IRRECEVABILITE ET REJET du pourvoi formé par :
- X... Philippe,
- Y... Frédéric,
contre un arrêt de la cour d'appel de Paris, 9e chambre, en date du 5 mars 1986, qui, dans la procédure suivie contre eux des chefs d'escroquerie et complicité, statuant par défaut à l'égard de X... et contradictoirement à l'égard de Y..., a condamné X... à 2 ans d'emprisonnement et 10 000 francs d'amende, a décerné mandat d'arrêt contre lui et, prononçant sur les intérêts civils, a condamné solidairement X... et Y... au paiement de dommages-intérêts.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le pourvoi de X... ;
Attendu que le demandeur s'est pourvu en cassation le 10 mars 1986 par l'intermédiaire d'un avoué à la Cour se présentant pour lui alors que faisant l'objet d'un mandat d'arrêt décerné à l'audience, X... ne pouvait se faire représenter sans se soumettre à l'exécution de ce mandat ;
Que ce pourvoi doit en conséquence être déclaré irrecevable ;
Sur le pourvoi de Y... :
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 405 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable du délit d'escroquerie, et l'a condamné solidairement avec Y... à payer à M. Z..., partie civile, la somme de 130 000 francs à titre de dommages-intérêts ;
" aux motifs que... " pour donner force et crédit à ses allégations mensongères, X... a exhibé lors d'une rencontre survenue le 23 novembre 1983, au siège de l'agence bancaire de Z..., une lettre censée émaner de Maîtres A... et B..., avocat et notaire à Martigny (Suisse), aux termes de laquelle il disposait, ensuite du décès de son père, d'un actif successoral s'élevant à une somme de 1 625 000 francs suisses (...), Z... qui fut dans ces conditions persuadé de la solvabilité de X..., remit à l'issue de l'entrevue du 23 novembre 1983, la somme de 120 000 francs sous forme d'un prêt à court terme (...) il est établi que les manoeuvres frauduleuses dont a usé X... ont été déterminantes de la remise par Z... de la somme de 120 000 francs... " ;
" alors qu'un mensonge écrit ne peut constituer une manoeuvre frauduleuse caractéristique du délit d'escroquerie, s'il n'est accompagné d'une mise en scène destinée à donner force et crédit aux allégations mensongères ; que tel est bien le cas de la production par le prévenu d'un document apocryphe de sa confection qui, selon les énonciations de la Cour, aurait été le seul élément déterminant de la remise par Z... de la somme litigieuse ; que la relaxe devait être prononcée avec rejet corrélatif des demandes de la partie civile " ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 405 du Code pénal, 1382 du Code civil, 2, 3, 485, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale, en ce que l'arrêt attaqué a condamné Frédéric Y... solidairement avec Philippe X... à payer à Guy Z..., partie civile, une somme de 130 000 francs à titre de dommages-intérêts, et celle de 1 000 francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
" aux motifs que Y... s'est rendu avec X... à l'agence bancaire où ils devaient rencontrer Z... et a fait état, auprès de celui-ci, de sa qualité de conseiller financier dudit X... pour le convaincre de prêter une somme de 120 000 francs ; que Y... était cependant dépourvu de toutes connaissances économiques ou financières ; qu'au surplus, au moment où le préposé de la banque s'apprêtait à téléphoner à Martigny pour s'assurer de l'authenticité du document produit par X... il est intervenu pour dire qu'il s'était déjà assuré de l'authenticité du document ; que de tels agissements, joints au fait que Y... a bénéficié de partie du prêt obtenu pour rembourser ses propres avances, établissent que l'intéressé s'est sciemment associé aux manoeuvres frauduleuses visées par la poursuite ;
" alors que de simples affirmations inexactes, fussent-elles mensongères, ne peuvent constituer une manoeuvre frauduleuse caractérisant le délit d'escroquerie ; que le fait de s'être déclaré conseiller financier d'une partie et d'avoir dit que l'on s'est assuré du sérieux du document produit, ne peut en aucun cas caractériser le délit reproché avec les conséquences civiles en résultant " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement dont il adopte les motifs non contraires que X... a bénéficié d'un prêt d'argent en faisant usage d'une lettre falsifiée censée émaner d'un avocat et d'un notaire suisses ; que l'arrêt précise que ce document " au contenu apocryphe a été confectionné par le prévenu qui, à partir d'une ancienne correspondance adressée à sa mère par ces officiers ministériels suisses, a réalisé un montage par photocopies " ;
Attendu qu'après avoir énoncé que Y..., au cours de la négociation du prêt, a pris la fausse qualité de conseiller financier et, pour empêcher toute vérification, a " attesté qu'il s'était assuré de l'authenticité du document produit par X... ", les juges en déduisent que Y... s'est sciemment associé aux manoeuvres frauduleuses ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs la cour d'appel a donné une base légale à sa décision ; qu'en effet, le délit d'escroquerie peut résulter, comme en l'espèce, soit de la prise de la fausse qualité de conseiller financier, soit de la production d'un document inexact faisant intervenir un tiers pour donner crédit à des allégations mensongères, mises en scène ayant eu pour résultat d'obtenir la remise des fonds ;
Que, dès lors, les moyens réunis ne sauraient être accueillis ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
DECLARE le pourvoi de Philippe X... IRRECEVABLE ;
REJETTE le pourvoi de Frédéric Y...