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10/03/1987 | FRANCE | N°84-17458

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 10 mars 1987, 84-17458


Sur le premier moyen :

Attendu que M. Z..., avocat, fait grief à la cour d'appel, réunie en assemblée générale, d'avoir, sur une poursuite disciplinaire engagée contre lui, statué en chambre du conseil, alors que selon le moyen, les débats devaient avoir lieu et la décision être rendue en audience publique conformément à l'article 6, 1er alinéa, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 15 du décret du 9 juin 1972, auquel renvoie l'article 123 du même décret, relatif à la procédure disciplinaire

suivie à l'encontre des avocats, la cour d'appel statue en chambre du conseil ...

Sur le premier moyen :

Attendu que M. Z..., avocat, fait grief à la cour d'appel, réunie en assemblée générale, d'avoir, sur une poursuite disciplinaire engagée contre lui, statué en chambre du conseil, alors que selon le moyen, les débats devaient avoir lieu et la décision être rendue en audience publique conformément à l'article 6, 1er alinéa, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 15 du décret du 9 juin 1972, auquel renvoie l'article 123 du même décret, relatif à la procédure disciplinaire suivie à l'encontre des avocats, la cour d'appel statue en chambre du conseil ; que si l'article 6, 1er alinéa, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, donne à un avocat poursuivi disciplinairement devant la cour d'appel le droit de voir sa cause entendue publiquement et l'arrêt rendu en audience publique, c'est à la condition que ce droit ait été revendiqué devant cette juridiction ; que M. Z... n'ayant pas demandé à la cour d'appel de statuer en audience publique, le moyen tiré de la non-publicité des débats et du prononcé de l'arrêt, invoqué pour la première fois devant la Cour de Cassation, ne peut être accueilli ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il est encore fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir été rendu après que M. X..., avocat, substituant le bâtonnier, empêché, ait été entendu en ses observations, alors selon le moyen, qu'en cas d'empêchement du bâtonnier, celui-ci ne peut être remplacé que par le membre le plus ancien du conseil de l'Ordre, à moins qu'il n'en soit disposé autrement par le règlement intérieur, de sorte qu'en ne précisant pas si M. X... avait été régulièrement désigné pour substituer le bâtonnier empêché, l'arrêt attaqué, qui a violé l'article 105 du décret du 9 juin 1972, ne permet pas à la Cour de Cassation de vérifier la régularité de la procédure ;

Mais attendu qu'aux termes de l'article 123 du décret du 9 juin 1972, seul applicable à la procédure devant la cour d'appel, celle-ci peut appeler le bâtonnier à présenter ses observations ; que la mention de l'arrêt attaqué indiquant que le bâtonnier en exercice, empêché, a été substitué par un confrère, fait présumer, en l'absence de contestation lors des débats, la régularité de cette substitution ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le troisième moyen, pris en ses cinq branches :

Attendu qu'il est également reproché à la cour d'appel d'avoir prononcé à l'encontre de M. Z... la peine de la radiation et celle, accessoire, de l'affichage de la décision, aux motifs que M. Z... a servi de banquier aux époux Y..., déclarés en liquidation des biens, situation qu'il ne pouvait ignorer, en mettant à leur disposition son compte pour leur permettre des opérations financières frauduleuses, alors, selon le moyen, d'une part, que les poursuites disciplinaires portaient exclusivement sur le prétendu détournement de fonds dans l'affaire Evan contre l'ORTF, que la citation à comparaître visait exclusivement cette affaire, que l'arrêté du conseil de l'Ordre ne se fondait que sur elle et que les réquisitions du ministère public ne concernaient que ces faits, de sorte qu'en se fondant sur le rôle de banquier qu'aurait joué M. Z..., la cour d'appel s'est saisie d'office de faits qu'elle n'avait pas à connaître ; alors, d'autre part, qu'à supposer qu'elle ait pu se saisir d'office des faits relatifs à l'affaire Y..., la cour d'appel devait permettre à M. Z... de s'en expliquer et que, faute de ce faire, elle a violé l'article 16 du nouveau Code de procédure civile, l'article 6, 1er et 3e paragraphe, de la Convention européenne des droits de l'Homme et l'article 116 du décret du 9 juin 1972 ; alors, de troisième part, qu'en se bornant à affirmer qu'il est constant que M. Z... a joué le rôle de banquier sans préciser en quoi consistait cette activité ni sur quels éléments de preuve elle se fondait, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

Attendu qu'il est encore prétendu, de quatrième part, qu'en adoptant les motifs des premiers juges, selon lesquels M. Z... a reçu le règlement de la somme de 87 257,70 francs dans l'affaire Evan-ORTF le 8 octobre 1980 et n'a remboursé cette somme à l'ORTF que le 25 avril 1984 après l'avoir empruntée à des membres de sa famille, les juges du fond, qui n'ont pas constaté que M. Z... avait dissipé ces fonds ou même tardé à les représenter à première demande du créancier, mais, au contraire, les avait restitués, n'ont pas caractérisé le détournement de fonds et ont privé leur décision de base légale, et, de cinquième part et enfin, qu'à supposer que la cour d'appel ait pu déduire de ses constatations le retard de M. Z... à représenter les fonds, la faute ainsi commise ne pouvait être sanctionnée par la radiation, de sorte qu'en se prononçant comme ils l'ont fait, le juges du second degré ont violé les articles 106 et 107 du décret du 9 juin 1972 ;

Mais attendu, d'abord, qu'en évoquant le rôle de banquier qu'avait joué M. Z... au profit de ses clients, les époux Y..., en liquidation des biens, la cour d'appel a, par là-même fait référence aux conditions dans lesquelles une somme de 87 257,70 francs, qu'il avait perçue pour le compte d'un client, avait été utilisée à d'autres fins - à savoir régler au syndic de M. Y... les sommes que ce dernier avait déposées sur son compte client - et n'avait pu être représentée, le 25 avril 1984, qu'après divers emprunts contractés auprès de membres de sa famille, faits pour lesquels M. Z... avait été sanctionné par un arrêté du conseil de l'Ordre dont la cour d'appel a adopté les motifs ;

Attendu, ensuite, qu'en retenant que M. Z... avait indûment conservé pendant plusieurs années - soit d'octobre 1980 à avril 1984 - une somme due à un client, les juges du fond ont caractérisé l'infraction aux règles professionnelles et le manquement à la probité commis par cet avocat et ont souverainement fixé la sanction encourue de ce chef ; qu'ainsi, sans violer les textes invoqués, la cour d'appel a légalement justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Rejette les premier, deuxième et troisième moyens ;

Mais sur le quatrième moyen :

Vu les articles 562 et 550 du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que les juges d'appel ne peuvent aggraver le sort de l'appelant sur son seul appel ;

Attendu que, saisie du seul appel formé par M. Z... contre l'arrêté du conseil de l'Ordre ayant prononcé la peine disciplinaire de la radiation, la cour d'appel a confirmé cette décision et prononcé, en outre, la peine accessoire de l'affichage de la décision ;

Attendu qu'en se prononçant ainsi la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu que la cassation à intervenir n'implique pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a prononçé contre M. Z... la peine accessoire de l'affichage de la décision, l'arrêt rendu le 28 août 1984, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis-de-la-Réunion ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 84-17458
Date de la décision : 10/03/1987
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° AVOCAT - Discipline - Procédure - Appel - Assemblée générale - Débats - Publicité - Article 6 - alinéa 1er - de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - Application - Demande - Nécessité.

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Interprétation - Article 6 - Avocat - Discipline - Procédure - Appel - Assemblée générale - Publicité des débats.

1° Si l'article 6, alinéa premier, de la Convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, donne à un avocat poursuivi disciplinairement devant la cour d'appel le droit de voir sa cause entendue publiquement et l'arrêt rendu en audience publique, c'est à la condition que ce droit ait été revendiqué devant cette juridiction .

2° AVOCAT - Discipline - Procédure - Appel - Observations du bâtonnier de l'Ordre - Substitution par un confrère - Absence de contestation lors des débats - Présomption de régularité.

2° Aux termes de l'article 123 du décret n° 72-468 du 9 juin 1972, la cour d'appel, statuant en matière disciplinaire contre un avocat, peut appeler le bâtonnier à présenter ses observations ; et la mention d'un arrêt indiquant que le bâtonnier en exercice, empêché, a été substitué par un confrère, fait présumer, en l'absence de contestation lors des débats, la régularité de cette substitution .

3° APPEL CIVIL - Effet dévolutif - Portée - Aggravation du sort de l'appelant (non).

AVOCAT - Discipline - Procédure - Appel - Effet dévolutif - Portée - Prononcé d'une peine disciplinaire par le conseil de l'Ordre - Confirmation de la décision - Prononcé d'une peine accessoire (non) * AVOCAT - Discipline - Procédure - Appel - Prononcé d'une peine par le conseil de l'Ordre - Aggravation du sort de l'appelant sur son seul appel - Cassation - Cassation sans renvoi * CASSATION - Arrêt - Arrêt de cassation - Cassation sans renvoi - Avocat - Discipline - Prononcé d'une peine par le conseil de l'Ordre - Aggravation du sort de l'appelant sur son seul appel.

3° Les juges d'appel ne peuvent aggraver le sort de l'appelant sur son seul appel ; encourt dès lors la cassation la décision d'une cour d'appel qui, saisie du seul appel formé par un avocat contre l'arrêté du conseil de l'Ordre ayant prononcé la peine disciplinaire de la radiation, confirme cette mesure et prononce, en outre, la peine accessoire de son affichage ; et la cassation n'impliquant pas qu'il soit à nouveau statué sur le fond a lieu sans renvoi


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion, 28 août 1984

A RAPPROCHER : (1°). Chambre civile 1, 1985-01-22 Bulletin 1985, I, n° 29, p. 28 (rejet)

arrêt cité. (2°). Chambre civile 1, 1976-06-16 Bulletin 1976, I, n° 220, p. 180 (rejet)

arrêt cité.


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 10 mar. 1987, pourvoi n°84-17458, Bull. civ. 1987 I N° 87 p. 64
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1987 I N° 87 p. 64

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Fabre
Avocat général : Avocat général :M. Dontenwille
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Viennois
Avocat(s) : Avocat :la SCP Desaché et Gatineau .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1987:84.17458
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