CASSATION PARTIELLE par voie de retranchement et sans renvoi sur les pourvois formés par :
- X... René,
- Y... Jean-Claude,
contre un arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Bordeaux en date du 22 janvier 1986 qui, pour délit assimilé à la banqueroute simple par tenue irrégulière de la comptabilité d'une société, les a condamnés l'un et l'autre à 2 000 francs d'amende.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu le mémoire produit commun aux deux demandeurs ;
Sur le moyen de cassation relevé d'office, et pris de l'entrée en vigueur le 1er janvier 1986 de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation des entreprises, notamment en ses articles 196, 197-4, 238-2, 240 et 243 :
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'en l'absence de dispositions contraires expresses, une loi nouvelle qui abroge une incrimination s'applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et non encore définitivement jugés ;
Attendu que Jean-Claude Y... et René X..., respectivement gérant légal et dirigeant de fait de la SARL Socovi en état de cessation des paiements, ont été, en ces qualités respectives, pour des faits commis en 1980 et 1981, renvoyés devant le tribunal correctionnel pour avoir de mauvaise foi :
a) omis de faire au greffe compétent dans le délai légal de 15 jours la déclaration de l'état de cessation des paiements de la personne morale,
b) tenu ou fait tenir irrégulièrement la comptabilité sociale,
délits assimilés à la banqueroute simple, prévus par les alinéas 6 et 5 de l'article 131 de la loi du 13 juillet 1967 et punis par l'alinéa 1er de l'article 402 du Code pénal dans sa rédaction applicable en août 1984, date de l'ordonnance de renvoi ;
Que Y... et X... ont également été renvoyés devant la juridiction de jugement pour délit assimilé à la banqueroute frauduleuse par détournement de l'actif social, infraction visée à l'article 133, alinéa 2, de la loi du 13 juillet 1967 et punie par l'alinéa 2 de l'article 402 du Code pénal, en sa rédaction applicable à l'époque de la saisine du tribunal correctionnel ;
Qu'ils ont été définitivement relaxés pour la première et la troisième des infractions dont ils avaient à répondre ;
Attendu que pour les déclarer ès qualités coupables du délit assimilé à la banqueroute simple par tenue irrégulière de la comptabilité de la société Socovi en état de cessation des paiements, l'arrêt attaqué énonce que le syndic a constaté que le livre-journal et le livre des inventaires de ladite société n'étaient pas tenus, que le bilan, du moins pour l'exercice 1980, n'avait pas été dressé et que le comptable salarié de l'entreprise avait cessé son activité depuis 1978 ; que de ces motifs les juges du second degré ont déduit que ce délit, tel que visé à la prévention, était constitué ;
Mais attendu que l'article 131, alinéa 5, de la loi du 13 juillet 1967 a été abrogé par l'article 238-2 de la loi du 25 janvier 1985, texte qui était devenu applicable au jour de l'arrêt attaqué, en vertu des dispositions de l'article 243 du texte susvisé ; que si l'article 197-4 de ladite loi réprime désormais le fait par des dirigeants sociaux de tenir une comptabilité fictive, de faire disparaître des documents comptables, propriété de la personne morale, ou de s'abstenir de la tenue de toute comptabilité lorsque ladite société fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire, la nouvelle loi ne contient aucune incrimination pénale pour des faits de tenue irrégulière de la comptabilité d'une société, lesquels ne sauraient, en raison de l'interprétation stricte des lois pénales, être assimilés à une absence de toute comptabilité ;
Que dès lors, conformément au principe susénoncé, l'arrêt attaqué par lequel les juges du fond ne relèvent qu'un défaut partiel de comptabilité doit être cassé et annulé pour ce chef de condamnation ;
Par ces motifs, et sans qu'il y ait lieu d'examiner le moyen unique proposé en commun par les deux demandeurs au pourvoi :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Bordeaux du 22 janvier 1986, mais par voie de retranchement et en ses seules dispositions portant condamnation de René X... et de Jean-Claude Y... du chef du délit assimilé à la banqueroute simple, toutes autres dispositions dudit arrêt étant maintenues ;
Et attendu qu'il ne reste rien à juger ;
Dit n'y avoir lieu à renvoi.