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01/07/1986 | FRANCE | N°85-11356

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 01 juillet 1986, 85-11356


Attendu, que la compagnie Winterthur a conclu avec M. X... par lettre du 4 août 1972, un " contrat-mandat " conférant à celui-ci la qualité de " courtier-gérant " et prévoyant qu'il exercerait cette activité sous la dénomination commerciale " Paris-Choisy-le-Roi " en co-exploitation avec les agents généraux de cette compagnie installés dans la région parisienne ; qu'estimant que la branche automobile gérée par M. X... était déficitaire, la compagnie lui a d'abord imposé une restriction de ses activités dans cette branche, puis, par lettres des 20 mai et 22 août 1980, l'a inf

ormé que, faute par lui de placer auprès d'autres assureurs de son...

Attendu, que la compagnie Winterthur a conclu avec M. X... par lettre du 4 août 1972, un " contrat-mandat " conférant à celui-ci la qualité de " courtier-gérant " et prévoyant qu'il exercerait cette activité sous la dénomination commerciale " Paris-Choisy-le-Roi " en co-exploitation avec les agents généraux de cette compagnie installés dans la région parisienne ; qu'estimant que la branche automobile gérée par M. X... était déficitaire, la compagnie lui a d'abord imposé une restriction de ses activités dans cette branche, puis, par lettres des 20 mai et 22 août 1980, l'a informé que, faute par lui de placer auprès d'autres assureurs de son choix tous les contrats composant son portefeuille, elle procéderait par elle-même à la résiliation de certains d'entr'eux, ce qu'elle a fait en 1981, et, soutenant que sa gestion était mauvaise, a mis fin à son contrat ; que la Cour d'appel a débouté M. X... 1°) de sa demande principale tendant à ce que lui soient reconnus les droits et avantages que confère le statut d'agent général d'assurance, 2°) de sa demande subsidiaire tendant à l'obtention de dommages-intérêts pour rupture abusive du mandat d'intérêt commun qui, selon lui, le liait à la compagnie Winterthur ;

Sur le premier moyen :

Vu l'article 20 du décret du 5 mars 1949 portant statut des agents généraux d'assurance, qui est d'ordre public, ouvrant droit à ces agents, lorsqu'ils cessent leurs fonctions et même en cas de révocation, à une indemnité compensatrice des droits de créance qu'ils abandonnent sur les commissions afférentes au portefeuille de leur agence, ensemble l'article L. 520-1 du Code des assurances interdisant aux parties à un contrat d'agent général de renoncer à l'avance à leurs droits à dommages-intérêts en cas de résiliation par la volonté d'un seul ;

Attendu que, pour débouter M. X... de sa demande d'indemnité compensatrice, la Cour d'appel énonce que celui-ci était inscrit au registre du commerce en qualité de courtier, que cette profession est incompatible avec celle d'agent général, qu'il n'a jamais été affilié aux régimes sociaux et de retraite obligatoires pour les agents généraux et qu'il avait renoncé, lors de sa nomination par la compagnie Winterthur, aux avantages propres à la fonction d'agent général ;

Attendu cependant que les obligations souscrites par M. X... envers la compagnie Winterthur étaient intégralement celles d'un agent général, dont le contrat type faisait corps avec sa lettre de nomination, à laquelle il était annexé ; qu'en se déterminant comme elle l'a fait, alors que les fonctions de courtier agréé par un ou plusieurs assureurs, et celles d'agent général peuvent être exercées par une même personne, et alors que c'était à la compagnie Winterthur qu'il incombait de faire bénéficier M. X... des régimes de prévoyance et de retraite prévus par l'article 17 du décret du 5 mars 1949, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur le second moyen :

Vu l'article 2004 du Code civil, ensemble l'article 1134 du même Code ;

Attendu que si, selon le premier de ces textes, le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble, il ne peut le faire sans cause légitime et sans s'assurer du consentement du mandataire lorsqu'il est lié à celui-ci par un mandat d'intérêt commun ;

Attendu que pour débouter M. X... de sa demande de dommages-intérêts fondée sur l'existence d'un mandat d'intérêt commun le liant à la compagnie Winterthur qui l'aurait abusivement résilié, la Cour d'appel énonce que si ce " courtier " pouvait être accessoirement le mandataire de l'assureur c'était pour faciliter les opérations d'assurances dans l'intérêt de l'assuré et qu'il demeurait libre de placer ses contrats en fonction des intérêts d'une clientèle qui lui demeurait propre ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi alors que la lettre du 4 août 1972 énonçait que " le contrat-mandat " d'agent général s'appliquait à M. X..., que l'article 8 de ce contrat lui imposait d'être un mandataire fidèle et dévoué à la compagnie Winterthur, et qu'il était évident que chacune des parties devait tirer de cette convention un intérêt lié au chiffre d'affaires réalisé par le mandataire, la Cour d'appel, qui aurait dû rechercher si la révocation de ce mandat par la compagnie d'assurance était ou non justifiée par une cause légitime, a privé sa décision de base légale au regard des textes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE l'arrêt rendu le 9 mai 1984 entre les parties, par la Cour d'appel de Versailles ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Orléans


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 85-11356
Date de la décision : 01/07/1986
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° ASSURANCE (règles générales) - Personnel - Courtier - Cumul avec les fonctions d'agent général - Possibilité.

ASSURANCE (règles générales) - Personnel - Agent général - Cessation des fonctions - Indemnité compensatrice - Bénéficiaire - Courtier exerçant les fonctions d'agent général.

1° Les fonctions de courtier agréé par un ou plusieurs assureurs et celles d'agent général peuvent être exercées par une même personne. . Et un " courtier gérant " ne saurait être débouté de sa demande d'indemnité compensatrice prévue par l'article 20 du décret du 5 mars 1949 dès lors que les obligations souscrites par lui envers sa compagnie étaient intégralement celles d'un agent général, dont le contrat type faisait corps avec sa lettre de nomination, et qu'il incombait à la compagnie de le faire bénéficier des régimes de prévoyance et de retraite prévus par l'article 17 du même décret.

2° ASSURANCE (règles générales) - Personnel - Agent général - Mandat - Révocation - Motif légitime - Nécessité.

MANDAT - Mandat conféré dans l'intérêt du mandant et du mandataire - Révocation - Motif légitime - Nécessité.

2° Si le mandant peut révoquer sa procuration quand bon lui semble, il ne peut le faire sans cause légitime et sans s'assurer du consentement du mandataire lorsqu'il est lié à celui-ci par un mandat d'intérêt commun. Et, dès lors que le " contrat mandat " d'agent général imposait d'être un mandataire fidèle et dévoué à la compagnie d'assurances, il en résultait que chacune des parties devait tirer de cette convention un intérêt lié au chiffre d'affaires réalisé par le mandataire ; par suite il appartenait aux juges du fond de rechercher si la révocation du mandat par la compagnie était ou non justifiée par une cause légitime.


Références :

Décret du 05 mars 1949 art. 20, art. 17

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 09 mai 1984

(1) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre civile 1, 1983-01-18, bulletin 1983 I N° 23 (2) p. 20 (Rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 01 jui. 1986, pourvoi n°85-11356, Bull. civ. 1986 I N° 186 p. 183
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1986 I N° 186 p. 183

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Joubrel
Avocat général : Avocat général :M. Montanier
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Bornay
Avocat(s) : Avocats :MM. Garaud et Goutet

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:85.11356
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