Sur le moyen unique, pris, en ses deux premières branches, de la violation des articles L.412-5 et L. 412-13 du Code du travail, résultant de la loi n° 82-915 du 28 octobre 1982 :
Attendu que la Société Les Grands Magasins de la Samaritaine reproche au jugement attaqué d'avoir décidé que les démonstrateurs occupés dans son établissement de la rue de Rivoli, à Paris, devaient être pris en compte pour le calcul de l'effectif de cet établissement, qui comprenait en conséquence plus de 3000 personnes, et que la désignation, en novembre 1982, par le syndicat du Commerce de Paris C.F.D.T., de Fatma X... comme troisième délégué syndical C.F.D.T. était valable, alors, d'une part, qu'à cette époque, les articles L.412-5 et L.412-13 du Code du travail, résultant de la loi n° 82-915 du 28 octobre 1982, n'étaient pas encore applicables, que la situation était régie par les articles L. 412-11 et R. 412-2 dudit Code, dans leur rédaction antérieure à cette loi, et que seuls les salariés de l'entreprise, à l'exclusion des travailleurs mis à sa disposition par une entreprise extérieure, devaient être pris en compte pour le calcul du nombre des délégués syndicaux, et alors, d'autre part, qu'à supposer applicables les nouveaux textes, seuls auraient pu être pris en compte les salariés mis à la disposition de la Samaritaine par une entreprise extérieure, c'est-à-dire les salariés prêtés à titre gratuit par une entreprise extérieure pour travailler au profit exclusif de la Samaritaine au même titre que les salariés de celle-ci, avec lesquels ils auraient eu des intérêts communs justifiant une négociation commune des accords collectifs ; qu'en l'espèce, les démonstrateurs travaillaient au seul profit des fabricants dont ils étaient les salariés en assurant la démonstration des produits fabriqués par leur employeur vendus dans des stands pris en location par les fabricants à la Samaritaine, qu'ils étaient soumis aux Conventions collectives conclues par leur employeur et non pas à la Convention collective de travail entre le groupement d'étude des grands magasins et certains syndicats, du 30 juillet 1955, et qu'ils n'avaient pas d'intérêts communs avec les salariés de la Samaritaine pour la négociation, menée par les délégués syndicaux, des accords auxquels ils n'étaient pas soumis ;
Mais attendu, d'une part, que le tribunal d'instance a exactement décidé que les articles L.412-5 et L.412-13 du Code du travail, résultant de la loi n° 82-915 du 28 octobre 1982, étaient applicables à la contestation de la désignation de Fatma X... comme délégué syndical, intervenue en novembre 1982, dès lors que ces textes, qui avaient été publiés au Journal officiel du 29 octobre 1982, ne contenaient aucune disposition subordonnant leur exécution à un texte d'application et que le nombre des délégués syndicaux est demeuré fixé par l'article R.412-2 dudit Code qui n'a été modifié que par le décret n° 83-470 du 8 juin 1983 ; Que d'autre part, le jugement attaqué relève que les démonstrateurs étaient mis à la disposition de la Samaritaine par des entreprises extérieures, qu'ils exerçaient leur activité exclusivement dans ce grand magasin, que leur présence, à plein temps en son sein, correspondait à la durée totale de leur travail, qu'ils étaient soumis aux mêmes horaires que les autres vendeurs, que les notes de services prises à ce sujet leur étaient applicables, qu'ils devaient " pointer " et que
les chefs de rayon de la Samaritaine étaient responsables de tout manquement à cette obligation, que cette entreprise exerçait à l'égard des démonstrateurs l'essentiel des prérogatives d'un employeur, que le profit provenant de leur activité lui revenait puisqu'ils vendaient, dans les mêmes conditions que ses propres salariés, des produits lui appartenant, sous son contrôle et sur ses seules instructions, qu'ils étaient embauchés et licenciés à sa seule initiative, que leurs niveaux d'emploi et leurs rémunérations dépendaient de la Samaritaine et que c'était elle qui prenait les décisions de création, de modification et de suppression des stands de démonstration ;
Qu'en déduisant de ces constatations que les démonstrateurs étaient des " travailleurs mis à la disposition " de la Samaritaine par des entreprises extérieures, au sens de l'alinéa 3 de l'article L.412-5 du Code du travail, et qu'ils devaient donc être pris en compte dans l'effectif de cette entreprise pour la détermination du nombre des délégués syndicaux, le tribunal d'instance a, sur ce point légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
Rejette les deux premières branches du moyen ;
Mais sur la troisième branche du moyen :
Vu l'alinéa 3 de l'article L.412-5 du Code du travail ;
Attendu que le jugement attaqué a déclaré valable la désignation, par le Syndicat du commerce de Paris C.F.D.T. d'un troisième délégué syndical, aux motifs que le nombre des démonstrateurs à un moment donné correspondait au nombre des stands affectés à une marque au sein de la Samaritaine, qu'il ne variait pas de façon importante et que la pondération du nombre de 583 démonstrateurs par les interruptions de travail éventuelles de certains d'entre eux ne pouvait donner un effectif inférieur à 367 personnes, qui, ajouté aux 2633 salariés de l'entreprise, lui faisait atteindre le seuil de 3000 travailleurs ;
Qu'en statuant ainsi, alors que les travailleurs mis à la disposition d'une entreprise par des entreprises extérieures doivent, en application du texte susvisé, être pris en compte dans l'effectif de l'entreprise au prorata de leur temps de présence dans celle-ci pendant la période de référence de douzdélégué syndical et que le calcul de leur effectif doit être effectué mois par mois, le tribunal d'instance, qui n'a fourni à cet égard aucun élément permettant à la Cour de cassation d'exercer son contrôle, n'a pas donné une base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais uniquement en celles de ses dispositions ayant déclaré que l'établissement de la Samaritaine situé rue de Rivoli à Paris occupait plus de 3000 salariés et que la désignation de Fatma X... comme délégué syndical C.F.D.T. était valable, le jugement rendu le 25 avril 1985, entre les parties, par le tribunal d'instance du sixième arrondissement de Paris