REJET du pourvoi formé par :
- X... Suzanne, partie civile,
agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de présidente de la société " Compagnie européenne des lapidaires " contre un arrêt de la Chambre correctionnelle de la Cour d'appel d'Aix-en-Provence en date du 20 juin 1984, qui, après avoir relaxé Y... Fernande épouse Z... du chef d'usage de marques sans autorisation de leur propriétaire, a débouté la partie civile de sa demande.
LA COUR,
Vu les mémoires produits tant en demande qu'en défense ;
Sur le moyen unique de cassation proposé et pris de la violation des articles 422-2° du Code pénal, 4 de la loi du 31 décembre 1964, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif et manque de base légale ;
" en ce que la Cour d'appel a relaxé Fernande Z... du délit d'usage de marques, sans autorisation de l'intéressé ;
" aux motifs que la loi du 31 décembre 1964 n'assure la protection des marques déposées que si celles-ci présentent certaines caractéristiques et notamment une certaine originalité ; qu'en effet le produit ne doit pas être vendu sous une désignation générique et nécessaire au sens des termes indiquant exclusivement sa qualité essentielle ou sa composition ; que Fernande Z... produit une facture du 26 mai 1982 de la S. A Sovezir (Société pour la diffusion du Zircon) pour justifier de l'origine des produits incriminés ; qu'il est constant que Suzanne X..., qui se livre à une publicité coûteuse pour la marque " Diemlite " a cru devoir utiliser un " D " encadré surmonté d'une couronne, mais que ce procédé ne rend pas une marque valable pour cela ; que la marque " Blue River " présente au contraire une banalité certaine puisque l'oxyde de zirconium cubique synthétique est commercialisé habituellement sous plusieurs appellations et notamment sous les termes " Blue River " d'après la Chambre de commerce et d'industrie (cf. la lettre du 16 décembre 1982 à Fernande Z...) ; qu'au surplus le terme " Diemlite " est l'une des dénominations commerciales habituelles du Y. A. G. (Yttium Aluminium Garnet) ou cristal synthétique ; que Fernande Z..., en faisant usage dans sa vitrine de l'appellation " Blue River " ou en laissant employer le terme " Diamelite " ne peut donc avoir commis l'un des délits prévus par l'article 422-1 et encore moins l'un de ceux prévus par l'article 422-1 ;
" alors que d'une part, le caractère générique ou descriptif d'une marque qui entraîne sa nullité suppose que le terme déposé constitue l'unique moyen de désigner le produit vendu ou bien soit composé exclusivement de termes indiquant la qualité essentielle du produit ; que la Cour, qui se borne à relever que les termes " Diemlite " et " Blue River " constituent l'une des dénominations commerciales habituelles du zirconium, n'a pas, par ces seuls motifs, caractérisé l'absence d'originalité permettant d'écarter le bénéfice des dispositions de la loi du 31 décembre 1964, privant ainsi de base légale sa décision ;
" alors que, d'autre part, la Cour qui, pour leur dénier la qualité de marques, se borne à relever que les termes " Diemlite " et " Blue River " sont à l'heure actuelle employés habituellement parmi d'autres dans le langage commercial pour désigner respectivement le Y. A. G. (cristal synthétique) et l'oxyde de zirconium cubique, sans avoir recherché si au moment des dépôts effectués par la partie civile le 20 mai 1970 et le 3 mai 1977, dates d'appropriation des droits, ces termes ne présentaient pas les caractères d'originalité et de nouveauté susceptibles de leur conférer le bénéfice de la protection au sens de la loi du 31 décembre 1964, n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué, comme du jugement qu'il a confirmé, que courant août 1982, Y... Fernande épouse Z... a mis en vente dans une de ses boutiques des colliers avec l'indication " Blue River sur Vermeil " ; que quelques jours plus tard l'une des préposées de l'intéressée a remis à une cliente qui venait d'acquérir une bague exposée en vitrine comportant une pierre sertie sous l'appellation " Blue River " une carte sur laquelle ce bijou était dit une bague " Diamelite Synthétique sur argent d'une valeur de 490 francs " ;
Attendu que Suzanne X..., propriétaire de la marque " Blue River " pour l'avoir fait enregistrer le 3 juin 1977 à l'Institut national de la propriété industrielle pour une durée de 10 ans, et propriétaire également de la marque " Diemlite " pour l'avoir fait enregistrer le 30 novembre 1972 au même lieu et pour la même durée, marques qu'elle avait fait exploiter par la société " Compagnie européenne des lapidaires ", titulaire d'une licence exclusive, société dont elle était elle-même l'une des dirigeantes, a fait citer Fernande Y... épouse Z... devant le Tribunal correctionnel lui imputant l'usage indu de marques sans autorisation de leur propriétaire, délit prévu et puni par la loi du 31 décembre 1964 et codifié sous l'article 422 alinéa 2 du Code pénal ;
Attendu qu'après avoir noté que Suzanne X... était bien la propriétaire des deux marques litigieuses et ainsi déclaré l'intéressée recevable en son action, les juges du fond, pour relaxer la prévenue Fernande Z... et débouter la partie civile des fins de sa demande, énoncent que la loi du 31 décembre 1964 n'assure la protection des marques déposées que si celles-ci présentent certaines caractéristiques et notamment une certaine originalité ; que tel n'est pas le cas en l'espèce puisque la marque " Blue River " est d'une banalité certaine, l'oxyde de Zirconium cubique synthétique étant commercialisé habituellement sous plusieurs appellations et notamment sous celle ci-dessus rappelée, comme l'atteste la Chambre de commerce et d'industrie de Paris ; qu'au surplus la marque " Diemlite " est l'une des dénominations commerciales habituelles du Y. A. G. (Yttrium Aluminium Garnet) ou cristal synthétique ; qu'ainsi en faisant usage dans sa vitrine ou sur une carte commerciale délivrée dans sa boutique des appellations voisines " Blue River " et " Diamelite ", la prévenue n'avait pas commis l'infraction qui lui était imputée ;
Attendu qu'en cet état, la Cour d'appel, en se plaçant à juste titre au moment des faits délictueux dont elle était saisie, a, sans insuffisance, analysé les dénominations sous lesquelles les pierres ornant les bijoux mis en vente ou vendus avaient été portées à la connaissance du public et des clients, et a, par une appréciation souveraine sur laquelle la Cour de Cassation ne peut exercer son contrôle, dénié tout caractère de nouveauté ou d'originalité aux marques dont Suzanne X... était propriétaire et dont l'usage avait été effectué par la prévenue, Fernande Z... ;
Que, dès lors, le moyen ne saurait être accueilli ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.