REJET du pourvoi formé par :
- X... Paul,
contre un arrêt de la cour d'appel de Rouen, chambre correctionnelle, en date du 27 mai 1986, qui, pour faux en écriture privée et usage, l'a condamné à 1 000 francs d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 150 et 151 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable de faux en écriture privée et usage de faux ;
" aux motifs que X... a produit dans le cadre de la procédure prud'homale l'opposant à son ancien employeur un exemplaire de la lettre d'embauche sur laquelle était portée la mention " voir le chiffre d'affaires trop élevé " ; que cette indication était absente sur l'exemplaire retourné à la société Albert Lefèbvre organisation ; que de même avait été rajoutée sur l'exemplaire produit par X..., écrite à l'encre rouge et fléchée à partir de l'additif relatif au chiffre d'affaires la phrase " ceci ne figure pas, paraît-il, sur la lettre retournée au président-directeur général " ; que le conseil des prud'hommes constata l'absence de conciliation et ordonna à titre provisoire le paiement de la somme de 6 000 francs à valoir sur l'indemnité de préavis, par la société anonyme à Paul X... ; que la société anonyme porta plainte contre X... pour faux et usage de faux ; que les éléments constitutifs des délits de faux et d'usage de faux sont bien réunis ; qu'en effet en premier lieu, il y a eu altération de la vérité, laquelle a consisté pour Paul X... à fabriquer et à insérer après coup dans l'exemplaire de la lettre-proposition d'embauche qu'il avait conservée, une réserve relative à un chiffre d'affaires qualifié alors de trop élevé, réserve qui ne figurait pas dans l'exemplaire retourné à la société ; qu'en second lieu cette altération de la vérité a occasionné un préjudice à autrui, en tout cas était susceptible de le faire ; qu'en troisième lieu l'infraction frauduleuse de Paul X... était patente ; qu'indiscutablement le prévenu ne pouvait ignorer que la production du faux était de nature à léser pécuniairement son ancien employeur ;
" alors, d'une part, que l'infraction de faux est constituée lorsqu'il y a altération de la vérité dans un écrit, possibilité de préjudice au détriment d'autrui et intention frauduleuse ; que l'altération de la vérité n'est pas caractérisée si elle a lieu dans un écrit n'ayant aucune valeur probante ; qu'il en est ainsi des documents soumis à vérification ou pouvant être discutés et débattus devant les juges ; qu'en l'espèce, X... a produit dans le cadre de la procédure prud'homale une lettre d'embauche sur laquelle était apposée une mention qui ne figurait pas sur le double de cette lettre adressée à son ancien employeur ; que toutefois au bas de ladite mention, X... avait précisé en rouge que cette mention ne semblait pas figurer sur la lettre adressée à son employeur ; que dès lors, compte tenu de cette discordance, cette lettre d'embauche devait faire l'objet d'une discussion entre les parties devant le conseil des prud'hommes ; que la reconnaissance par X... de cette discordance enlevait à cette mention toute valeur probante, de sorte que l'acte ne pouvait être qualifié de faux ; qu'en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors, en toute hypothèse, qu'un acte non probant n'est pas susceptible de porter préjudice à autrui ; qu'en l'espèce, le demandeur avait reconnu dans ses conclusions déposées devant le conseil des prud'hommes qu'il avait été embauché avec un objectif de chiffre d'affaires annuel minimum de 2 000 000 de francs ; qu'ainsi il était établi qu'il n'entendait pas se prévaloir de la réserve qu'il avait portée sur l'exemplaire en sa possession de sorte que l'insertion de cette mention n'était pas susceptible de porter préjudice à son employeur, et était par conséquent exclusive de toute intention frauduleuse ; que dès lors en décidant le contraire, la cour d'appel a violé les textes susvisés " ;
Attendu qu'il résulte des énonciations des juges du fond qu'au cours d'une instance prud'homale engagée contre la société anonyme " Albert Lefèbvre organisation " par Paul X..., ce dernier a produit à l'appui de sa demande une lettre d'embauche émanant de ladite société ; que X... a ajouté sur ce document des mentions marginales non conformes à celles figurant sur l'exemplaire retourné par lui à son employeur ; que les juges relèvent que le prévenu a fait usage d'une clause ainsi fabriquée et insérée après que son employeur lui eut reproché l'insuffisance de ses résultats ; qu'il a en outre fait valoir dans ses conclusions devant la juridiction prud'homale qu'il avait formulé postérieurement à la signature de la lettre d'embauche des réserves correspondant à celles de la clause litigieuse ; que l'arrêt précise encore que cette altération de la vérité a occasionné un préjudice pour l'employeur, celui-ci ayant été condamné au versement d'une indemnité à titre de provision, et que X... ne pouvait ignorer que la production en justice du faux était de nature à léser pécuniairement son ancien employeur ;
Attendu que par ces constatations souveraines la cour d'appel a caractérisé tous les éléments des délits de faux et d'usage de faux en écriture privée retenus à la charge du demandeur ; qu'en effet la modification de la portée d'un écrit émanant de la partie adverse et sa production au cours d'une instance judiciaire constituent un faux et un usage de faux lorsque le document ainsi versé aux débats a, comme il résulte des énonciations des juges, une valeur probatoire et entraîne des effets juridiques ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.