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04/11/1986 | FRANCE | N°85-95791

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 04 novembre 1986, 85-95791


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- S..., partie civile,
contre un arrêt de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Nîmes en date du 6 novembre 1985 qui, dans les poursuites suivies contre M... du chef de diffamation publique envers particulier et complicité, a dit n'y avoir lieu à suivre.
LA COUR,
Vu l'arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation du 14 mars 1984 désignant la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Nîmes, en application de l'article 681 du Code de procédure pénale pour être chargée de l'instruction engagée contre M..., maire de

la commune de N... ;
1° Sur la recevabilité du pourvoi :
Attendu qu'au...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- S..., partie civile,
contre un arrêt de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Nîmes en date du 6 novembre 1985 qui, dans les poursuites suivies contre M... du chef de diffamation publique envers particulier et complicité, a dit n'y avoir lieu à suivre.
LA COUR,
Vu l'arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de Cassation du 14 mars 1984 désignant la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Nîmes, en application de l'article 681 du Code de procédure pénale pour être chargée de l'instruction engagée contre M..., maire de la commune de N... ;
1° Sur la recevabilité du pourvoi :
Attendu qu'aux termes de l'article 58 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, le droit de se pourvoir en cassation appartient à la partie civile quant aux dispositions relatives à ses intérêts civils ; que ce texte exclut en la matière les dispositions restrictives de l'article 575 du Code de procédure pénale ;
Qu'ainsi le pourvoi régulièrement formé dans le délai prévu par l'article 59 de la même loi doit être déclaré recevable ;
2° Sur le fond :
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 198, 485, 593 du Code de procédure pénale, violation du principe du contradictoire des débats devant la Chambre d'accusation, violation des droits de la défense, défaut de motifs, manque de base légale ;
" en ce que l'inculpé a déposé un mémoire au greffe de la Chambre d'accusation le jour même où l'affaire est venue à l'audience ;
" alors qu'en vertu des dispositions de l'article 198 du Code de procédure pénale, les mémoires doivent être déposés au plus tard la veille de l'audience ; que dès lors la Chambre d'accusation a violé les droits de la partie civile, en ne rejetant pas ce mémoire comme tardif et en se fondant sur ce document pour motiver sa propre décision " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article 198 du Code de procédure pénale, les parties et leurs conseils sont admis jusqu'au jour de l'audience à produire des mémoires qu'ils communiquent au Ministère public et aux autres parties ; que cette disposition doit être interprétée en ce sens que pour être recevables, les mémoires doivent être déposés au greffe de la Chambre d'accusation au plus tard la veille de l'audience ; que l'inobservation de cette disposition constitue une violation des droits des parties et prive, en conséquence, l'arrêt d'une des conditions essentielles à son existence légale ;
Attendu qu'il appert des mentions de l'arrêt attaqué que par lettres recommandées adressées le 20 septembre 1985 à l'inculpé, à la partie civile et à leurs conseils respectifs, il a été notifié que l'affaire était fixée à l'audience du 16 octobre 1985 ; que le mémoire produit par le conseil de l'inculpé M... a été déposé le 16 octobre 1985 à 8 h 55, au greffe de la Chambre d'accusation ; que pour dire n'y avoir lieu à suivre, les juges se sont fondés sur les justifications versées aux débats ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la Cour de Cassation est en mesure de constater que le mémoire produit par l'inculpé a été déposé tardivement le jour même de l'audience à laquelle la cause a été débattue ; qu'ainsi les dispositions de l'article 198 précité n'ont pas été respectées ; qu'en outre les droits de la partie civile demanderesse ont subi une atteinte du fait que la Chambre d'accusation, après avoir visé le mémoire entaché d'irrégularité au lieu de le rejeter comme tardif, en a tenu compte pour motiver sa propre décision ;
D'où il suit que l'arrêt encourt la cassation ;
Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 29, 32, 35, 55 de la loi du 29 juillet 1881, 485, 593 du Code de procédure pénale, excès de pouvoir de la Chambre d'accusation, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que la Chambre d'accusation a dit n'y avoir lieu à suivre contre M... des chefs de diffamation contre un particulier et complicité ;
" aux motifs que l'inculpé a confirmé les propos qui lui sont reprochés par la partie civile lors de son interrogatoire de première comparution ; qu'il y a donc lieu de les tenir pour existants ; qu'il apparaît des justifications versées aux débats par l'inculpé que S... avait bien été condamné par jugement contradictoire du Tribunal de police de N... les 22 février, 22 mars et 26 avril 1983 pour tapage nocturne et fermeture tardive d'établissement, que par différents arrêts des 19 janvier et 15 mars 1984, la Cour d'appel de Montpellier a confirmé sur appel du prévenu les condamnations pour fermeture tardive et infirmé celles prononcées du chef de tapage nocturne ; que le fait que M... exerce la profession d'avocat ne lui permettait pas de par elle-même d'être au courant de l'appel de S... qui ne rapporte pas la preuve par ailleurs de la connaissance directe ou indirecte que son adversaire en aurait eue ; qu'il y a lieu de constater que le jour où les propos litigieux ont été tenus et plus tard reproduits dans un mémoire administratif, S... était toujours sous le coup de plusieurs condamnations pénales ; que lesdits propos n'avaient ainsi aucun caractère diffamatoire et qu'il n'y a pas lieu de suivre ;
" alors d'une part que la Chambre d'accusation, juridiction d'instruction, ayant admis la réalité des propos diffamatoires imputés à M..., ne pouvait sans commettre un excès de pouvoir examiner la vérité de cette imputation diffamatoire ; qu'en effet, la preuve d'une telle vérité ne pouvait être rapportée que devant la juridiction de jugement dans les formes prescrites par les articles 54 et 55 de la loi du 29 juillet 1881 ; qu'ainsi, et tenant pour constants les propos reprochés, la Chambre d'accusation devait renvoyer l'inculpé devant la juridiction correctionnelle ;
" alors d'autre part et à supposer que la Chambre d'accusation ait été compétente pour statuer sur la vérité de l'imputation diffamatoire invoquée par M..., elle ne pouvait l'admettre et dire n'y avoir lieu à suivre qu'à la seule condition que soit rapportée la preuve complète et absolue que S... avait été condamné pénalement pour tapage nocturne ; que tel n'était pas le cas puisque l'intéressé avait, au moment où les propos diffamatoires ont été prononcés et reproduits dans la presse, interjeté appel des trois jugements du tribunal de police de N... le condamnant pour tapage nocturne, la croyance en l'exactitude des faits allégués ne constituant pas un fait justificatif et l'accusation portée contre S... d'avoir été condamné constituant l'imputation d'un fait précis de nature à porter atteinte à son honneur et à sa considération ;
" alors enfin qu'il appartenait à M... d'administrer la preuve des faits justificatifs par lesquels il entendait combattre les imputations diffamatoires qui lui étaient reprochées ; que dès lors la Chambre d'accusation ne pouvait sans violer les règles de la preuve affirmer que S... ne rapportait pas la preuve de la connaissance directe ou indirecte que son adversaire aurait eue de l'appel des jugements qu'il avait interjeté ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il n'appartient pas aux juridictions d'instruction de rechercher si les faits relevés comme diffamatoires sont vrais ou faux ; que seule la juridiction de jugement peut prononcer sur ce point lorsque le prévenu est admis à rapporter la preuve de la vérité des faits conformément aux dispositions des articles 35 et 55 de la loi du 29 juillet 1881 ;
Attendu que chargée d'instruire sur la plainte avec constitution de partie civile de S... du chef de diffamation contre M..., maire de N..., qui lors d'une réunion du conseil municipal le 20 décembre 1983 a déclaré publiquement que ledit S... avait fait l'objet de condamnations pénales pour tapages nocturnes, la Chambre d'accusation a, pour prononcer non-lieu à suivre, énoncé qu'il apparaissait des justifications versées aux débats par l'inculpé que le plaignant avait bien été condamné tant par le Tribunal de police que par la Cour d'appel, que la partie civile ne faisait pas la preuve que M... eût eu connaisance des appels par elle interjetés et qu'ainsi les propos retenus n'avaient pas un caractère diffamatoire ;
Mais attendu qu'en admettant devant eux la preuve de la vérité des faits diffamatoires alors qu'elle ne peut être offerte et débattue que devant la juridiction correctionnelle, les juges ont méconnu le sens et la portée des dispositions susvisées ;
Qu'ainsi l'arrêt encourt encore la cassation ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Nîmes du 6 novembre 1985 et pour qu'il soit à nouveau statué conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Toulouse.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 85-95791
Date de la décision : 04/11/1986
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° PRESSE - Procédure - Cassation - Pourvoi - Recevabilité - Conditions - Pourvoi de la partie civile - Article 58 de la loi du 29 juillet 1881 - Arrêts de la chambre d'accusation.

CASSATION - Pourvoi - Pourvoi de la partie civile - Arrêt de la chambre d'accusation - Recevabilité - Cas - Arrêt statuant sur une infraction à la loi sur la presse - Application de l'article 58 de la loi du 29 juillet 1881 * CASSATION - Décisions susceptibles - Chambre d'accusation - Arrêt de non-lieu - Pourvoi de la partie civile - Arrêt statuant sur une infraction à la loi sur la presse - Application de l'article 58 de la loi du 29 juillet 1881 * CHAMBRE D'ACCUSATION - Arrêts - Arrêt de non-lieu - Pourvoi de la partie civile - Recevabilité - Cas - Arrêt statuant sur une infraction à la loi sur la presse - Application de l'article 58 de la loi du 29 juillet 1881.

1° Aux termes de l'article 58 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, le droit de se pourvoir en cassation appartient à la partie civile quant aux dispositions relatives à ses intérêts civils. Ce texte exclut, en la matière, les dispositions restrictives de l'article 575 du Code de procédure pénale

2° CHAMBRE D'ACCUSATION - Procédure - Mémoire - Dépôt - Dépôt tardif - Sanction.

CHAMBRE D'ACCUSATION - Procédure - Mémoire - Dépôt - Délai * CHAMBRE D'ACCUSATION - Droits de la défense - Mémoire - Dépôt au greffe - Dépôt tardif - Décision fondée sur le mémoire - Violation des droits des parties.

2° Selon l'article 198 du Code de procédure pénale les parties et leurs conseils sont admis jusqu'au jour de l'audience à produire des mémoires devant la Chambre d'accusation. Cette disposition doit être interprétée en ce sens que, pour être recevables, les mémoires doivent être déposés au greffe de ladite Chambre au plus tard la veille de l'audience. Est tardif le mémoire déposé par le conseil de l'inculpé le jour même de l'audience à laquelle la cause doit être débattue. Les droits de la partie civile subissent une atteinte du fait que la Chambre d'accusation, après avoir visé le mémoire entaché d'irrégularité, en a tenu compte pour motiver sa décision

3° PRESSE - Diffamation - Preuve de la vérité des faits diffamatoires - Administration - Juridiction compétente - Juridiction d'instruction (non).

3° Il n'appartient pas aux juridictions d'instruction de rechercher si les faits relevés comme diffamatoires sont vrais ou faux. Seule la juridiction de jugement peut prononcer sur ce point lorsque le prévenu est admis à rapporter la preuve de la vérité des faits conformément aux dispositions des articles 35 et 55 de la loi du 29 juillet 1881


Références :

(1)
(2)
Code de procédure pénale 198
Code de procédure pénale 575
Loi du 29 juillet 1881 Art. 58

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 06 novembre 1985

(1) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1978-03-02, bulletin criminel 1978 N° 82 p. 210 (Cassation). (2) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1966-10-20, bulletin criminel 1966 N° 234 p. 533 (Irrecevabilité). Cour de Cassation, chambre criminelle, 1970-02-26, bulletin criminel 1970 N° 78 p. 175 (Cassation). Cour de Cassation, chambre criminelle, 1975-07-09, bulletin criminel 1975 N° 185 p. 506 (Cassation). (3) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1952-01-24, bulletin criminel 1952 N° 29 p. 43 (Cassation). Cour de Cassation, chambre criminelle, 1978-03-02, bulletin criminel 1978 N° 82 p. 210 (Cassation). Cour de Cassation, chambre criminelle, 1978-12-19, bulletin criminel 1978 N° 360 p. 938 (Rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 04 nov. 1986, pourvoi n°85-95791, Bull. crim. criminel 1986 N° 323 p. 824
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1986 N° 323 p. 824

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, Conseiller le plus ancien faisant fonctions
Avocat général : Avocat général : M. Rabut
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Dardel
Avocat(s) : Avocats : M. Rouvière et la Société civile professionnelle Labbé-Delaporte.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:85.95791
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