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02/02/1987 | FRANCE | N°86-91734

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 février 1987, 86-91734


CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
1°) X... Antoine,
2°) Y... Roland,
contre un arrêt de la 13e chambre correctionnelle de la cour d'appel de Paris en date du 25 février 1986 qui les a condamnés tous deux pour exercice illégal de la profession de marchand en gros de boissons et pour constitution de dépôt clandestin d'alcool, et en outre, Y..., pour expédition, transport et réception de spiritueux sans titres de mouvement valables, à diverses amendes, pénalités ou confiscations fiscales à régler à l'administration des Impôts, partie poursuivante.

LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires ...

CASSATION PARTIELLE sur les pourvois formés par :
1°) X... Antoine,
2°) Y... Roland,
contre un arrêt de la 13e chambre correctionnelle de la cour d'appel de Paris en date du 25 février 1986 qui les a condamnés tous deux pour exercice illégal de la profession de marchand en gros de boissons et pour constitution de dépôt clandestin d'alcool, et en outre, Y..., pour expédition, transport et réception de spiritueux sans titres de mouvement valables, à diverses amendes, pénalités ou confiscations fiscales à régler à l'administration des Impôts, partie poursuivante.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits tant en demande qu'en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé par Roland Y..., et pris de la violation des articles L. 235 et L. 236 du Livre des procédures fiscales, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a écarté la nullité de la procédure tirée de la violation de l'alinéa 3 de l'article L. 236 du Livre des procédures fiscales ;
" aux motifs qu'aucune violation de ce texte ne résulte de sa citation par acte d'huissier, en date du 30 avril 1985, puisque Y... n'était pas en état d'arrestation pour infraction fiscale, hypothèse retenue par l'article L. 236 du Livre des procédures fiscales, sa détention se situant dans le cadre d'une procédure de droit commun ;
" alors que, selon l'article L. 236, § 3 du Livre des procédures fiscales, lorsque la personne est en état d'arrestation, la citation doit être faite dans le délai d'un mois à partir de l'arrestation, que l'inobservation de ce délai entraîne la nullité de la procédure ; que l'arrestation visée par le texte n'est pas nécessairement une arrestation fiscale, mais une arrestation justifiée par les faits ayant entraîné la mise en oeuvre d'une telle procédure ; qu'en l'espèce il résulte des propres constatations des juges du fond que Y... a été arrêté le 21 janvier 1983, pour des faits de vol et recel de spiritueux ; qu'il a été entendu, le 17 mai 1983, par un contrôleur des Impôts à la maison d'arrêt de la Santé, où il était détenu, et qu'un procès-verbal a été rédigé le 29 juin 1983 ; que, dès lors, la poursuite qui n'a été introduite qu'en avril 1985 se situe hors du délai d'un mois, en sorte que la nullité de la procédure est encourue " ;
Sur le cinquième moyen de cassation proposé par Roland Y..., et pris de la violation des articles L. 25 et R. 226-2 du Livre des procédures fiscales, 593 et 802 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé de déclarer illégale la saisie du whisky, notifiée le 29 juin 1983 au lieu de détention du prévenu ;
" aux motifs qu'effectivement l'article R. 226-2 du Livre des procédures fiscales prévoit des mentions concernant la date de la saisie, la description des objets, et diverses autres indications qui doivent figurer sur le procès-verbal de saisie ; que, si toutes ces mentions ne figuraient pas au procès-verbal à l'exception de celles concernant les marchandises saisies, c'est en raison de la nature de la saisie pratiquée et qui ne portait que sur la valeur de marchandises litigieuses ;
" alors que le procès-verbal de saisie, en matière de contributions indirectes, doit comporter des mentions concernant la date de la saisie, la description des objets ou marchandises saisies et diverses autres indications ; qu'en l'espèce il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que la saisie du whisky pratiquée dans les locaux pénitentiaires, soit en dehors des locaux où elle pouvait être pratiquée, ne comportait pas toutes les mentions prévues par l'article R. 226-2 du Livre des procédures fiscales, qu'elle était donc nulle et inopposable au prévenu ; que, pour en avoir autrement décidé, la cour d'appel a violé les droits de la défense " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que ces deux moyens, qui devant les juges du fond, tendaient à voir prononcer la nullité de la citation de Y... devant le tribunal correctionnel au prétexte qu'elle aurait été délivrée hors délai, et dire nul le procès-verbal des agents verbalisateurs servant de fondement aux poursuites au motif que certaines des saisies auxquelles il avait été procédé par lesdits agents n'auraient pas été opérées dans les formes prescrites, n'ont pas été soulevés par le prévenu, demandeur au pourvoi, avant tout débat au fond ; que dès lors, ils étaient irrecevables aux termes de l'article 385 du Code de procédure pénale ;
Que si le tribunal correctionnel, puis la cour d'appel ont cru devoir, pour les rejeter, répondre à ces deux exceptions, la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer qu'elles ont été formulées pour la première fois, l'une dans un mémoire déposé devant la cour d'appel et visé par le président de cette juridiction le 14 janvier 1986, l'autre dans un mémoire déposé devant le tribunal correctionnel et visé par le président du tribunal le 3 juillet 1985, alors que les débats au fond, devant les premiers juges, avaient débuté le 26 juin 1985 ;
Que dès lors, les deux moyens, en ce qu'ils reprennent devant la Cour de Cassation l'argumentation développée devant les juges du fond, mais tardivement présentée, sont irrecevables ;
Sur le premier moyen de cassation, proposé par Antoine X..., et pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 388, 565, 591 et 593 du Code de procédure pénale, L. 235 et L. 236, R. 226-1 et suivants du Livre des procédures fiscales, défaut de motif et manque de base légale ;
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X...coupable d'exercice illégal de la profession de marchand en gros de boissons, et de constitution de dépôt clandestin d'alcool ;
" aux motifs qu'en matière de contributions indirectes, la citation qui se réfère aux faits constatés par le procès-verbal saisit la juridiction correctionnelle de toutes les infractions qui paraissent en résulter ; qu'effectivement, le P. V. du 29 juin 1983 n'a été déclaré qu'à Y... ; cependant que Y... a cité dans ses déclarations X... qui, selon lui, l'aurait " manipulé " ;
" alors que tout accusé a droit notamment à être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu'il comprend et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; que si, en matière de contributions indirectes, le juge est saisi par le procès-verbal, de toutes les infractions qui paraissent résulter, l'article R. 226-1 du Livre des procédures fiscales dispose que les procès-verbaux doivent indiquer, de manière précise, la nature de chaque infraction constatée ; qu'en se considérant valablement saisis d'infractions distinctes de celles qui étaient constatées dans le procès-verbal et pour lesquelles ils ont d'ailleurs prononcé la relaxe de X..., les juges du fond ont violé les textes précités ;
" alors qu'en toute hypothèse, à supposer que la juridiction correctionnelle ait pu être saisie de toutes les infractions paraissant résulter du procès-verbal, y compris l'infraction dont le procès-verbal, n'indiquait pas la nature de manière précise, le droit de tout accusé à être informé, dans le plus court délai, de manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui, ainsi que plus généralement des droits de la défense, ont été méconnus ; d'où il suit qu'à ce titre encore, la cassation est encourue " ;
Sur le deuxième moyen de cassation proposé par Roland Y..., et pris de la violation des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 388, 565, 591 et 593 du Code de procédure pénale, L. 235 et L. 236-1 et suivants du Livre des procédures fiscales, défaut de motifs et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y... coupable de transport et réception de spiritueux sans titre de mouvement, d'exercice illégal de la profession de marchand en gros de boissons et de constitution de dépôt clandestin d'alcool ;
" aux motifs, adoptés des premiers juges, qu'aucune disposition législative n'interdit à l'administration fiscale de retenir des qualifications complémentaires, dès lors qu'elles peuvent être appliquées aux faits dûment constatés, et aux motifs propres qu'en matière de contributions indirectes la citation qui se réfère aux faits constatés par le procès-verbal saisit la juridiction correctionnelle de toutes les infractions qui paraissent en résulter ;
" alors que tout accusé a droit d'être informé dans le plus court délai, et d'une manière détaillée, de la nature et de la cause de l'accusation portée contre lui ; qu'en matière de contributions indirectes, le procès-verbal constitue le titre initial de la poursuite ; que celui-ci doit indiquer de manière précise la nature de chaque infraction constatée ; d'où il suit qu'en se considérant valablement saisis d'infractions distinctes de celles qui étaient constatées dans le procès-verbal du 29 juin 1983 les juges du fond ont violé l'article L. 236 du Livre des procédures fiscales, l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme et des droits de la défense " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu qu'il appert des mentions du jugement correctionnel et des assignations délivrées aux prévenus à la requête du directeur des services fiscaux compétent, que Antoine X... et Roland Y... ont été cités les 30 avril et 17 mai 1985 au vue d'un procès-verbal dressé le 29 juin 1983 par divers agents des impôts et à eux dénoncé ; qu'ils étaient ainsi invités à comparaître le 26 juin 1985 devant le tribunal correctionnel pour quatre infractions relevant toutes de la législation sur les contributions indirectes, notamment pour exercice illégal de la profession de marchand en gros de boissons et pour constitution d'un entrepôt clandestin d'alcool, délits fiscaux prévus par les articles 484 et 486 du Code général des impôts et punis par les articles 1791 et 1799 du même Code ;
Attendu que pour répondre à l'argumentation de ces prévenus qui faisait valoir que le procès-verbal de constat dressé contre le seul Y... le 29 juin 1983 ne retenait pas ces infractions, mais uniquement le transport et l'expédition de spiritueux sans titre de mouvement, les juges du fond énoncent qu'aucune disposition législative n'interdit à l'administration fiscale de retenir des qualifications complémentaires, dès lors qu'elles peuvent être appliquées aux faits constatés par les agents verbalisateurs ; que Y... ne réfute ni la réception ni l'expédition de quantités d'alcool supérieures à 60 litres, ce qui lui confère la qualité de marchand en gros, ni la clandestinité de l'entrepôt d'alcool dans les locaux de la société International distribution ; que X... a été mis en cause par Y... lors de son audition par les agents verbalisateurs comme étant le dirigeant occulte de cette société ; que ces dires constituent des indices, lesquels confortés par les autres éléments recueillis au cours de l'enquête et des débats permettent de considérer X... comme le coauteur des infractions fiscales contestées, visées à son encontre dans les citations directes ayant saisi les juges correctionnels ;
Attendu qu'en prononçant ainsi l'arrêt attaqué a justifié sa décision ;
Qu'en effet, d'une part, en matière de contributions indirectes la citation qui se réfère aux faits constatés par le procès-verbal saisit la juridiction correctionnelle de toutes les infractions qui paraissent en résulter à l'égard de tous ceux qui peuvent y avoir participé ;
Que, d'autre part, dès lors que les articles 484 et 486 du Code général des impôts et les articles 1791 et 1799 du même code étaient expressément mentionnés aux citations délivrées aux deux prévenus, plus d'un mois avant la date d'audience, la cour d'appel, contrairement aux griefs des moyens, n'a en rien méconnu les dispositions édictées par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, en acceptant l'examen de cette partie de la prévention, et en la retenant à la charge des prévenus ;
Que dès lors ces moyens ne sauraient être accueillis ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé par X..., pris de la violation des articles 95 du traité de Rome, 4 et 5 du Code pénal, 403, 484, 486, 1791 du Code général des impôts, L. 245 du Livre des procédures fiscales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné X... à payer :
" 1° pour exercice illégal de la profession de marchand en gros de boissons :
"- une amende de cinq mille fancs (5 000 francs),
"- une pénalité de quatre-vingt-treize mille cent quatre-vingt-seize francs (93 196 francs),
"- une somme de cent soixante-quinze mille neuf cent quatre-vingt-seize francs (175 996 francs), pour tenir lieu de confiscation des boissons saisies fictivement ;
" 2° pour constitution d'un entrepôt clandestin d'alcools :
"- une amende de cinq mille francs (5 000 francs),
"- une pénalité de quarante-six mille cinq cent vingt-sept francs (46 527 francs),
"- une somme de quatre-vingt-treize mille cent quatre-vingt-seize francs (93 196 francs) pour tenir lieu de confiscation des boissons saisies et restituées à leur propriétaire " ;
" aux motifs que l'administration fiscale a évalué la bouteille de whisky au prix fort raisonnable de 46 francs soit 175 996 francs pour les 3 826 bouteilles récupérées par les services de police et restituées à leur propriétaire, et 93 196 francs pour les 2 026 bouteilles retrouvées dans les locaux de la société International distribution ; que les 3 826 bouteilles contenaient 11, 4774 hectolitres d'alcool pur correspondant à un droit de consommation de 87 859, 49 francs ; les 2 026 bouteilles 6, 078 hectolitres d'alcool pur passible d'un droit de consommation de 46 527 francs ;
" alors, d'une part, que la pénalité proportionnelle prévue par l'article 1791 du Code général des impôts, déterminée par référence au montant des " droits, taxes, redevances, soultes ou autres impositions fraudées ou compromises " ne peut être calculée que par référence au tarif applicable à ces droits, taxes ou impositions ; que l'application d'une taxation différentielle en matière d'eau-de-vie, en ce qui concerne, d'une part les boissons alcooliques provenant de la distillation des céréales et, d'autre part, les eaux-de-vie de vins et de fruits, est incompatible, en ce qui concerne les produits importés des autres Etats membres de la Communauté européenne, avec les obligations qui résultent de l'article 95 du traité de Rome, qu'en retenant pour le calcul de la pénalité proportionnelle le chiffre avancé par l'administration fiscale, qui était fondé sur l'application du tarif de 7 655 francs par hectolitre d'alcool pur, institué, de façon discriminatoire, à l'encontre des boissons alcooliques provenant de la distillation des céréales, cependant qu'il résulte des énonciations de l'arrêt, que les boissons litigieuses étaient constituées par du whisky en provenance du Royaume-Uni, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, qu'il résulte des dispositons de l'article L. 245 du Livre des procédures fiscales, que les objets ou marchandises confisqués ou saisis pour fraude ou contravention ne peuvent être revendiqués par leur propriétaire ; qu'en l'espèce, les juges du fond ont constaté que les marchandises saisies avaient été restituées à leur propriétaire ; qu'en prononçant la condamnation au paiement d'une somme tenant lieu de confiscation des objets saisis que l'Administration elle-même avait restitués, les juges du fond ont violé les textes précités " ;
Sur le quatrième moyen de cassation proposé par Y..., et pris de la violation des articles 95 du traité de Rome, 4 et 5 du Code pénal, 403, 443, 484, 1791 du Code général des impôts, L. 245 du Livre des procédures fiscales, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné Y... à payer à l'administration fiscale :
" 1° pour transport et réception sans titre de mouvement :
"- une amende de 5 000 francs,
"- une pénalité de 93 196 francs,
"- une somme de 175 996 francs pour tenir lieu de boissons saisies fictivement,
" 2° pour exercice illégal de la profession de marchand en gros de boissons :
"- une amende de 5 000 francs,
"- une pénalité de 93 196 francs,
"- une somme de 175 996 francs pour tenir lieu de confiscation des boissons saisies fictivement ;
" 3° pour constitution d'un entrepôt clandestin d'alcool :
"- une amende de 5 000 francs,
"- une pénalité de 46 527 francs,
"- une somme de 93 196 francs pour tenir lieu de confiscation des boissons saisies et restituées à leur propriétaire ;
" alors, d'une part, que la pénalité proportionnelle prévue par l'article 1791 du Code général des impôts, déterminée par référence au montant des " droits, taxes, redevances, soultes ou autres impositions fraudées ou compromises ", ne peut être calculée que par référence au tarif applicable à ces droits, taxes ou impositions ; que l'application d'une taxation différentielle en matière d'eau-de-vie, en ce qui concerne, d'une part, les boissons alcooliques provenant de la distillation des céréales, d'autre part, les eaux-de-vie de vins et de fruits, est incompatible en ce qui concerne les produtis importés des autres Etats membres de la Communauté européenne, avec les obligations qui résultent de l'article 95 du traité de Rome ; qu'en retenant, pour le calcul de la pénalité proportionnelle, le chiffre avancé par l'administration fiscale, qui était fondé sur l'application du tarif de 7 655 francs par hectolitre d'alcool pur, institué, de façon discriminatoire, à l'encontre des boissons alcooliques provenant de la distillation des céréales, cependant qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que les boissons litigieuses étaient constituées par du whisky en provenance du Royaume-Uni, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, qu'il résulte des dispositions de l'article L. 245 du Livre des procédures fiscales que les objets ou marchandises confisqués, ou saisis pour fraude ou contravention, ne peuvent être revendiqués par leur propriétaire ; qu'en l'espèce les juges du fond ont constaté que les marchandises saisies avaient été restituées à leur propriétaire ; qu'en prononçant la condamnation au paiement d'une somme tenant lieu de confiscation des objets saisis, que l'administration elle-même avait restitués, les juges du fond ont violé les textes précités " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que ces moyens, en ce qu'ils invoquent une méconnaissance par les juges du fond du droit communautaire et une inexacte évaluation de l'assiette des confiscations, compte tenu du nombre des marchandises réellement saisies et de celles restituées, sont mélangés de fait et de droit ;
Que rien, en effet, au vu des mentions de l'arrêt attaqué, du jugement confirmé et du procès-verbal, base des poursuites, ne permet d'affirmer que les boissons transportées sans titres de mouvement par Y... ou celles constituant l'entrepôt clandestin d'alcool installé dans les locaux de la société d'ameublement International distribution, aient une origine britannique et aient irrégulièrement circulé sur l'espace communautaire ; que, de plus, les faits poursuivis par l'administration des Impôts comme constituant des infractions à la législation sur les contributions indirectes l'ayant été, après les poursuites du Parquet pour vol et recel de marchandises, rien ne permet d'affirmer, au vu des décisions attaquées, que les restitutions opérées au profit des propriétaires de ces marchandises ont été ordonnées par l'administration poursuivante ou avec son accord ;
Qu'ainsi ces moyens mélangés de fait et de droit n'ayant pas été soumis aux juges du fond et étant présentés pour la première fois devant la Cour de Cassation sont irrecevables ;
Mais sur le deuxième moyen de cassation proposé par X..., et pris de la violation des articles 4 du Code pénal, 484, 486, 1791, 1799 et 1805 du Code général des impôts, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable d'exercice illégal de la profession de marchand en gros de boissons et de constitution de dépôt clandestin d'alcools, et l'a condamné à diverses peines d'amende, pénalités proportionnelles, et sommes tenant lieu de confiscation pour chacune de ces " infractions " ;
" aux motifs adoptés des premiers juges, que : " Antonio X... étant en définitive le dirigeant réel de la société International distribution ; qu'il a toléré à tout le moins que les locaux de l'entreprise servent d'entrepôt et de base de réexpédition d'alcools par quantités supérieures à 60 litres, sachant que la société International distribution n'était déclarée qu'en tant que négociant en ameublement ; qu'il s'est rendu coupable d'exercice illégal de la profession de marchand en gros de boissons et de constitution d'entrepôt clandestin d'alcools ; que la preuve n'est par contre pas apportée qu'il ait pris une part quelconque au transport et à la réception des cartons de whisky " ;
" et aux motifs propres que la connaissance frauduleuse des marchandises n'est pas un élément constitutif des infractions fiscales reprochées à X... qui est le détenteur des marchandises ; que ces infractions sont purement matérielles :
qu'aucune des conditions prévues par l'article 1805 pour décharger le détenteur de marchandises de sa responsabilité ne sont remplies ;
" alors, d'une part, que la contravention aux obligations imposées par l'article 486 du Code général des impôts, aux marchands en gros, telle que cette notion est définie par l'article 484 du même Code, ne constitue qu'une seule contravention punie d'une seule pénalité ; qu'en déclarant le prévenu coupable des deux contraventions qui n'en font qu'une, et en cumulant les peines prononcées, les juges du fond ont violé les textes susvisés ;
" alors, d'autre part, que l'article 1799 du Code général des impôts ne punit des peines applicables à l'auteur principal de l'infraction, que la personne convaincue d'avoir sciemment formé ou laissé former, en vue de la faute, dans les propriétés ou locaux dont elle a la jouissance, de dépôt clandestin d'objets, produits ou marchandises soumis aux droits ou à la réglementation des contributions indirectes ; que le seul fait retenu à l'encontre de X... consiste à avoir : " toléré à tout le moins, que les locaux de l'entreprise servent d'entrepôt de base de réexpédition d'alcools ", que cette constatation, qui ne caractérise pas la détention des alcools litigieux, ne caractérise pas davantage la connaissance qui est requise aux termes du texte précité ; qu'en considérant à tort que l'infraction serait matérielle, et en s'abstenant de rechercher si X... était conscient que le dépôt clandestin d'alcools avait été formé en vue de la fraude, les juges du fond ont violé les textes susvisés et privé leur décision de base légale ;
" alors enfin que l'article 1805 du Code général des impôts décharge de toute responsabilité pénale le propriétaire de la marchandise, dépositaire détenteur s'il établit qu'il a été victime d'un abus de confiance, bien qu'il ait normalement rempli tous ses devoirs de surveillance ou encore si l'auteur du délit ou de la contravention est découvert ; qu'en s'abstenant de répondre aux conclusions précises et circonstanciées de X... qui revendiquait cette cause d'exonération, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision " ;
Et sur le troisième moyen de cassation proposé par Y..., et pris de la violation des articles 4 du Code pénal, 443, 484, 486, 1791 du Code général des impôts, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Y... coupable de transport et réception de spiritueux sans titres de mouvement, d'exercice illégal de la profession de marchand en gros de boissons et de constitution de dépôt clandestin d'alcool, et l'a condamné à diverses peines d'amende, pénalités proportionnelles et sommes tenant lieu de confiscation pour chacune de ces infractions ;
" aux motifs adoptés des premiers juges que Y... ne nie ni la réception, ni l'expédition de quantités d'alcool supérieures à 60 litres qui confère la qualité de marchand en gros, ni la clandestinité de l'entreposage de whisky dans les locaux de la société International distribution ; que le camion contenait plus de onze hectolitres d'alcool pur ;
" alors que la contravention aux obligations imposées par l'article 486 du Code général des impôts aux marchands en gros, telles que cette notion est définie par l'article 484 du même Code, ne constitue qu'une seule contravention punie d'une seule pénalité ; que, dès lors, en déclarant le prévenu coupable de deux contraventions qui n'en font qu'une, et en cumulant les peines prononcées, les juges du fond ont violé les textes susvisés " ;
Les moyens étant réunis ;
Vu lesdits articles ;
Attendu, d'une part, que s'il est vrai qu'en matière de contributions indirectes, les juges doivent, conformément aux dispositions de l'article 1791 du Code général des impôts, prononcer autant d'amendes, de pénalités et de confiscations fiscales qu'ils retiennent d'infractions différentes contre les prévenus, faut-il encore que les faits sanctionnés constituent des infractions distinctes ;
Attendu, d'autre part, que les jugements et arrêts doivent comporter des motifs propres à justifier la décision prononcée ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'appelée à examiner les faits reprochés à X... et à Y... par les citations qui saisissaient les juges correctionnels et qui leur imputaient à tous deux, d'une part, l'exercice illégal de la profession de marchand en gros de boisson, d'autre part, la constitution d'un dépôt clandestin d'alcools, infractions " dites " prévues par les articles 484 et 486 du Code général des impôts et déclarées " punies par les articles 1791 et 1799 du Code général des impôts ", la cour d'appel, après avoir énoncé qu'elle considérait les intéressés comme les dirigeants de fait et de droit de la société International distribution dans les entrepôts de laquelle les alcools avaient été stockés, les a déclarés tous deux coupables en qualité de coauteurs mais aussi de complices l'un de l'autre de deux infractions distinctes, leur infligeant respectivement deux amendes de 5 000 francs chacune, deux pénalités de 93 196 francs et 46 527 francs chacune, et deux sanctions fiscales de 175 996 et 93 196 francs chacune pour tenir lieu de confiscation des boissons saisies fictivement ou saisies réellement mais restituées, et en retenant contre ces deux condamnés les dispositions et de l'article 1791 et de l'article 1799 du Code général des impôts ;
Qu'en outre, Y... a été déclaré seul coupable de transport et réception de spiritueux sans titres de mouvement, délit prévu par l'article 443 du Code général des impôts et réprimé par l'article 1791 du même Code ;
Mais attendu que si l'arrêt attaqué devait, comme il l'a fait, après avoir déclaré Y... coupable de l'infraction distincte prévue par l'article 443 du Code général des impôts, lui infliger les amende, pénalité et sanction fiscale afférentes à cette infraction, les juges du fond ne pouvaient dire Y... et X... coupables de deux autres infractions, celles prévues par les articles 484 et 486 du Code général des impôts, et les considérer à la fois comme coauteurs et complices de ces infractions ;
Que l'article 484 du Code général des impôts se borne en effet à donner la définition du marchand en gros de boissons et d'alcools et ne comporte en lui-même aucune obligation propre, laquelle ne résulte que de l'article 486 du même Code ; que dès lors le marchand en gros de boissons qui méconnait les obligations édictées par l'article 486 du Code général des impôts ne commet qu'une seule infraction à la législation sur les contributions indirectes ; que, par ailleurs, l'article 1791 du Code général des impôts qui sanctionne l'infraction à l'article 486 du même Code n'intéresse que les auteurs ou coauteurs de l'infraction et ne peut être, pour les mêmes condamnés, cumulé avec l'article 1799 qui ne s'applique qu'à certains complices ;
Que dès lors, l'arrêt attaqué ayant méconnu les textes et principe sus-énoncés encourt de ce chef, la cassation ;
Par ces motifs :
Attendu qu'il n'y a pas indivisibilité entre les faits poursuivis et retenus contre Y... sous la prévention d'infraction à l'article 443 du Code général des impôts et ceux poursuivis contre Y... et X... pour infraction aux articles 484 et 486 du même Code ;
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 25 février 1986, mais en ses seules dispositions concernant la prévention et la répression de ces deux prévenus au regard de ces deux derniers textes de loi, toutes autres dispositions de l'arrêt attaqué étant expressément maintenues, notamment les relaxes partielles prononcées contre X... et Y..., et la condamnation de Y... du chef de l'infraction à l'article 443 du Code général des impôts, et pour être jugé à nouveau conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Rouen.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 86-91734
Date de la décision : 02/02/1987
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° IMPOTS ET TAXES - Impôts indirects et droits d'enregistrement - Procédure - Citation - Nullité - Exception - Présentation - Moment.

JURIDICTIONS CORRECTIONNELLES - Exceptions - Présentation - Moment - Nullité de la citation ou de la procédure antérieure.

1° Voir le sommaire suivant.

2° IMPOTS ET TAXES - Impôts indirects et droits d'enregistrement - Procédure - Infractions - Constatation - Procès-verbal - Nullité - Exception - Présentation - Moment.

CASSATION - Moyen - Recevabilité - Moyen fondé sur une exception irrecevable devant les juges du fond.

2° Aux termes de l'article 385 du Code de procédure pénale, les moyens tendant à voir prononcer la nullité de la citation délivrée à un prévenu et l'invitant à comparaître devant le tribunal correctionnel et celle du procès-verbal des agents verbalisateurs servant de fondement aux poursuites, doivent, pour être recevables, avoir été soulevés avant tout débat au fond et devant les juges du premier degré. Doit être déclarée irrecevable l'argumentation développée tardivement devant les juges du fond, lorsqu'elle est reprise devant la Cour de Cassation, même si les juridictions du fond ont cru à tort devoir, pour la rejeter, y répondre.

3° IMPOTS ET TAXES - Impôts indirects et droits d'enregistrement - Procédure - Citation - Enonciations - Référence au procès-verbal - Juridiction correctionnelle - Saisine.

3° En matière de contributions indirectes, la citation qui se réfère aux faits constatés par le procès-verbal saisit la juridiction correctionnelle de toutes les infractions qui paraissent en résulter à l'égard de tous ceux qui peuvent y avoir participé.

IMPOTS ET TAXES - Impôts indirects et droits d'enregistrement - Procédure - Citation - Enonciations - Visa des textes applicables - Convention européenne des droits de l'homme - Article 6 - Violation (non).

CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 6 - Droit du prévenu à être informé d'une manière détaillée de la nature et de la cause de la prévention - Impôts et taxes - Impôts indirects et droits d'enregistrement - Procédure - Citation - Enonciations - Visa des textes applicables.

4° Dès lors que la citation délivrée à chacun des prévenus, plus d'un mois avant la date d'audience, mentionnait explicitement les textes de loi considérés comme enfreints et les textes spécifiant les pénalités fiscales encourues, il ne saurait être reproché aux juges du fond d'avoir méconnu les dispositions édictées par l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, en acceptant l'examen de cette partie de la prévention, pour la retenir finalement à la charge des prévenus.

5° CASSATION - Moyen - Moyen mélangé de fait et de droit - Moyen présenté pour la première fois devant la Cour de Cassation - Irrecevabilité.

IMPOTS ET TAXES - Impôts indirects et droits d'enregistrement - Procédure - Pourvoi en cassation - Moyen - Moyen mélangé de fait et de droit - Moyen présenté pour la première fois devant la Cour de Cassation - Irrecevabilité.

5° Sont irrecevables devant la Cour de Cassation les moyens qui, mélangés de fait et de droit, n'ont pas été soumis au préalable aux juges du fond ; telle est l'argumentation qui invoque pour la première fois devant la Cour de Cassation une prétendue méconnaissance par les juges du fond d'une tarification discriminatoire de certains alcools, ou d'un calcul de pénalités portant sur des marchandises restituées à tort, en imputant sans justification cette restitution à l'Administration poursuivante, laquelle aurait ainsi méconnu les dispositions de l'article L. 245 du Livre des procédures fiscales.

6° IMPOTS ET TAXES - Impôts indirects et droits d'enregistrement - Dispositions spécifiques à certaines marchandises ou prestations - Boissons - Alcool - Commerce - Marchands en gros - Exercice illégal de la profession (article 484 du Code général des impôts) - Obligation de déclaration préalable (article 486 du Code général des impôts) - Infraction unique.

6° Voir le sommaire suivant.

7° IMPOTS ET TAXES - Impôts indirects et droits d'enregistrement - Responsabilité pénale - Personne responsable - Détermination - Infraction à l'article 486 du Code général des impôts.

7° En matière de contributions indirectes où il n'y a pas nécessairement indivisibilité entre l'ensemble des faits poursuivis et la totalité des pénalités prononcées, encourt la cassation partielle l'arrêt d'une cour d'appel qui, à l'égard des mêmes prévenus, les considère, d'une part, comme des coauteurs et des complices, et, d'autre part, les déclare coupables de deux infractions distinctes, à savoir, celle prévue par l'article 484 du Code général des impôts et celle mentionnée par l'article 486 du même Code. En effet, l'article 484 du Code général des impôts se borne à donner la définition du marchand en gros de boissons et d'alcools et ne comporte, en lui-même, aucune obligation propre, laquelle ne résulte que de l'article 486 du même Code. Dès lors, le marchand en gros de boissons, qui méconnaît les obligations édictées par l'article 486 du Code général des impôts, ne commet qu'une seule infraction à la législation sur les contributions indirectes. Par ailleurs, l'article 1791 du Code général des impôts qui sanctionne l'infraction à l'article 486 du même Code n'intéresse que les auteurs ou coauteurs de l'infraction et ne peut être, pour les mêmes condamnés, cumulé avec l'article 1799, qui ne s'applique qu'à certains complices


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Paris, 25 février 1986

(1°) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1976-06-16, bulletin criminel 1976 N° 218 p. 569 (Rejet) et les arrêts cités. (3°) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1978-01-23, bulletin criminel 1978 N° 25 p. 57 (Cassation) et les arrêts cités. (4°) A COMPARER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1956-05-25, bulletin criminel 1956 N° 386 p. 713 (Rejet). Cour de Cassation, chambre criminelle, 1961-05-15, bulletin criminel 1961 N° 256 p. 491 (Cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 fév. 1987, pourvoi n°86-91734, Bull. crim. criminel 1987 N° 53 p. 126
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1987 N° 53 p. 126

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Ledoux
Avocat général : Avocat général :Mme Pradain
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Tacchella
Avocat(s) : Avocats :MM. Ryziger, Choucroy et Foussard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1987:86.91734
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