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22/07/1986 | FRANCE | N°85-93930

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 22 juillet 1986, 85-93930


REJET des pourvois formés par P..., contre un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 7e Chambre, du 28 mai 1985, qui l'a condamné pour diffamation publique envers citoyen chargé d'un mandat public à la peine de 5 000 francs d'amende ainsi qu'à des réparations civiles.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, de l'article 31 de la même loi, des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale ; <

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REJET des pourvois formés par P..., contre un arrêt de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 7e Chambre, du 28 mai 1985, qui l'a condamné pour diffamation publique envers citoyen chargé d'un mandat public à la peine de 5 000 francs d'amende ainsi qu'à des réparations civiles.
LA COUR,
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, de l'article 31 de la même loi, des articles 485 et 593 du Code de procédure pénale ;
" en ce que la décision attaquée a déclaré le demandeur coupable de diffamation envers B... et Madame veuve M..., le premier adjoint au maire de M..., la seconde maire de M..., pour avoir lu lors de la séance du conseil municipal du 11 septembre 1984 une déclaration protestant contre le fait que le maire ait donné son aval à l'achat de l'ensemble immobilier " Les Floralies " par une société de gestion privée I..., abandonnant le droit de préemption de la ville de M..., avant de savoir ce qui en résulterait, et sans être intervenu auprès des H.L.M. départementaux, et protestant contre le fait que le premier adjoint avait écrit, dans une lettre en date du 19 juillet 1984, adressée aux locataires, qu'il avait agi après avoir consulté le conseil municipal, ce qui était faux puisqu'il ne l'avait pas réuni ; que quant à lui le demandeur s'élevait " avec indignation contre un tel procédé qui laisse entendre que nous pourrions avoir quelque responsabilité dans la décision prise. S'il résulte de l'ignorance des usages et des règles, il est lamentable ; s'il résulte de la mauvaise foi, il est méprisable, et cette sorte de prévarication porte le nom de forfaiture " ;
" que, pour entrer en condamnation, la Cour a énoncé que, sans doute, B... avait déclaré inexactement que le conseil municipal avait été consulté, les parties civiles reconnaissant que seule la majorité du conseil l'avait été ; mais que les termes utilisés " prévarication et forfaiture " sont, manifestement, disproportionnés, que le terme prévariquer - qui n'est pas un terme juridique - se définit ainsi :
" manque par mauvaise foi, par intérêt, aux devoirs de sa charge, aux obligations de son ministère " ; que le terme forfaiture, par contre, est défini par le Code pénal comme tout crime commis par un fonctionnaire public dans l'exercice de ses fonctions ; que l'inadéquation de ce terme à la situation est évidente et que les efforts du prévenu pour tenter de réduire la portée des termes dont il a maintenant à répondre sont vains ; que le contexte dans lequel ils ont été employés, l'acception restrictive qu'il prétend maintenant leur donner devant la justice, à savoir : manque de loyauté, ne saurait être retenue ; que la déclaration incriminée porte gravement atteinte à l'honneur et à la considération du maire et du premier adjoint, citoyens chargés d'un service public ;
" alors, d'une part, que le délit de diffamation suppose l'allégation d'un fait précis susceptible de preuve, de nature à porter atteinte à l'honneur et à la considération de la personne diffamée ; qu'en l'espèce actuelle, le demandeur avait articulé le fait que le maire et le premier adjoint avaient renoncé, au nom de la commune, à l'exercice du droit de préemption que celle-ci possédait, et ce sans avoir consulté le conseil municipal, tout en ayant prétendu l'avoir consulté ; que l'exactitude des assertions du demandeur sur ce point n'a pas été contestée et que l'affirmation de ces faits n'a, du reste, pas été retenue comme constituant l'allégation de faits de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération de B... ou de Madame veuve M... ; qu'il a, par contre, été reproché au demandeur d'avoir déclaré que ces faits, s'ils avaient été commis de mauvaise foi, constituaient une sorte de prévarication, portant le nom de forfaiture ; que la qualification donnée à des faits exacts par le demandeur ne constituaient pas, par elle-même, l'obligation d'un fait précis de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération des parties civiles, et ne pouvait donc constituer le délit de diffamation ;
" alors, d'autre part, que les mots de prévarication et de forfaiture, à supposer qu'ils puissent être détachés de leur contexte, auraient pu, tout au plus, constituer le délit d'injure, et non le délit de diffamation, ne comportant, par eux-mêmes, l'allégation d'aucun fait précis ;
" alors, de troisième part, qu'en toute hypothèse, pour apprécier l'existence ou l'inexistence du délit de diffamation, les juges du fond devaient s'attacher au sens le plus commun des mots argués de dénaturation, et non à leur sens juridique ; que, dans cette acception, la forfaiture entendue dans le sens littéraire usuel est simplement un manque de loyauté, ou la trahison de la confiance d'autrui " ;
Attendu qu'il appert des énonciations de l'arrêt attaqué que le 11 septembre 1984, lors d'une réunion du conseil municipal de M..., P..., conseiller municipal, a lu publiquement une note par laquelle il critiquait les conditions dans lesquelles il avait été renoncé, à l'occasion de la cession d'un ensemble immobilier, au droit de préemption bénéficiant à la commune et prétendu, par le premier adjoint B..., que le conseil municipal avait été consulté, alors que seule la majorité de cette assemblée l'avait été ; que P... avait déclaré, en conclusion, " que cette sorte de prévarication porte le nom de forfaiture " et ensuite " vous avez, Madame le maire, cru devoir déclarer que vous couvriez entièrement les agissements de B..., ce qui précède s'applique donc à vous-même " ;
Que s'estimant atteints dans leur honneur ou leur considération B..., premier adjoint au maire, et M..., maire de M..., ont cité directement devant la juridiction répressive P... du chef de diffamation publique envers citoyens chargés d'un mandat public : le premier, à raison du passage suivant " que cette sorte de prévarication porte le nom de forfaiture " et, la seconde, à raison du même passage ainsi que des termes suivants " vous avez, Madame le maire, cru devoir déclarer que vous couvriez entièrement les agissements de Monsieur B..., ce qui précède s'applique donc à vous-même " ;
Attendu que les juges du fond, pour retenir, dans les liens de la prévention, P..., qui n'avait pas usé des dispositions des articles 35 et 55 de la loi du 29 juillet 1881, ni invoqué la bonne foi, relèvent que, si B... a reconnu que seule la majorité du conseil municipal avait été consultée, les termes utilisés, prévarication et forfaiture, étaient manifestement disproportionnés puisque " le verbe prévariquer - qui n'est pas un terme juridique - se définit ainsi : manquer par mauvaise foi, par intérêt, au devoir de sa charge, aux obligations de son ministère " que le terme forfaiture est défini par le Code pénal comme " tout crime commis par un fonctionnaire public dans l'exercice de ses fonctions " ; que les juges observent encore que " l'inadéquation de ce terme à la situation est évidente et que les efforts du prévenu pour tenter de réduire la portée des termes dont il a maintenant à répondre sont vains ; que dans le contexte dans lequel ils ont été employés l'acception très restictive qu'il prétend leur donner devant la justice, à savoir " manque de loyauté " ne saurait être retenue " ;
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, la Cour d'appel a fait l'exacte application de la loi ; qu'en effet constitue une imputation de nature à porter atteinte à l'honneur ou à la considération des parties civiles l'allégation suivant laquelle les agissements qui leur sont reprochés constitueraient une prévarication et une forfaiture ; qu'il s'agit là d'un fait déterminé dont la preuve peut être rapportée ;
D'où il suit que le moyen ne saurait être accueilli ;
REJETTE les pourvois.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 85-93930
Date de la décision : 22/07/1986
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

PRESSE - Diffamation - Personnes et corps protégés - Citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public - Maire ou conseiller municipal - Acte commis dans l'exercice des fonctions - Prévarication ou forfaiture

L'imputation dirigée contre un maire et un adjoint au maire d'avoir commis une prévarication et une forfaiture est une diffamation.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel d'Aix-en-Provence, 28 mai 1985


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 22 jui. 1986, pourvoi n°85-93930, Bull. crim. criminel 1986 N° 241 p. 611
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1986 N° 241 p. 611

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Ledoux
Avocat général : Avocat général : M. Méfort
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Zambeaux
Avocat(s) : Avocats : MM. Ryziger et Choucroy

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:85.93930
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