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09/12/1986 | FRANCE | N°85-12048

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 09 décembre 1986, 85-12048


Sur le premier moyen :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, qu'en décembre 1977 la Caisse d'épargne de Bar-le-Duc, alors installée place Exelmans, mais qui souhaitait implanter ses services dans un autre immeuble, situé boulevard de La Rochelle, qu'elle avait donné à bail à la Trésorerie générale de la Meuse, a notifié à ce locataire un congé pour le 1er septembre 1980 ; qu'à cette date, les services du trésorier-payeur général n'ont pas quitté les lieux, qu'eu égard à cette situation une convention a été passée le 5 janvier 1981 entre le présiden

t de la Caisse d'épargne et de prévoyance de Bar-le-Duc et le directeur des se...

Sur le premier moyen :

Attendu, selon les énonciations des juges du fond, qu'en décembre 1977 la Caisse d'épargne de Bar-le-Duc, alors installée place Exelmans, mais qui souhaitait implanter ses services dans un autre immeuble, situé boulevard de La Rochelle, qu'elle avait donné à bail à la Trésorerie générale de la Meuse, a notifié à ce locataire un congé pour le 1er septembre 1980 ; qu'à cette date, les services du trésorier-payeur général n'ont pas quitté les lieux, qu'eu égard à cette situation une convention a été passée le 5 janvier 1981 entre le président de la Caisse d'épargne et de prévoyance de Bar-le-Duc et le directeur des services fiscaux de la Meuse, agissant au nom et pour le compte de l'Etat ; qu'aux termes de cette convention, le directeur des services fiscaux reconnaissait que, depuis le 1er septembre 1980, son administration occupait l'immeuble de la Caisse d'épargne " sans droit ni titre ", tandis que cette dernière acceptait à l'amiable que l'administration en cause " se maintienne dans les lieux à compter rétroactivement du 1er septembre 1980 et jusqu'au 31 août 1981, soit pour 12 mois " ; qu'il était enfin prévu dans la même convention " qu'à titre d'indemnisation et à titre exceptionnel pour cette prolongation d'occupation, le service occupant versera, pour les 12 mois, la somme totale de 150 000 francs payable chaque mois au propriétaire à concurrence de 12 500 francs " ;

Attendu qu'à la date du 31 août 1981, les services fiscaux n'ont pas quitté les lieux et que, le 16 novembre de la même année, la Caisse d'épargne a assigné l'Etat, pris en la personne de l'Agent judiciaire du Trésor, devant le tribunal d'instance de Bar-le-Duc qui, par un premier jugement du 23 avril 1982, a ordonné l'expulsion de l'Etat, mais refusé d'accorder l'indemnité provisionnelle réclamée ; qu'un arrêt, devenu irrévocable, de la cour d'appel du 29 novembre 1982 a confirmé le jugement précité en ce qui concerne la décision d'expulsion, mais a condamné l'Etat à verser à la Caisse d'épargne " une indemnité provisionnelle de 300 000 francs à valoir sur le préjudice qui sera fixé par la juridiction compétente " ;

Attendu que l'Etat a restitué l'immeuble à la Caisse d'épargne le 7 décembre 1982 et que cette dernière a engagé une nouvelle procédure devant le tribunal d'instance pour avoir paiement du préjudice résultant du défaut de libération de l'immeuble à la date normale ; que la Caisse d'épargne a essentiellement invoqué deux chefs de préjudice : d'une part, celui résultant des travaux qu'elle avait dû faire réaliser dans ses locaux situés place Exelmans pour pouvoir continuer à y faire fonctionner ses services, d'autre part, celui consécutif au retard des travaux effectués dans l'immeuble du boulevard de La Rochelle ; qu'en ce qui concerne le premier chef du préjudice, la Caisse d'épargne réclamait le montant des travaux faits, soit 976 283,38 francs, tandis que pour le second elle faisait valoir que le coût prévisionnel des travaux était de 5 507 042 francs en septembre 1980, et de 7 439 468 francs en janvier 1983, soit une différence de 1 932 426 francs ; que par un jugement du 27 avril 1984, le tribunal d'instance s'est déclaré incompétent au profit des tribunaux de l'ordre administratif en ce qui concerne la demande portant sur l'augmentation du coût des travaux entre 1980 et 1983, et

qu'il a déclaré irrecevable l'autre demande en raison de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 29 novembre 1982 ;

Attendu que l'arrêt attaqué, rendu le 7 décembre 1984, a infirmé le jugement du tribunal d'instance et condamné l'Etat à payer à la Caisse d'épargne une somme de 750 000 francs au titre des travaux réalisés dans l'immeuble situé place Exelmans et une somme de 1 932 426 francs au titre de l'augmentation du coût des travaux dans l'immeuble du boulevard de La Rochelle, le tout sous déduction de l'indemnité provisionnelle de 300 000 francs allouée par l'arrêt du 29 novembre 1982 ;

Attendu que l'Agent judiciaire du Trésor reproche d'abord à la cour d'appel de s'être déclarée compétente alors que les demandes tendant à l'indemnisation du préjudice causé au propriétaire par le locataire qui se maintient indûment dans les lieux après l'expiration du bail ont un fondement quasi-délictuel tandis que la juridiction administrative est seule compétente pour connaître de la responsabilité qui peut incomber à l'Etat pour les dommages causés aux particuliers, de sorte qu'auraient été violés l'article 1382 du Code civil et la loi des 16 et 24 août 1790 ;

Mais attendu que le fondement, quel qu'il soit, de la demande de la Caisse d'épargne est sans incidence sur la compétence eu égard aux dispositions de l'article R. 321-2 du Code de l'organisation judiciaire qui, sous réserve de dispositions législatives ou réglementaires particulières, donne compétence au tribunal d'instance pour connaître des actions dont le contrat de louage d'immeuble est l'objet, la cause ou l'occasion ; qu'en l'espèce, il n'a jamais été soutenu que le contrat de location et la convention du 5 janvier 1981 auraient un caractère administratif ; que la cour d'appel, qui a retenu que les demandes d'indemnisation formées par la Caisse d'épargne étaient bien la conséquence directe du bail, qui impose au locataire de quitter les lieux à la suite d'un congé régulier, a décidé à bon droit que les juridictions de l'ordre judiciaire étaient compétentes pour en connaître, étant observé au surplus que ces dernières sont compétentes pour connaître du litige né de l'occupation sans droit ni titre d'un immeuble par une personne publique ; que le moyen ne peut donc être accueilli ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que l'Agent judiciaire du Trésor fait encore grief à la cour d'appel d'avoir condamné l'Etat à payer la somme de 750 000 francs, d'une part, en méconnaissance de l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt du 29 novembre 1982, d'autre part, en violation de l'article 1134 du Code civil, l'indemnité d'occupation prévue par la convention du 5 janvier 1981 ne réservant aucun autre chef de préjudice ;

Mais attendu que la cour d'appel a relevé que son premier arrêt du 29 novembre 1982 avait alloué une indemnité provisionnelle de 300 000 francs sans en exclure expressément aucun chef de préjudice ; que la cour d'appel a donc pu en déduire que l'autorité de la chose jugée par cet arrêt n'interdisait pas à la Caisse d'épargne de présenter une demande sur le chef de préjudice litigieux ;

Attendu, ensuite, qu'analysant les termes de la convention du 5 janvier 1981, la cour d'appel a retenu qu'ils ne faisaient pas état des travaux entrepris dans l'immeuble situé place Exelmans et que le montant de l'indemnité d'occupation n'était supérieur que de 40 000 francs à la valeur locative retenue par l'administration des Domaines ; que la juridiction du second degré en a déduit que " les parties n'avaient pas convenu que l'indemnité d'occupation indemniserait la Caisse d'épargne de tous les chefs du préjudice " ; que, ces appréciations souveraines de la convention et de l'intention des parties échappant au contrôle de la Cour de Cassation, le moyen ne peut être accueilli ;

Rejette les deux premiers moyens ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 1382 du Code civil ;

Attendu que la cour d'appel, bien qu'elle ait relevé que la Caisse d'épargne soutenait que " certains travaux supplémentaires de sécurité lui avaient été imposés par la nouvelle règlementation " a néanmoins condamné l'Etat à payer à la Caisse d'épargne l'intégralité de la différence entre le coût prévisionnel des travaux devant être réalisés dans l'immeuble situé boulevard de La Rochelle à partir de septembre 1980, et leur coût en janvier 1983, après le départ des services fiscaux ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais uniquement en ce que la cour d'appel a condamné l'Etat à verser la somme de 1 932 426 francs à la Caisse d'épargne de Bar-le-Duc, l'arrêt rendu le 7 décembre 1984, entre les parties, par la cour d'appel de Nancy ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Reims


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 85-12048
Date de la décision : 09/12/1986
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° SEPARATION DES POUVOIRS - Bail en général - Bail consenti par un particulier à l'Administration - Contrat de droit privé - Compétence judiciaire.

TRIBUNAL D'INSTANCE - Compétence - Compétence matérielle - Bail en général - Bail consenti par un particulier à l'Administration - Contrat de droit privé.

1° Eu égard aux dispositions de l'article R. 321-2 du Code de l'organisation judiciaire qui, sous réserve de dispositions particulières, donne compétence au tribunal d'instance pour connaître des actions dont le contrat de louage d'immeuble est l'objet, la cause ou l'occasion, et n'étant pas soutenu en l'espèce que les conventions liant une administration à la personne privée qui lui louait un immeuble étaient administratives, les tribunaux de l'ordre judiciaire sont compétents pour connaître d'un litige né du retard mis par la personne publique à quitter les lieux après un congé régulier. .

2° SEPARATION DES POUVOIRS - Bail en général - Bail consenti par un particulier à l'Administration - Congé - Personne publique devenue occupante sans droit ni titre - Expulsion - Compétence judiciaire.

2° Les juridictions de l'ordre judiciaire sont compétentes pour connaître d'un litige relatif à l'occupation sans droit ni titre d'un immeuble par une personne publique.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nancy, 07 décembre 1984


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 09 déc. 1986, pourvoi n°85-12048, Bull. civ. 1986 I N° 296 p. 281
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1986 I N° 296 p. 281

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Fabre
Avocat général : Avocat général :Mme Flipo
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Sargos
Avocat(s) : Avocats :MM. Ancel et Boulloche .

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:85.12048
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