Sur le moyen unique pris en ses cinq branches :
Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que T. V., veuve L. a vendu, par acte sous seing privé du 20 septembre 1975, plusieurs immeubles à M. J. P. ; que la venderesse étant décédée avant la réitération de la vente par acte authentique, M. P. a assigné le 25 janvier 1978 Mme M. en sa qualité de légataire universel de la défunte, afin de se voir reconnaître la propriété des immeubles qui lui avaient été vendus ; que Mme M. a soutenu que l'acte du 20 septembre 1975 était nul en raison de l'insanité d'esprit de la venderesse ; que l'arrêt attaqué, accueillant ce moyen de défense, a prononcé la nullité de cet acte ;
Attendu que M. P. fait grief à la cour d'appel (Bordeaux, 16 mai 1984) d'avoir ainsi statué, alors que, d'une part, elle ne pouvait accueillir la demande de nullité sur le fondement de l'article 389-1, 2°, du Code civil, l'acte litigieux ayant été fait avant que la venderesse ait été placée sous la sauvegarde de justice ; alors que, d'autre part, faute de préciser la date à laquelle une procédure aux fins de tutelle avait été intentée elle n'aurait pas mis la Cour de Cassation en mesure de contrôler si l'acte critiqué avait été fait postérieurement à l'introduction de l'action, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article 389-1, 3°, du même Code ; alors que, de troisième part, l'arrêt attaqué aurait prononcé la nullité de la vente litigieuse en se fondant, quant à la preuve de l'insanité d'esprit, sur des éléments postérieurs à la vente sans constater l'altération des facultés au moment de l'acte ; alors, de quatrième part, que la cour d'appel se serait fondée sur un motif hypothétique en retenant une attestation énonçant que T. L. " ne paraissait pas jouir de toutes ses facultés mentales " ; et alors, enfin, qu'en relevant qu'une somme de 30 000 francs qui aurait été payée comptant n'avait pas été retrouvée et que l'acheteur " avait tardé à se manifester ", la juridiction du second degré se serait fondée sur des considérations inopérantes pour caractériser le trouble mental de la venderesse ;
Mais attendu, d'abord, qu'il suffit pour que l'action en nullité pour trouble mental puisse être intentée postérieurement au décès de celui dont l'insanité d'esprit est alléguée que l'on se trouve dans l'un des trois cas énumérés par l'article 489-1 du Code civil ; qu'il n'est pas contesté qu'une procédure aux fins de tutelle - cas prévu par le 3° de l'article précité - avait été introduite avant le décès de T. L. ; qu'il importe peu, contrairement à ce que soutient le moyen, que cette action ait été formée avant ou après la date de l'acte dont la nullité est demandée ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel énonce que, dès le 15 mai 1975, le docteur C., médecin à l'hôpital de Vauclaire, avait " jugé nécessaire de formaliser une demande tendant à placer Mme L. sous sauvegarde de justice, et que ce même médecin avait établi le 22 septembre 1975, soit seulement deux jours après la passation de l'acte litigieux, un certificat médical faisant ressortir que les troubles psychiques qu'elle présentait la mettaient dans l'impossibilité de gérer ses biens au point qu'il était nécessaire de la mettre sous tutelle... " ; que, de ces constatations, corroborées par les anomalies relevées dans l'acte lui-même, il ne lui était pas interdit de déduire la preuve de l'altération des facultés au moment même où l'acte a été conclu, dès lors que cette preuve peut être faite par tous moyens ;
Attendu, enfin, que le motif tiré de l'attestation prétendument hypothétique de la directrice de la maison de retraite où T. L. a séjourné du 16 juin au 22 septembre 1975 comme ceux tirés du fait qu'il n'a été trouvé aucune trace du versement de la somme de 30 000 francs qui, selon l'acte, avait été payée " en liquide " et de la longue inaction de l'acheteur, sont surabondants ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi