CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Gérard,
contre un arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 4 décembre 1985, qui pour entrave à la libre désignation des membres du comité d'entreprise, l'a condamné à 5 000 francs d'amende et à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles L. 483-1 et L. 433-9 du Code du travail, 485 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable du délit d'entrave à la libre désignation du comité d'entreprise ;
" aux motifs que la loi ne fixe aucun délai minimum pour le dépôt des candidatures ; qu'en fixant une telle date limite, l'accord préélectoral du 6 décembre 1982 ajoutait à la loi, ce que les parties ne peuvent faire même d'un commun accord ;
" alors que, d'une part, il résulte des dispositions de l'article L. 433-9 du Code du travail modifié par la loi du 28 octobre 1982 que les modalités d'organisation et de déroulement des opérations électorales doivent faire l'objet d'un accord entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales représentatives, accord qui peut fixer un délai limite de dépôt des candidatures ; qu'en affirmant que l'accord préélectoral du 6 décembre 1982 ajoutait à la loi en fixant un délai limite pour le dépôt des candidatures, la cour d'appel a donc violé ce texte ;
" alors que, d'autre part, la cour d'appel s'est abstenue de répondre aux conclusions de M. X... faisant valoir que le refus d'acceptation d'une seconde liste de candidats CGT, déposée hors délai, était également motivée par les nécessités inhérentes à l'organisation du scrutin par correspondance d'une partie importante du personnel et qu'elle a ainsi privé sa décision de motif ;
" alors qu'enfin, en toute hypothèse, la cour d'appel ne pouvait déclarer M. X... coupable du délit d'entrave à la libre désignation du comité d'entreprise sans rechercher si son refus d'une liste déposée postérieurement au délai fixé par un accord préélectoral n'était pas justifié par les nécessités particulières résultant du vote par correspondance d'une partie importante du personnel, prévu par un accord préélectoral ; qu'elle a ainsi privé sa décision de base légale " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article L. 433-9 du Code du travail concernant les élections au comité d'entreprise, les modalités d'organisation et de déroulement des opérations électorales font l'objet d'un accord entre le chef d'entreprise et les organisations syndicales représentatives ; que cet accord doit respecter les principes généraux du droit électoral ;
Attendu que l'accord ainsi prévu peut fixer un délai limite de dépôt de candidatures, une telle disposition portant sur une modalité d'organisation des opérations électorales et n'étant pas contraire aux principes généraux du droit électoral ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué qu'en vue des élections au comité d'entreprise de la société dirigée par X..., un protocole d'accord conclu entre la direction et les représentants des syndicats a notamment stipulé que le dépôt des candidatures serait fixé au 8 décembre 1982 à 17 heures et leur affichage au lendemain matin ; qu'un syndicat ayant prétendu déposer une liste de candidats le 9 décembre à 17 h 30, la direction s'y est opposée au motif que le dépôt était fait hors délai ;
Attendu que pour déclarer en cet état constitué à la charge du chef d'entreprise le délit d'entrave à la libre désignation des membres du comité, l'arrêt énonce que la loi ne fixe aucun délai maximum pour le dépôt des candidatures ; qu'en fixant une telle date limite, l'accord conclu en l'espèce ajoutait à la loi, ce que les parties ne peuvent faire même d'un commun accord et qui a pour résultat pratique de limiter les droits des électeurs et des candidats éventuels ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée de l'article L. 433-9 précité du Code du travail ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Rennes, en date du 4 décembre 1985, et pour être statué à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Caen.