CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- la compagnie d'assurances Abeille-Paix, partie intervenante,
contre un arrêt de la cour d'appel de Rouen (chambre correctionnelle) en date du 10 mars 1986 qui, dans les poursuites exercées contre Elma X... pour blessures involontaires et contravention au Code de la route, a dit l'assureur tenu à garantie.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 8 et 47 de la loi du 5 juillet 1985 relative à l'indemnisation des victimes d'accidents de la circulation, L. 211-1 du Code des assurances, de l'article 2 du Code civil, des articles 591 et 593 du Code de procédure pénale :
" en ce que l'arrêt attaqué a confirmé le jugement rejetant l'exception de non-garantie soulevée par la compagnie Abeille-Paix en précisant que l'exception de non-garantie doit être écartée compte tenu de l'application de l'article 8 de la loi du 5 juillet 1985 qui oblige la compagnie d'assurances Abeille-Paix à couvrir les conséquences dommageables de l'accident dont Mme Elma X... a été déclarée responsable ;
" aux motifs que l'article 8 de la loi du 5 juillet 1985 stipule que les contrats d'assurance doivent également couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule ; que l'article 47 de la même loi prévoit que cette loi entrera en vigueur le premier jour du sixième mois qui suit la date de sa publication ; toutefois des exceptions sont énumérées parmi lesquelles ne figure pas l'article 8 ; que par disposition expresse du législateur cet article trouve son application en la circonstance ; qu'il est inutile de statuer sur l'exception de non-garantie soulevée par la compagnie Abeille-Paix, laquelle est tenue de couvrir les conséquences dommageables de l'accident au cours duquel Georges Y...a été blessé par le véhicule mis à la disposition d'Elma X... par Z... qui l'avait régulièrement loué à la SARL Anjou location ;
" alors que, en vertu de l'article 2 du Code civil, en l'absence de volonté contraire expresse, la loi ne peut produire effet que pour l'avenir ; que l'article 47, alinéa 1er, de la loi du 5 juillet 1985, en vertu duquel l'article 8 de ladite loi entrera en vigueur le premier jour du sixième mois qui suit sa publication - soit le 1er janvier 1986 - ne peut, contrairement à l'opinion de la cour d'appel, être regardé comme une disposition expresse du législateur permettant d'appliquer en la circonstance ledit article 8, qui modifie l'article L. 211-1 du Code des assurances en ce sens que les contrats d'assurance automobile obligatoire doivent couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule, alors que les juges avaient à trancher de la garantie due par l'assureur du véhicule impliqué dans un accident survenu le 24 mai 1984, date de réalisation du dommage à laquelle il convenait de se placer pour apprécier si le contrat alors en cours de validité couvrait la responsabilité du conducteur dudit véhicule, Mme X... " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article 2 du Code civil " la loi ne dispose que pour l'avenir ; elle n'a point d'effet rétroactif " ;
Attendu qu'il ressort de l'arrêt attaqué que la société Anjou location auto, assurée pour son activité professionnelle auprès de la compagnie Abeille-Paix, a donné une automobile en location à Z... ; que le 21 mai 1984 la compagne de ce dernier, Elma X..., conduisant le véhicule, a provoqué un accident dont elle a été déclarée responsable ; que l'assureur a soulevé une exception de non-garantie tirée de ce que, au moment de l'accident, Elma X... ne figurait pas au contrat de location en qualité de conductrice autorisée ;
Attendu que la cour d'appel a écarté cette exception au motif qu'il était " inutile " de l'examiner dès lors que l'article 8 de la loi du 5 juillet 1985, en vertu duquel les contrats d'assurance doivent couvrir la responsabilité civile de toute personne ayant la garde ou la conduite, même non autorisée, du véhicule assuré, était entré en vigueur le 1er janvier 1986 et devait rétroagir à la date de l'accident, conformément à l'article 47 de la même loi ;
Mais attendu qu'en se prononçant ainsi alors qu'au nombre des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 rendues rétroactives par l'article 47 de ladite loi ne figure pas l'article 8, modifiant l'article L. 211-1 du Code des assurances, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé rendu le 10 mars 1986 par la cour d'appel de Rouen, mais seulement en ce qu'il a écarté l'exception de non-garantie soulevée par la compagnie d'assurances Abeille-Paix, toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau statué conformément à la loi dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Caen.