CASSATION sur les pourvois formés par :
1° X... Isabelle,
2° Y... Tahar,
propriétaires d'un débit de boissons,
contre un arrêt de la cour d'appel de Reims, chambre correctionnelle, en date du 3 juillet 1986 qui, dans des poursuites exercées contre Bouaziz Z... et Aziza Z... pour infractions au Code des débits de boissons, a ordonné la fermeture définitive du débit.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 29, L. 30, L. 42, L. 44 et L. 59-1 du Code des débits de boissons, 335 du Code pénal, 485 et 493 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé la fermeture du débit " Le Witry " ;
" aux motifs que ni les prévenus ni le ministère public n'ayant relevé appel du jugement, Bouaziz Z... et Azizza Z... sont définitivement convaincus des délits qui leur étaient reprochés ; que conformément aux dispositions des articles L. 30 et L. 42 du Code des débits de boissons, la peine complémentaire de fermeture définitive de l'établissement exploité irrégulièrement est obligatoire peu important, s'agissant d'une mesure de sûreté de caractère réel, que les appelants aient fait l'acquisition du fonds postérieurement à la constatation de l'infraction ;
" alors que la mesure de fermeture définitive n'est légale que si les conditions préalables de constatation de l'infraction principale sont remplies ; qu'en l'espèce la simple affirmation des premiers juges ne pouvait motiver la condamnation et qu'ainsi l'arrêt attaqué devait indépendamment de l'appel des prévenus répondre aux conclusions des exposants démontrant que les délits n'étaient pas constitués " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que selon l'article L. 59-1 alinéa 2 du Code des débits de boissons, en cas de poursuites pour une infraction pouvant entraîner la fermeture temporaire ou définitive d'un débit de boissons, ces mesures ne peuvent être prononcées, si le propriétaire du débit n'est pas poursuivi, qu'à la condition qu'il ait été cité par le ministère public avec indication de la nature des poursuites et de la possibilité pour le Tribunal de prononcer lesdites mesures ; que le même article autorise cette personne à présenter ou faire présenter par un avocat, à l'audience, ses observations, et ensuite à interjeter appel si elle a usé de cette faculté ; qu'il suit de là, en l'absence de toute disposition restrictive dudit article, que l'intéressé a le droit de contester notamment la réalité de l'infraction, fondement même de la mesure de fermeture, fût-elle obligatoire, et que les juges sont tenus, avant de statuer sur la mesure envisagée, de répondre aux chefs péremptoires des conclusions déposées à cet égard par la personne précitée ;
Attendu qu'Isabelle X... et Y..., propriétaires indivis d'un débit de boissons, avaient, en application de l'article L. 59-1 du Code des débits des boissons, été cités par le ministère public pour être présents aux poursuites exercées contre Bouaziz et Azizza Z... pour ouverture dudit débit en infraction aux articles L. 29 et L. 44 du Code précité ; que leur avocat avait formulé des observations à l'audience ; qu'après avoir déclaré les prévenus coupables des faits qui leur étaient reprochés, le Tribunal avait ordonné la fermeture définitive du débit ;
Attendu que saisis des seuls appels d'Isabelle X... et de Y..., les juges du second degré ont confirmé le jugement par l'unique motif que faute d'appel sur l'action publique, la déclaration de culpabilité des prévenus était passée en force de chose jugée et que, conformément aux articles L. 30 et L. 42 du Code susvisé, en raison de la nature des infractions reprochées, la fermeture définitive était obligatoire ;
Mais attendu que les appelants avaient déposé en cause d'appel des conclusions soutenant que les infractions n'étaient pas constituées et qu'ainsi la fermeture, qui les concernait personnellement, était dépourvue de fondement légal ;
Attendu qu'en s'abstenant de répondre à ces conclusions, qui revêtaient un caractère péremptoire, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de Cassation en mesure de s'assurer de la légalité de sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;
Par ces motifs :
CASSE et ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Reims en date du 3 juillet 1986, mais seulement en ce qui concerne la mesure de fermeture du débit,
Et pour qu'il soit à nouveau statué conformément à la loi dans la limite de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nancy.