal Plus, a, dans le cadre de cette concession, mis en place un réseau d'émissions r

éservé aux personnes munies d'un équipement spécial, dénommé " décodeur ",...

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches :

Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Paris, 29 novembre 1984), rendu en matière de référé, que l'agence Havas a obtenu de l'Etat concession d'un service de télévision par voie hertzienne ayant pour objet " la programmation d'émissions destinées au public spécialement équipé pour y accéder et versant une rémunération pour ce service " ; que, venant aux droits de l'agence Havas, la société d'exploitation de la 4e chaîne, dite Canal Plus, a, dans le cadre de cette concession, mis en place un réseau d'émissions réservé aux personnes munies d'un équipement spécial, dénommé " décodeur ", pour l'obtention duquel elles doivent souscrire un contrat d'abonnement mettant à leur charge le paiement d'une redevance ; que, propriété exclusive de Canal Plus, cet équipement ne peut être utilisé que par l'abonné ; que M. X..., directeur de la revue " Radio Plans Electronique Loisirs ", éditée par la Société parisienne d'édition et distribuée par la société Transport Presse, a publié un article comportant les indications rendant possible la création d'un appareil permettant, bien que n'étant pas la copie du " décodeur " de Canal Plus, de capter ses émissions sans la souscription préalable d'un contrat d'abonnement et le paiement de la redevance ;

Attendu que la Société parisienne d'édition et M. X... font grief à l'arrêt d'avoir fait défense à la première de diffuser cette publication tant qu'elle contiendrait l'article litigieux, alors, selon le pourvoi, d'une part, que le juge des référés ne peut prescrire de mesures conservatoires ou de remise en état en vue de faire cesser un trouble qu'après avoir constaté l'illicéité manifeste du trouble allégué ; qu'en l'espèce, la seule circonstance que Canal Plus aurait mis en place un réseau privé d'émissions réservées aux personnes avec lesquelles elle aurait conclu des contrats d'abonnements stipulant le paiement d'une redevance ne suffisait pas à caractériser l'illicéité manifeste du trouble qu'aurait causé la publication des plans d'un appareil permettant le " décodage " des émissions diffusées par ses soins ; qu'un trouble ne peut être manifestement illicite que s'il porte atteinte à un droit ou à une situation juridiquement protégée et à la condition que ce droit ou cette situation soient opposables à l'auteur du trouble prétendu ; que la Société parisienne d'édition avait fait valoir que Canal Plus ne pouvait se prévaloir d'aucun droit opposable aux tiers à interdire la réception et le décodage des signaux qu'elle émet, d'autant qu'aux termes des articles 1er et 2 de la loi du 29 juillet 1982, la communication audio-visuelle est libre ; qu'en interdisant néanmoins à l'éditeur de procéder à la publication litigieuse et en restreignant de la sorte l'exercice de la liberté de la presse et en ne se fondant que sur des contrats inopposables aux tiers, sans rechercher en quoi cette publication aurait porté atteinte de façon manifestement illicite aux droits ou aux intérêts juridiquement protégés et opposables aux tiers de Canal Plus, la cour d'appel, qui n'a constaté aucun dommage imminent, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des exigences de l'article 809, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile, alors, d'autre part, qu'à supposer que Canal Plus eût pu se prévaloir d'un droit ou d'une situation

juridiquement protégée, et prétendre en conséquence que le trouble allégué était illicite, le juge des référés ne pouvait prescrire les mesures demandées qu'à la condition que cette illicéité fût manifeste ; que Canal Plus n'avait rapporté aucune preuve ni de ses droits, ni de leur opposabilité, dont la Société parisienne d'édition contestait l'existence ; que l'illicéité du trouble allégué n'étant donc pas manifeste, le juge des référés était incompétent ; qu'en confirmant néanmoins la mesure d'interdiction prescrite par le premier juge, en se bornant à affirmer l'existence d'un préjudice manifestement illicite sans justifier de l'évidence de celui-ci, la cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard des exigences de l'article 809, alinéa premier, du nouveau Code de procédure civile, et alors, enfin, qu'aux termes des articles 1er et 2 de la loi du 29 juillet 1982, la communication audiovisuelle est libre ; que l'article 3 de la même loi dispose que, sauf accord des intéressés, l'anonymat des choix faits par les usagers parmi les programmes qu'ils peuvent recevoir doit être garanti ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les émissions de télévision par voie hertzienne peuvent être librement reçues ; que la nature même de ces signaux radio électriques en interdit toute appropriation dès lors qu'ils se diffusent dans l'athmosphère et que, n'appartenant à personne, leur usage est commun à tous en vertu des dispositions de l'article 714 du Code civil ; que la liberté de cet usage est garantie, outre la loi précitée, par l'article 114 de la loi du 31 mai 1933 et par le décret du 1er décembre 1933 pris pour son application qui protègent la réception des émissions contre les troubles parasites provoqués par les installations et appareils électriques ; que la liberté de réception des signaux hertziens, qu'impose leur nature même et qui est garantie dans son principe par la loi et protégée en pratique par les dispositions susvisées, est une liberté publique ; qu'en faisant défense à l'éditeur d'une publication technique de publier les plans d'un appareil permettant la réception de signaux hertziens en considérant que ces signaux ne pouvaient pas être reçus gratuitement, la cour d'appel a violé le principe de la liberté de la communication audio-visuelle et de la réception des sons et images mis à la dispositions du public par voie hertzienne et les articles 1er, 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1982 ;

Mais attendu qu'ayant, par motifs propres et adoptés, relevé à bon droit que la liberté de réception des signaux hertziens ne peut autoriser quiconque à prétendre bénéficier gratuitement d'un réseau privé d'émissions audiovisuelles réservées aux personnes ayant souscrit un abonnement et versant une redevance et constaté que les indications de l'article litigieux donnaient aux lecteurs les moyens techniques de réaliser un appareil destiné à la réception frauduleuse des programmes diffusés dans ces conditions par Canal Plus, la cour d'appel, sans porter atteinte à l'exercice de la liberté de la presse, n'a fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient de l'article 809, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile en se prononçant comme elle l'a fait ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 84-17777
Date de la décision : 26/05/1987
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

REFERE - Mesures conservatoires ou de remise en état - Trouble manifestement illicite - Télévision - Appareil de réception frauduleuse des programmes - Publication dans une revue des plans en permettant la réalisation

* RADIODIFFUSION-TELEVISION - Télévision - Réception - Appareil de réception frauduleuse des programmes - Publication dans une revue des plans en permettant la réalisation - Référés - Trouble manifestement illicite

* RADIODIFFUSION-TELEVISION - Télévision - Réception - Liberté de réception des signaux hertziens - Portée - Possibilité de bénéficier gratuitement d'émissions réservées aux abonnés (non)

* PRESSE - Liberté de la presse - Atteinte - Télévision - Appareil de réception frauduleuse des programmes - Publication dans une revue des plans en permettant la réalisation - Interdiction de diffuser la revue (non)

La liberté de réception des signaux hertziens ne peut autoriser quiconque à prétendre bénéficier gratuitement d'un réseau privé d'émissions audiovisuelles réservées aux personnes ayant souscrit un abonnement et versant une redevance . Dès lors qu'elle a constaté que les indications figurant dans un article de revue donnaient aux lecteurs les moyens techniques de réaliser un appareil destiné à la réception frauduleuse des programmes diffusés dans de telles conditions, une cour d'appel, sans porter atteinte à l'exercice de la liberté de la presse, ne fait qu'user des pouvoirs qu'elle tient de l'article 809, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile en faisant défense au directeur de la publication d'en poursuivre la diffusion tant qu'elle contiendrait l'article litigieux


Références :

Nouveau Code de procédure civile 809 al. 1

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 29 novembre 1984


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 26 mai. 1987, pourvoi n°84-17777, Bull. civ. 1987 IV N° 127 p. 96
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1987 IV N° 127 p. 96

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Baudoin
Avocat général : Avocat général :M. Jeol
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Cordier
Avocat(s) : Avocats :la SCP Vier et Barthélémy et la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1987:84.17777
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