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11/03/1986 | FRANCE | N°84-12940

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 11 mars 1986, 84-12940


Attendu que, suivant acte reçu le 5 octobre 1976 par M. C..., notaire, Jean-Marie Z..., déclarant agir tant en son nom personnel et comme administrateur de la communauté existant avec son épouse, qu'en qualité de mandataire de celle-ci, a reconnu devoir à M. B... et à Mme Y... la somme d'un million de francs, qu'il s'est obligé à rembourser le 5 avril 1977 ; qu'il était stipulé que, pour le cas où la somme ne serait pas remboursée le 5 octobre 1977, Jean-Marie Z... promettait de vendre à M. B... et à Mme Y... dix appartements dépendant d'un immeuble sis à Tourcoing, en compens

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Attendu que, suivant acte reçu le 5 octobre 1976 par M. C..., notaire, Jean-Marie Z..., déclarant agir tant en son nom personnel et comme administrateur de la communauté existant avec son épouse, qu'en qualité de mandataire de celle-ci, a reconnu devoir à M. B... et à Mme Y... la somme d'un million de francs, qu'il s'est obligé à rembourser le 5 avril 1977 ; qu'il était stipulé que, pour le cas où la somme ne serait pas remboursée le 5 octobre 1977, Jean-Marie Z... promettait de vendre à M. B... et à Mme Y... dix appartements dépendant d'un immeuble sis à Tourcoing, en compensation du solde dû à cette date sur le montant du prêt, sans qu'il y ait lieu de faire de compte entre les parties ; qu'en outre, le promettant s'interdisait toute nouvelle location des appartements dont il s'agit ; que Jean-Marie Z... est décédé sans avoir effectué aucun versement, après avoir été déclaré en liquidation des biens ; que M. X..., syndic de cette liquidation a, les 8 et 19 septembre 1977, assigné M. B... et Mme Y... en nullité de la promesse de vente consentie le 5 octobre 1976, en se fondant, à titre principal, sur l'article 742 du Code de procédure civile, subsidiairement sur le fait que le prix n'était ni déterminé, ni déterminable, en violation de l'article 1591 du Code civil ; que Mme Z..., soutenant qu'elle n'avait donné ni mandat à son défunt époux, ni son accord à la promesse de vente, est intervenue dans l'instance pour demander l'annulation de cette convention, en application des articles 1424 et 1427 du Code civil ; que M. B... et Mme Y... se sont prévalus de l'existence d'un mandat apparent donné au mari ; qu'ils ont appelé en la cause le notaire C... afin de le faire déclarer responsable du préjudice par eux subi, pour manquement à son devoir de conseil ; que l'arrêt attaqué a prononcé la nullité de la promesse de vente, sur le fondement de l'article 742 du Code de procédure civile, a décidé que Mme Z... devait être considérée comme un tiers par rapport à l'acte du 5 octobre 1976, puis a condamné le notaire C... à payer à M. B... et à Mme Y... la somme de 50 000 F, à titre de dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que M. B... et Mme Y... font grief à la Cour d'appel d'avoir déclaré nulle la promesse de vente portant sur dix appartements, souscrite le 5 octobre 1976, au motif que se trouve réalisée une formule de définition de garantie et de mise en oeuvre extrajudiciaire de celle-ci qui aboutit à faire échec à la disposition de l'article 742 du Code de procédure civile, alors qu'à défaut de mandat de vendre donné au créancier, la convention litigieuse ne constituait pas une clause de voie parée et qu'ainsi l'article précité aurait été violé ;

Mais attendu que la juridiction du second degré a constaté que, par l'acte du 5 octobre 1976, M. B... et Mme Y... ont consenti un prêt d'un million de francs à M. Z..., lequel a promis de leur vendre dix appartements pour le cas où la somme ne serait pas remboursée le 5 octobre 1977, moyennant un prix égal au montant restant dû à cette dernière date, sans qu'il y ait lieu de faire de comptes entre les parties ; que de ces constatations il résulte que le prix de vente, qui n'était pas déterminé, n'était pas davantage déterminable à la date de l'acte ; que par ce motif de pur droit, la nullité de cette promesse de vente se trouve légalement justifiée et que le moyen ne peut donc être accueilli ;

Rejette le moyen.

Mais sur le deuxième moyen :

Vu l'article 1985 du Code civil ;

Attendu que l'arrêt attaqué, écartant l'existence d'un mandat apparent, a encore décidé que Mme Z..., qui n'était pas partie à l'acte de reconnaissance de dette contenant une promesse de vente, n'était pas tenue par l'engagement de son époux, au motif essentiel que M. B... et Mme Y... auraient pu éviter leur erreur ;

Attendu, cependant, que la juridiction du second degré énonce que, dans l'acte dressé le 5 octobre 1976 par M. C..., notaire, Jean-Marie Z... est notamment présenté comme agissant en qualité de mandataire de son épouse, " en vertu des pouvoirs qu'elle lui a conférés suivant acte reçu par Maître A..., notaire à Roncq " ;

Attendu que ces constatations font apparaître que M. B... et Mme Y... pouvaient légitimement croire aux pouvoirs du mandataire résultant, en apparence, d'une procuration notariée mentionnée dans l'acte litigieux dressé par un officier public, tenu par son devoir de conseil de s'assurer de l'existence de la procuration à laquelle il se réfère et de l'étendue des pouvoirs du mandataire ; que, dès lors, en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et, sur le troisième moyen, pris en sa seconde branche :

Vu l'article 1134 du Code civil ;

Attendu que, pour limiter à la somme de 50 000 F l'évaluation du préjudice résultant de la faute du notaire C... pour manquement à son devoir de conseil, l'arrêt attaqué retient qu'il n'est pas établi que les prêteurs auraient tiré profit de sa mise en garde et qu'il est seulement démontré qu'ils n'ont pas bénéficié de la possibilité d'éviter de conclure le prêt ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi alors que l'acte litigieux précise qu'" il est arrêté entre les parties les conventions suivantes (.) sans lesquelles le prêt qui précède n'aurait pas eu lieu ", la Cour d'appel a dénaturé la convention et violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE et ANNULE, mais seulement en ce qu'il a écarté l'existence d'un mandat apparent donné par Mme Z... à son époux, et en ce qu'il a limité à la somme de 50 000 F la condamnation de M. C..., notaire, l'arrêt rendu le 15 février 1984, entre les parties, par la Cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel d'Amiens


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 84-12940
Date de la décision : 11/03/1986
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

1° VENTE - Prix - Fixation - Indétermination - Promesse consentie par un emprunteur à son prêteur - Montant du prêt restant dû à la date de l'échéance.

1° PRET - Prêt d'argent - Promesse de vente - Promesse consentie par l'emprunteur au prêteur - Nullité - Prix de vente ni déterminé ni déterminable à la date de l'acte - 1° VENTE - Promesse de vente - Immeuble - Promesse consentie par un emprunteur à son prêteur.

1° Est nulle la promesse de vente consentie en contrepartie d'un prêt pour le cas où celui ci ne serait pas remboursé à son échéance, moyennant un prix égal au montant restant dû à la date de cette échéance, sans qu'il y ait lieu de faire de comptes entre les parties, dès lors que le prix de vente, qui n'était pas déterminé, n'était pas davantage déterminable à la date de l'acte.

2° MANDAT - Mandataire apparent - Engagement du mandant - Conditions - Croyance légitime du tiers - Circonstances autorisant celui-ci à ne pas vérifier les pouvoirs du mandataire apparent.

2° APPARENCE - Mandat - Mandant - Engagement - Conditions - Croyance légitime du tiers - Communauté entre époux - Emprunt contracté par le mari - Acte notarié faisant référence à une procuration donnée par l'épouse - 2° OFFICIERS PUBLICS OU MINISTERIELS - Notaire - Responsabilité - Rédaction des actes authentiques - Obligation de vérifier l'existence de la procuration à laquelle il se réfère et l'étendue des pouvoirs du mandataire.

2° Dès lors que dans un acte dressé par un officier public, tenu par son devoir de conseil de s'assurer de l'existence de la procuration à laquelle il se réfère et de l'étendue des pouvoirs du mandataire, l'emprunteur est présenté comme agissant en qualité de mandataire de son épouse en vertu d'une procuration notariée, les prêteurs ont pu légitimement croire aux pouvoirs de ce mandataire.


Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Douai, 15 février 1984

A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre civile 1, 1961-12-26, bulletin 1961 I N° 622 p. 493 (Cassation). Cour de Cassation, chambre civile 3, 1971-01-14, bulletin 1971 III N° 30 p. 20 (Rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 11 mar. 1986, pourvoi n°84-12940, Bull. civ. 1986 I N° 67 p. 63
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1986 I N° 67 p. 63

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Joubrel -
Avocat général : Avocat général : M. Rocca -
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Camille Bernard -
Avocat(s) : Avocats : La Société civile professionnelle Labbé et Delaporte, la Société civile professionnelle Nicolas, Massé-Dessen et Georges et la Société civile professionnelle Boré et Xavier

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:84.12940
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