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02/06/1986 | FRANCE | N°86-90975

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 02 juin 1986, 86-90975


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Pierre, prévenu,
- la S. A. " Société d'exploitation des Etablissements Pierre X... ", civilement responsable,
contre un arrêt de la cour d'appel de Versailles, Chambre correctionnelle, en date du 5 février 1986, qui, dans une poursuite dirigée contre X... Pierre des chefs de fraudes fiscales et passation irrégulière d'écritures comptables, a infirmé une décision du tribunal correctionnel, lequel avait prononcé la nullité du procès-verbal des agents verbalisateurs et de la totalité de la procédure pénale subséquente, arr

êt qui a par ailleurs renvoyé les débats au fond à une date ultérieure.
LA...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Pierre, prévenu,
- la S. A. " Société d'exploitation des Etablissements Pierre X... ", civilement responsable,
contre un arrêt de la cour d'appel de Versailles, Chambre correctionnelle, en date du 5 février 1986, qui, dans une poursuite dirigée contre X... Pierre des chefs de fraudes fiscales et passation irrégulière d'écritures comptables, a infirmé une décision du tribunal correctionnel, lequel avait prononcé la nullité du procès-verbal des agents verbalisateurs et de la totalité de la procédure pénale subséquente, arrêt qui a par ailleurs renvoyé les débats au fond à une date ultérieure.
LA COUR,
Vu l'ordonnance de M. le président de la Chambre criminelle en date du 15 avril 1986 décidant conformément aux articles 570 et 571 du Code de procédure pénale, l'examen immédiat du pourvoi ;
Vu les mémoires produits, tant en demande qu'en défense ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles L. 47 du Livre des procédures fiscales, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et insuffisance de motifs ;
" en ce que l'arrêt attaqué a validé les poursuites diligentées contre Pierre X... pour infraction à la législation fiscale ;
" aux motifs qu'un avis de vérification de la comptabilité de la société d'Exploitation des Etablissements Pierre X..., daté du 12 mai 1980, a été adressé par l'administration des impôts à son président-directeur général, X... Pierre, reçu par lui le 16 mai 1980 ; (que) la vérification de comptabilité a été effectuée du 29 mai 1980 au 30 septembre 1980 ; (qu') une notification de redressement lui a ensuite été notifiée ; (que) précédemment, le 21 janvier 1980, deux inspecteurs des impôts s'étaient présentés simultanément avec deux agents des douanes au domicile de X... Pierre, puis au siège de la société ; (que) Pierre X... soutient que les deux inspecteurs ont pratiqué en fait un contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle d'éléments probatoires contrairement à l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, lequel exige la remise de l'avis de vérification préalablement à l'exercice d'un tel contrôle " (cf. arrêt attaqué, p. 4, 3e considérant) ; " qu'il n'est pas soutenu que, pendant la durée de la vérification qui a duré une heure quarante-cinq minutes, les inspecteurs des impôts soient restés inactifs ; que la saisie sélective opérée alors des relevés de compte et remises de chèques sur le Crédit du Nord et Union parisienne suppose nécessairement que l'ensemble des documents comptables et commerciaux ait été passé en revue " (cf. arrêt attaquée p. 5, 2e considérant) ; " que les documents saisis ne seront restitués que vers la fin de la période où aura lieu la vérification officielle de la comptabilité de la SEE Pierre X... en vue de l'établissement du délit de fraude fiscale, le 4 juillet 1980 " (cf. arrêt attaqué, p. 5, 3e considérant) ; " que c'est donc bien à un contrôle de comptabilité que se sont livrés, le 21 janvier 1980, les quatre inspecteurs dans les bureaux de la SEE Pierre X..., même si la durée relativement courte de ce contrôle ne leur a pas permis des recherches approfondies " (cf. arrêt attaqué, p. 5, 4e considérant, lequel s'achève p. 6) ; " que la question se pose... de savoir si le fait pour les inspecteurs des impôts d'avoir ainsi agi, en laissant place à l'incertitude quant aux finalités des investigations qu'ils poursuivaient, est de nature, ou non, à frapper de nullité le contrôle auquel il a été procédé le 21 janvier 1981 dans les bureaux de la SEE Pierre X... " (cf. arrêt attaqué, p. 6, 2e considérant) ; " que le fait de (la) présence (des agents du service) ne peut pas être une cause de nullité du constat effectué, même si rien ne permet de savoir de façon certaine à quel titre ils intervenaient dans la procédure douanière qui débutait ou (et ?) dans le cadre de la procédure déjà engagée aux dires de la direction générale des impôts, concernant des infractions économiques, dès lors qu'il n'est pas établi que leur intervention ait pu avoir aussi pour cible la recherche d'infractions fiscales, objet de la présente instance " (cf. arrêt attaqué, p. 6, 3e considérant, lequel s'achève p. 7) ; " que doit donc être considérée comme régulière (la) visite domiciliaire dans cette procédure douanière, comme il n'est pas contesté que l'ont été les autres visites domiciliaires entreprises le même jour dans ladite procédure, qui ont permis de réunir les charges qui sont à l'origine des poursuites de l'administration des impôts engagées dans la présente procédure fiscale et dont les procès-verbaux se trouvent dans le dossier remis à la Cour par la direction générale des impôts " (cf. arrêt attaqué, P. 7, 2e considérant) ;
" 1- alors que la formalité de l'avis prévu par l'article L. 47 du livre des procédures fiscales constitue une garantie essentielle des droits de la défense dont il appartient à la juridiction répressive d'assurer le respect ; qu'en validant les poursuites qui lui étaient soumises, quand elle constate, d'une part, que les opérations diligentées le 21 janvier 1980 avaient été conduites sans qu'eussent été observées les formalités de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, d'autre part, que ces opérations avaient consisté dans un contrôle de comptabilité, et, enfin, que les pièces saisies le 21 janvier 1980 avaient été restituées le 4 juillet 1980 lors de la procédure de vérification qui a suivi, la Cour d'appel a violé par refus d'application l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales ;
" 2- alors que, la garantie prévue par l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales étant essentielle aux droits de la défense, il y a lieu de considérer qu'elle doit être observée, à chaque fois qu'il n'est pas certain qu'elle aurait dû être respectée ; qu'en affirmant que la garantie de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales n'avait pas à être observée dans l'espèce, pour la raison qu'il n'est pas certain que les agents du service entendaient, le 21 janvier, procéder à la constatation d'infractions fiscales, la Cour d'appel a violé par fausse interprétation l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales ;
" 3- alors que la méconnaissance par le service de la garantie prévue par l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales emporte la nullité des poursuites, même si l'infraction peut être établie par d'autres pièces étrangères à la vérification contestée ; qu'en validant les poursuites diligentées contre Pierre X... pour la raison que d'autres visites domiciliaires ont permis de réunir les charges qui sont à l'origine de ces poursuites, la Cour d'appel a violé, par fausse interprétation également, l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales ;
" 4- alors que la contradiction des motifs équivaut à leur défaut ; qu'en affirmant qu'il n'était pas possible de dire si les agents du service avaient entendu, le 21 janvier 1980, procéder à la constatation d'infractions fiscales, quand elle relève que les pièces saisies le 21 janvier 1980 avaient été restituées le 4 juillet 1980 lors des opérations de vérification dont sont résultées les poursuites, la Cour d'appel a privé sa décision de motifs " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'aux termes de l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé, par l'envoi ou la remise d'un avis, spécifiant les années soumises à vérification, et mentionnant, sous peine de nullité de la procédure, que ledit contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix ;
Attendu que Pierre X..., ayant été renvoyé devant le tribunal correctionnel, en sa qualité de président d'une société anonyme, pour des fraudes fiscales à l'impôt sur les sociétés, la T. V. A. et l'impôt sur le revenu, commises au sein de celle-ci, ainsi que pour infraction à l'article 1743 du Code général des impôts, a soulevé, avant toute défense au fond, la nullité de la procédure pénale au motif, selon ses conclusions, que la vérification de la comptabilité de son entreprise avait été opérée en violation des dispositions édictées par l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales ;
Attendu que pour infirmer la décision des premiers juges lesquels avaient fait droit à cette exception, l'arrêt attaqué rappelle d'abord que si le 16 mai 1980 X... avait bien reçu avis de ce que la comptabilité de sa société allait être vérifiée par des agents des impôts et qu'il pourrait se faire assister d'un conseil et si ces opérations annoncées s'étaient déroulées du 29 mai au 30 septembre 1980, il résultait cependant d'un procès-verbal daté du 21 janvier 1980, régulièrement versé au débat, que ce jour-là, soit quatre mois avant la réception de l'avis prévu par l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, X... avait été l'objet d'une première visite domiciliaire inopinée, dans son bureau, opérée par deux agents des douanes, assistés d'un officier de police judiciaire et accompagnés de deux inspecteurs des impôts au cours de laquelle, sans avis préalable, quatre documents avaient été saisis lesquels consistaient en des relevés de comptes et de remises de chèques sur le Crédit du Nord et l'Union parisienne ;
Que l'arrêt relate ensuite que la visite ayant abouti à cette saisie avait donné lieu à rédaction d'un procès-verbal de constat dans lequel il était mentionné qu'elle s'effectuait " dans le cadre de la procédure instaurée par les articles 64 et 454 du Code des douanes " ; que les juges notent que rien cependant, à la lecture des mentions de ce procès-verbal, ne permettait de savoir dans quel but précis avait été décidée cette intervention ni pourquoi les deux inspecteurs des impôts avaient prêté leur concours à cette opération ; que, sur ce point, leur propre administration avait constamment varié, soutenant que ceux-ci suspectaient soit une infraction économique, soit une infraction cambiaire ; que malgré cette incertitude il était cependant indubitable qu'au cours de la vérification du 21 janvier 1980, les inspecteurs des impôts n'étaient pas restés inactifs et que la saisie sélective des documents bancaires qui avait été la conséquence de cette première perquisition, impliquait que la totalité des documents comptables et commerciaux de l'entreprise avait été passée en revue par l'ensemble des agents intervenants ; que d'ailleurs les documents placés sous scellés par les agents des douanes avaient été restitués le 4 juillet 1980 à Pierre X..., par les agents du fisc quelques jours avant le procès-verbal dressé alors contre lui et ne retenant à son encontre que des délits fiscaux ; que cependant, il n'y avait pas lieu de prononcer la nullité de la perquisition du 21 janvier 1980, car " il n'était pas établi avec certitude que l'intervention des deux inspecteurs des impôts, ce jour-là, avait vraiment pour cible la recherche d'infractions fiscales, d'autant plus que la perquisition opérée le 21 janvier 1980 était parfaitement régulière au regard du droit douanier, bien qu'aucune infraction douanière ou cambiaire n'ait été découverte " ;
Mais attendu qu'en prononçant ainsi, et alors que la Cour d'appel, dans ses motifs préalables, constatait à la fois que la perquisition incriminée n'avait pas été dictée par un quelconque indice d'une infraction douanière, cambiaire ou économique, ni destinée à rechercher ou à fortifier des preuves de délits de cette nature, et que la visite domiciliaire du 21 janvier 1980 opérée en violation des formalités prévues par l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, avait abouti, après vérification de la comptabilité sociale, à une saisie de documents n'ayant été utilisés que pour étayer des poursuites fiscales, les juges du second degré ne pouvaient, au bénéfice d'un doute sur les finalités profondes de cette saisie, valider le détournement de procédure flagrant qu'ils constataient et qui avait abouti à la méconnaissance certaine des garanties essentielles des droits de la défense ;
Que dès lors l'arrêt encourt la cassation ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions l'arrêt de la Cour d'appel de Versailles du 5 février 1986 ;
Et pour être jugé conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la Cour d'appel de Paris.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 86-90975
Date de la décision : 02/06/1986
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

IMPOTS ET TAXES - Impôts directs et taxes assimilées - Procédure - Infractions - Constatation - Vérifications ou contrôle - Droit pour le contribuable de se faire assister d'un conseil - Avertissement - Nécessité - Visite domiciliaire prévue par le Code des douanes - Validité (non)

* DROITS DE LA DEFENSE - Impôts directs et taxes assimilées - Procédure - Infractions - Constatation - Vérifications ou contrôle - Droit pour le contribuable de se faire assister d'un conseil - Garantie essentielle

* IMPOTS ET TAXES - Impôts directs et taxes assimilées - Procédure - Infractions - Constatation - Vérifications ou contrôle - Droit pour le contribuable de se faire assister d'un conseil - Droits de la défense - Garantie essentielle

Dès lors qu'une cour d'appel constate qu'une perquisition, opérée suivant la procédure édictée par les articles 64 et 454 du Code des douanes par deux agents des douanes assistés d'un officier de police judiciaire mais accompagnés par deux inspecteurs des impôts, n'avait pas été dictée par un quelconque indice préalable d'une infraction douanière ou cambiaire et qu'elle avait cependant abouti, en violation des formalités prévues par l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, à une saisie de documents comptables n'ayant été utilisés que pour étayer des poursuites fiscales, les juges du fond ne peuvent, au bénéfice d'un doute sur les finalités de la saisie et l'objet véritable de celle-ci, valider un détournement de procédure ayant abouti à la méconnaissance des garanties des droits de la défense du contribuable, telles que spécifiées par l'article L. 47 du Livre des procédures fiscales, dont il appartient à la juridiction répressive d'assurer le respect (1).


Références :

CGI L47
Code des douanes 64, 454

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 05 février 1986

(1) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1980-05-12, bulletin criminel 1980 N° 142 p. 343 (Cassation partielle). Cour de Cassation, chambre criminelle, 1985-06-24, bulletin criminel 1985 N° 246 p. 636 (Rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 02 jui. 1986, pourvoi n°86-90975, Bull. crim. criminel 1986 N° 187 p. 481
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1986 N° 187 p. 481

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Escande, Conseiller doyen faisant fonctions
Avocat général : Avocat général : M. Dontenwille
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Tacchella
Avocat(s) : Avocats : MM. Capron et Foussard.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:86.90975
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