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16/03/1987 | FRANCE | N°86-91550

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 16 mars 1987, 86-91550


ANNULATION PARTIELLE sur le pourvoi commun formé par :
1° X... (Pierre-Ernest),
2° la société Ciba-Geigy, civilement responsable,
contre un arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Versailles en date du 4 mars 1986 qui, pour délit assimilé à la pratique de prix illicites par refus de communication de barèmes de prix et de conditions de vente, a condamné X... à 10 000 francs d'amende, dit la SA Ciba-Geigy civilement responsable, et s'est prononcé sur les réclamations de la société Phyto-Service, partie civile.
LA COUR,
Vu les mémoires produi

ts tant en demande qu'en défense ;
Sur le moyen unique de cassation proposé et...

ANNULATION PARTIELLE sur le pourvoi commun formé par :
1° X... (Pierre-Ernest),
2° la société Ciba-Geigy, civilement responsable,
contre un arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Versailles en date du 4 mars 1986 qui, pour délit assimilé à la pratique de prix illicites par refus de communication de barèmes de prix et de conditions de vente, a condamné X... à 10 000 francs d'amende, dit la SA Ciba-Geigy civilement responsable, et s'est prononcé sur les réclamations de la société Phyto-Service, partie civile.
LA COUR,
Vu les mémoires produits tant en demande qu'en défense ;
Sur le moyen unique de cassation proposé et pris de la violation des articles 37 et 42 de la loi du 27 décembre 1973, de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué déclare M. X... coupable du délit de pratiques discriminatoires par refus de communication de barèmes de prix et des conditions de vente, le condamne à la peine de 10 000 francs d'amende et à payer à la société Phyto-Service, in solidum avec la société Ciba-Geigy, déclarée civilement responsable, une somme de 1 franc à titre de dommages-intérêts et une somme de 3 000 francs au titre de l'article 475-1 du Code de procédure pénale ;
" aux motifs que l'obligation de communication établie par l'article 37 de la loi de 1973 doit permettre à chaque client de se déterminer objectivement sur l'offre qui lui est faite par le fournisseur et de s'assurer qu'il n'est pas plus mal traité que ses concurrents ; que de ce seul point de vue est constituée l'infraction consistant à n'avoir pas répondu à la demande de communication de la société Phyto-Service ; que même par analogie intellectuelle, ce refus de renseignements ne peut équivaloir à un refus de vente puisque précisément la fourniture de renseignements peut permettre au candidat acheteur de s'adresser à un autre producteur ; que la Cour ne peut qu'écarter comme ne constituant pas des éléments de décision dans le litige actuel, les différends caractérisant les relations des parties ;
" alors, d'une part, que l'obligation faite par l'article 37 de la loi du 27 décembre 1973 à tout producteur de communiquer à tout revendeur qui en fait la demande son barème des prix et ses conditions de vente ne peut par définition même concerner qu'une situation dans laquelle le demandeur, s'il n'a pas déjà la qualité de revendeur à l'égard du producteur, est à tout le moins en mesure de l'acquérir ; qu'en refusant en l'espèce d'admettre que, comme le faisaient valoir M. X... et la société Ciba-Geigy, le refus par eux opposé à Phyto-Service s'analysait en un refus de toutes relations commerciales équivalant à un refus de vente justifié par la mauvaise foi du revendeur, la Cour n'a pas donné de base légale à son arrêt ;
" alors, d'autre part, qu'en toute hypothèse, le fait justificatif fondé sur la mauvaise foi du demandeur exonérait en l'espèce par analogie le producteur " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il a confirmé en toutes ses dispositions que la société anonyme Phyto-Service dont Maurice Y... est le président et dont l'activité consiste dans la distribution de produits chimiques et de semences destinés à l'agriculture, a, par trois demandes successives des 7, 19 et 25 juin 1984, non contestées par le destinataire, sollicité de la société Ciba-Geigy dont le directoire est présidé par Pierre-Ernest X..., la communication de son barème de prix et de ses conditions de vente concernant les produits de son catalogue ; qu'aucune réponse de quelque nature qu'elle soit n'ayant été faite à ces trois requêtes, la société Phyto-Service a, par actes d'huissier d'octobre et novembre 1984, cité directement X... devant le tribunal correctionnel du chef de refus de communication de barème, infraction à l'article 37 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973, et a assigné également devant la même juridiction pénale, la société Ciba-Geigy comme civilement responsable de son préposé ;
Attendu que l'arrêt attaqué, après avoir constaté que l'article 37 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 avait été abrogé par l'article 5- II de la loi n° 85-1408 du 30 décembre 1985, mais rétabli dans son contexte et son libellé ancien sous l'article 37-5° de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 tel que modifié par l'article 1er- IV de la loi n° 85-1408 du 30 décembre 1985, énonce qu'il est constant et non discuté que les barèmes et conditions de vente réclamés par télex n'ont pas été fournis ; que vainement prévenu et civilement responsable soutiennent que le refus de renseigner doit s'analyser comme un refus de vendre et que ce dernier était légitimé par la mauvaise foi du réclamant ; que non seulement le texte répressif applicable n'assimile pas refus de renseigner à refus de livrer, mais encore le refus de renseignements ne peut équivaloir à un refus de vente, puisque précisément la fourniture de renseignements, si elle avait été effectuée, eût permis au candidat acheteur de s'adresser à un autre producteur ; qu'il n'y avait pas, non plus, lieu, en raison de la matérialité non contestée du refus de renseignements, de s'arrêter aux griefs de mauvaise foi, critiques diverses et reproches variés, que les deux sociétés en cause et leurs présidents respectifs s'étaient adressés avant le déclenchement des poursuites pénales en cours, lesquels griefs ne sauraient constituer un fait justificatif non prévu par la loi en cas de simple refus de renseigner ;
Attendu qu'en prononçant ainsi la cour d'appel a fait au regard de l'action civile l'exacte application de l'article 37-5° de l'ordonnance modifiée du 30 juin 1945 alors applicable ; que, par ailleurs, les demandeurs au pourvoi ne sauraient faire grief à la cour d'appel qui a ainsi qualifié l'infraction poursuivie et retenue de ne pas avoir étendu en leur faveur l'une des trois causes de non-incrimination prévue par l'article 37-1° a de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945 à l'infraction visée par l'article 37-5° de ladite ordonnance tel que modifié par l'article 1er- IV de la loi n° 85-1408 du 30 décembre 1985, textes applicables au jour de l'arrêt ;
Que dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;
Mais sur le moyen relevé d'office pris de l'entrée en vigueur le 1er janvier 1987 du titre Ier de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence ;
Vu ledit texte et son décret d'application n° 86-1309 du 29 décembre 1986 ;
Attendu qu'en l'absence de dispositions contraires expresses une loi nouvelle, même de nature économique, qui pour une ou des incriminations pénales déterminées prévoit désormais des peines plus douces, s'applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et non définitivement jugés ;
Attendu que Pierre X... a été déclaré coupable de refus de communication de barèmes de prix et de conditions de vente, infraction prévue, au jour de l'arrêt attaqué, par l'article 37-5° de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945, tel que modifié par l'article 1er de la loi n° 85-1408 du 30 décembre 1985 et punie, à la même date, des peines correctionnelles prévues par les articles 1er, alinéas 2 et 40, de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945 ;
Attendu que si l'ensemble de ces textes a été abrogé, à compter du 1er janvier 1987, par l'article 1er, alinéa 1er, et par l'article 57 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986 prise en application de la loi n° 86-793 du 2 juillet 1986, ladite ordonnance, en son article 33, a maintenu les obligations initialement imposées aux producteurs, grossistes ou importateurs de communiquer à tout revendeur qui en aurait fait la demande leurs barèmes de prix et leurs conditions de vente ;
Que, cependant, la sanction pénale désormais attachée à cette infraction est celle qu'édicte l'article 33, alinéas 1er et 3, du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, pris en application de l'ordonnance du 1er décembre 1986 lequel ne prévoit à l'encontre des contrevenants que le prononcé des amendes contraventionnelles de cinquième classe ;
Que dès lors l'arrêt attaqué doit être annulé en ce qu'il a décidé sur l'action publique, pour permettre à la Cour de renvoi d'examiner les faits poursuivis au regard des nouveaux textes et apprécier éventuellement s'il y a lieu de prononcer une ou plusieurs des peines contraventionnelles encourues ;
Par ces motifs :
ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Versailles en date du 4 mars 1986, mais en ses seules dispositions pénales concernant Pierre X..., toutes autres dispositions dudit arrêt demeurant expressément maintenues, et pour être jugé à nouveau, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi décidée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rouen.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 86-91550
Date de la décision : 16/03/1987
Sens de l'arrêt : Annulation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° LOIS ET REGLEMENTS - Réglementation économique - Rétroactivité - Loi plus douce - Loi modifiant les peines applicables à une infraction - Effet - Pourvoi en cours.

1° Voir le sommaire suivant.

2° CASSATION - Moyen - Recevabilité - Action civile - Moyen pris par un prévenu de la méconnaissance des prescriptions de textes abrogés - Réglementation économique - Abrogation des ordonnances de 1945 - Instance en cours - Portée.

2° En l'absence de dispositions contraires expresses une loi nouvelle même de nature économique lorsque, pour des incriminations pénales déterminées, elle prévoit des peines plus douces, s'applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et non définitivement jugés ; ce principe ne concerne que l'action publique ; il en résulte que, si des intérêts civils sont en jeu, l'action civile reste soumise aux textes de loi applicables au jour de l'arrêt attaqué et il convient en conséquence d'examiner les moyens proposés par le demandeur au pourvoi en ce qu'ils influencent la décision civile ; à ce titre, c'est à bon droit que les juges du fond ont refusé de faire bénéficier le prévenu poursuivi sur le fondement de l'article 37-5° de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945, modifié par la loi du 30 décembre 1985, de l'une des trois causes de non-incrimination prévue par l'article 37-1° a de la même ordonnance, refus de communication de barèmes et refus de vente constituant deux infractions distinctes.

3° REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Prix - Refus de communication de barèmes de prix et de conditions de vente - Ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence - Décret d'application - Application dans le temps - Loi plus douce - Loi modifiant les peines applicables à une infraction - Effet - Pourvoi en cours - Survie de l'action civile.

3° Voir le sommaire suivant.

4° CASSATION - Annulation - Loi modifiant les peines applicables à une infraction - Loi plus douce - Rétroactivité - Effet.

4° Le prévenu avait été déclaré coupable de refus de communication de barèmes de prix et de conditions de vente, infraction prévue, au jour de l'arrêt attaqué, par l'article 37-5° de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945, tel que modifié par l'article 1er de la loi n° 85-1408 du 30 décembre 1985, et punie à la même date des peines correctionnelles prévues par les articles 1er, alinéas 2 et 40, de l'ordonnance n° 45-1484 du 30 juin 1945. L'ensemble de ces textes a été abrogé, à compter du 1er janvier 1987, par l'article 1er, alinéa 1er, et par l'article 57 de l'ordonnance n° 86-1243 du 1er décembre 1986, prise en application de la loi du 2 juillet 1986, mais la même ordonnance du 1er décembre 1986, en son article 33, a maintenu les obligations initialement imposées aux producteurs grossistes et importateurs de communiquer à tout revendeur qui en aurait fait la demande leur barème de prix et de conditions de vente. Cependant la sanction pénale désormais attachée à cette infraction est celle qu'édicte l'article 33, alinéas 1er et 3, du décret n° 86-1309 du 29 décembre 1986, pris en application de l'ordonnance du 1er décembre 1986. Cette sanction est plus douce puisqu'elle ne prévoit que des amendes contraventionnelles de 5e classe ; d'où, nécessité d'annulation partielle de l'arrêt au regard de l'action publique, avec renvoi devant les juges du fond


Références :

Décret 86-1309 du 29 décembre 1986 art. 33 al. 1, art. 33 al. 3
Ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945 art. 37 al. 5, art. 37 al. 1 a Ordonnance 45-1484 du 30 juin 1945 art. 1 al. 2, art. 40 Ordonnance 86-1243 1986-12-01 art. 1 al. 1, art. 33, art. 57

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 04 mars 1986


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 16 mar. 1987, pourvoi n°86-91550, Bull. crim. criminel 1987 N° 126 p. 354
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1987 N° 126 p. 354

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Ledoux
Avocat général : Avocat général :M. Rabut
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Tacchella
Avocat(s) : Avocats :la SCP Riché, Blondel et Thomas-Raquin et la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Liard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1987:86.91550
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