Sur le premier moyen, pris en ses trois branches :
Attendu que, selon l'arrêt confirmatif attaqué, la société Cinna, après avoir formé devant un tribunal de grande instance contre la société Steiner une demande en contrefaçon de brevet d'invention justiciable de cette juridiction et une demande en contrefaçon de modèle qui, si elle n'avait pas été connexe à la première, eut été de la compétence du tribunal de commerce, s'est désistée de la demande en contrefaçon de brevet ; que la société Steiner a alors soulevé l'incompétence de la juridiction civile au profit du tribunal de commerce ;
Attendu que la société Steiner fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement ayant rejeté l'exception d'incompétence alors que, selon le pourvoi, d'une part, la renonciation par la société Cinna à son action en contrefaçon de brevet créait une situation juridique nouvelle puisqu'elle faisait disparaître à la fois la compétence spécialement accordée par l'article 68 de la loi modifiée du 2 janvier 1968 au tribunal de grande instance pour connaître même entre commerçants d'un litige portant sur un brevet d'invention et la connexité reliant à cette saisine l'action en contrefaçon de modèle parallèlement engagée ; qu'en se refusant à l'admettre et en écartant en conséquence par application de l'article 74 du nouveau Code de procédure civile l'exception d'incompétence soulevée en cet état par la société Steiner, la cour d'appel n'a pas tiré au regard de ces textes les conséquences légales de ses propres constatations, alors que, d'autre part, le tribunal de grande instance n'avait pas été saisi en raison de sa plénitude de juridiction mais, s'agissant d'un litige entre commerçants, par le seul effet de la dérogation apportée à l'article 631 du Code de commerce par l'article 68 précité de la loi du 2 janvier 1968 ; que la compétence de ce tribunal a disparu avec cette dérogation et qu'en reconnaissant à cet égard au tribunal une plénitude de juridiction, la cour d'appel a violé ces dispositions de la loi du 2 janvier 1968, ensemble l'article 631 du Code de commerce ; que cette incompétence du tribunal de grande instance était absolue et n'était nullement subordonnée à l'existence d'une question préjudicielle ; qu'en imposant cette condition, la cour d'appel a également violé l'article 631, et alors, qu'enfin, la cour d'appel ne pouvait se reconnaître elle-même compétente par application de l'article 79 du nouveau Code de procédure civile, faussement invoqué dans l'arrêt puisqu'il n'infirme pas le jugement du chef de la compétence et qu'il s'agit là d'une condition impérative dans l'application de ce texte ;
Mais attendu que la cour d'appel ayant statué sur le fond du litige dans les mêmes conditions où elle l'aurait fait si elle avait déclaré le tribunal de grande instance incompétent et retenu la compétence du tribunal de commerce dont elle était juge d'appel, le moyen, bien que fondé en droit, n'est pas recevable, faute d'intérêt ;
Mais sur le second moyen, pris en sa première branche :
Vu l'article 9, alinéa 3, de la loi du 11 mars 1957 ;
Attendu qu'aux termes de ce texte est dite collective l'oeuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans un ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé ;
Attendu que l'arrêt attaqué a dit la société Steiner contrefactrice d'un modèle de canapé ; qu'il a pour cela déclaré la société Cinna investie à titre originaire des droits de l'auteur sur cette oeuvre, réalisée par un bureau d'études en retenant que deux salariés avaient dessiné le modèle ensuite mis au point par un prototypiste ébéniste et un prototypiste tapissier, chacun pour ce qui concernait sa spécialité et en considérant qu'il s'agissait dès lors d'une oeuvre collective, la participation des dessinateurs étant indissociable de la contribution de ces techniciens, ce que l'un des deux dessinateurs avait du reste admis dans une attestation et aucun des deux n'ayant agi pour se prévaloir de droits indivis sur l'oeuvre, enfin l'usage, notamment dans l'ameublement, interdisant de leur reconnaître des droits de propriété artistique au vu de l'indication de leurs noms, sur le catalogue Cinna, en tant qu'auteur du modèle litigieux ;
Attendu que, contrairement à ce qu'affirme la cour d'appel après avoir ainsi déterminé les parts respectives de création des différentes personnes physiques ayant concouru à l'élaboration de l'oeuvre, il ne résulte pas des énonciations ci-dessus de l'arrêt que chacune de ces personnes ne pouvait pas se prévaloir de droits indivis sur l'ensemble de cette oeuvre ; qu'en conséquence, en déclarant qu'il s'agissait d'une oeuvre collective et que la société Cinna était donc investie à titre originaire des droits de l'auteur sur cette oeuvre, alors pour le surplus qu'aucune des attestations produites, pas plus que l'inaction de ceux qui les avaient délivrées, ni le fait que les frais exposés par le bureau d'études avaient été facturés à la société, ne pouvaient apporter de réponse à la question posée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :
CASSE ET ANNULE l'arrêt rendu le 16 avril 1985, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon