La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

10/03/1986 | FRANCE | N°85-91242

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 10 mars 1986, 85-91242


ANNULATION PARTIELLE par voie de retranchement et sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X... François,
contre l'arrêt de la chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Colmar, en date du 14 janvier 1985, qui l'a condamné, pour délit en matière de facturation et pour banqueroute simple et frauduleuse, aux peines de quinze mois d'emprisonnement avec sursis et de 20 000 francs d'amende ;
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation proposé et pris de la violation des articles 46 et 56 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945, 39 de l'ordonn

ance 45-1484 du 30 juin 1945, 593 du Code de procédure pénale, défaut d...

ANNULATION PARTIELLE par voie de retranchement et sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X... François,
contre l'arrêt de la chambre correctionnelle de la Cour d'appel de Colmar, en date du 14 janvier 1985, qui l'a condamné, pour délit en matière de facturation et pour banqueroute simple et frauduleuse, aux peines de quinze mois d'emprisonnement avec sursis et de 20 000 francs d'amende ;
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation proposé et pris de la violation des articles 46 et 56 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945, 39 de l'ordonnance 45-1484 du 30 juin 1945, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré François X... coupable d'achats sans facture ;
" aux motifs qu'il est établi et non contesté que " Eriman Menager Strasbourg " se faisait livrer par son fournisseur Juvens, par l'intermédiaire de son entreprise fictive " Eriman Menager Paris " des marchandises moyennant paiement par traites escomptées par la Discount Bank, sur le compte d'Eriman Menager Paris ouvert au nom de Mme Y... ; que les marchandises vendues à de nombreux clients par Eriman Strasbourg étaient directement payées par virement automatique du compte de ces clients sur celui ouvert à la Discount Bank ; que, pour la période du 1er octobre 1977 au 12 juillet 1980, le montant total des achats sans facture s'élevait à la somme de 968 712 F ;
" alors que l'obligation de conserver et présenter les factures n'incombe qu'à l'acheteur ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations de l'arrêt attaqué que le paiement des marchandises était effectué par traites escomptées par la Discount Bank, et qu'ainsi François X..., gérant de fait, n'avait pas l'obligation de conserver les factures, laquelle obligation n'incombe qu'à l'acheteur " ;
Attendu qu'il appert des motifs de l'arrêt attaqué et de ceux du jugement qu'il adopte que la Cour d'appel, pour déclarer François X... coupable d'infractions aux règles de la facturation, par application des articles 46 et 48 de l'ordonnance n° 45-1483 du 30 juin 1945, énonce que le prévenu, en sa qualité de dirigeant de fait qu'il ne conteste pas, reconnaît avoir fait directement livrer à son entreprise de Strasbourg des marchandises destinées à la revente et dont les factures étaient établies, par le fournisseur, au nom d'une entreprise fictive présentée comme ayant son siège à Paris mais dont la seule fonction " était de permettre à celle de Strasbourg de s'approvisionner sans comptabiliser les achats correspondants " ;
Attendu que les juges ont, ainsi, caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit poursuivi, sans encourir les griefs allégués par le demandeur ;
Que le moyen doit, dès lors, être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation proposé et pris de la violation des articles 129 de la loi du 13 juillet 1967, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale,
" ce que l'arrêt attaqué a déclaré le prévenu coupable du délit assimilé à la banqueroute frauduleuse par détournement d'actif ;
" aux motifs qu'il est uniquement reproché au demandeur d'avoir, le 19 novembre 1980, donné des instructions à l'entreprise de déménagement " Transport des Ternes " de procéder à l'enlèvement du mobilier situé ..., siège de l'entreprise et domicile des prévenus, pour y être entreposé dans un grand immeuble à Paris ; que ces meubles, qui ont été effectivement enlevés, ont été retrouvés à Paris et mis à la disposition du syndic ; qu'il est établi que seul le mobilier d'appartement a été déménagé, mais que celui-ci se trouvait dans les lieux loués par Eric X..., sans qu'aucune pièce du dossier ne prouve qu'il appartenait à François X... ; que ce dernier ne conteste pas sa qualité de commerçant de fait ;
" alors, d'une part, que le délit assimilé à la banqueroute frauduleuse par détournement d'actif vise uniquement le commerçant en état de cessation des paiements ; qu'en l'espèce, en se bornant à constater la qualité de commerçant de fait de François X... pour entrer en répression, la Cour d'appel a violé l'article 129 § 2 de la loi du 13 juillet 1967 ;
" alors, d'autre part, que le délit assimilé à la banqueroute frauduleuse par détournement d'actif implique une dissipation volontaire d'un élément de patrimoine social ; qu'en l'espèce la Cour d'appel, qui se borne à constater que le prévenu a fait procéder à l'enlèvement de mobilier se trouvant à son domicile et au siège de l'entreprise, pour y être entreposé dans un grand immeuble à Paris, sans établir qu'il s'agissait d'un élément du patrimoine social, ni caractériser un acte positif de disposition, n'a pas légalement justifié sa décision " ;
Attendu qu'il résulte des motifs de l'arrêt attaqué et de ceux du jugement qu'il adopte que la Cour d'appel, pour déclarer François X... coupable de banqueroute frauduleuse par détournement d'actif au sens de l'article 129 de la loi du 13 juillet 1967 alors applicable, a caractérisé sans insuffisance la qualité de commerçant, personne physique, du prévenu ainsi que son état de cessation des paiements et le détournement, qui lui était reproché, de biens mobiliers constituant le gage de ses créanciers ;
Que, dès lors, le moyen, en ce qu'il fait grief aux juges de n'avoir pas constaté les éléments constitutifs du délit de détournement d'actif assimilé à la banqueroute frauduleuse et propre aux dirigeants sociaux, mais non retenu en l'espèce à la charge du demandeur, est inopérant et ne peut qu'être écarté ;
Mais sur le moyen de cassation relevé d'office et pris de l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1986, de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises, notamment en ses articles 3, 196, 197, 240 et 243 ;
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'en l'absence de dispositions contraires expresses, une loi nouvelle qui abroge une incrimination s'applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et non encore définitivement jugés ;
Attendu que François X... a été déclaré coupable, d'une part, du délit de banqueroute frauduleuse par détournement d'actif, au sens de l'article 129 de la loi du 13 juillet 1967 applicable à l'époque des faits ; que, si ce texte a été abrogé, à compter du 1er janvier 1986, par l'article 238 de la loi du 25 janvier 1985, il demeure qu'en application des dispositions combinées des articles 3 et 197 de cette dernière loi le détournement de son actif par un commerçant en état de cessation des paiements est toujours punissable, dans la limite des peines maximales prévues par l'article 402 nouveau du Code pénal, supérieures à celles auxquelles le prévenu a été condamné ; que, par ailleurs, si le délit de banqueroute par détournement d'actif, tel que défini par l'article 197 (2°) de la loi du 25 janvier 1985, suppose qu'une procédure de redressement judiciaire ait été ouverte contre le débiteur, il s'agit là d'une condition préalable à l'exercice de l'action publique, constitutive d'une règle de procédure qui ne saurait avoir d'effet sur les poursuites régulièrement engagées avant son entrée en vigueur ; qu'ainsi les faits de détournement d'actif poursuivis, bien que commis sous l'empire de dispositions abrogées de la loi du 13 juillet 1967, entrent dans les prévisions de la loi du 25 janvier 1985 et justifient la condamnation prononcée, au regard de l'une et l'autre de ces deux lois ;
Mais attendu que le demandeur a été, d'autre part, retenu dans les liens de la prévention, du chef de banqueroute simple par non-déclaration de son état de cessation des paiements et tenue irrégulière de compabilité, en application des articles 128 (3°) et 128 (5°) de la loi du 13 juillet 1967, pour des faits commis au cours des années 1977 à 1980 ; que ces textes ont été abrogés, à compter du 1er janvier 1986, par l'article 238 susvisé de la loi du 25 janvier 1985, laquelle ne contient aucune incrimination pénale applicable aux faits poursuivis ;
Que, dès lors, conformément au principe sus-énoncé, l'arrêt attaqué doit être annulé de ce dernier chef, les peines prononcées étant toutefois justifiées par les autres délits dont François X... a été à bon droit déclaré coupable ;
Par ces motifs, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le deuxième moyen de cassation proposé :
ANNULE l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Colmar du 14 janvier 1985, mais par voie de retranchement et en ses seules dispositions portant condamnation de François X... pour banqueroute simple par non-déclaration de l'état de cessation des paiements dans le délai légal et tenue irrégulière de comptabilité, toutes autres dispositions dudit arrêt étant maintenues ;
DIT n'y avoir lieu a renvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 85-91242
Date de la décision : 10/03/1986
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° LOIS ET REGLEMENTS - Abrogation - Instance en cours - Extinction de l'action publique.

BANQUEROUTE - Banqueroute simple - Délits assimilés à la banqueroute simple - Paiement préférentiel d'un créancier au préjudice de la masse - Abrogation par la loi du 25 janvier 1985 - Instance en cours - Portée - * BANQUEROUTE - Banqueroute simple - Délits assimilés à la banqueroute simple - Tenue d'une comptabilité irrégulière - Abrogation par la loi du 25 janvier 1985 - Instance en cours - Portée.

1°, 2° et 3°) Une loi nouvelle qui abroge une incrimination s'applique aux faits commis avant son entrée en vigueur et non encore définitivement jugés. Tel est le cas de la non-déclaration d'un état de cessation des paiements dans le délai légal, de la tenue d'une comptabilité irrégulière ou incomplète ou du paiement préférentiel d'un créancier, constitutifs du délit de banqueroute simple ou du délit assimilé au sens des articles 128 (3°, 5° et 6°) et 131 (3°, 5° et 6°) de la loi du 13 juillet 1967 qui ont été abrogés, à compter du 1er janvier 1986, par l'article 238 (2°) de la loi du 25 janvier 1985 relative au redressement et à la liquidation judiciaires des entreprises. Les condamnations prononcées de ces chefs et non encore définitives au 1er janvier 1986, comme faisant l'objet d'un pourvoi en cassation, doivent être annulées d'office et sans renvoi - le cas échéant par voie de retranchement seulement, lorsque la peine est justifiée par les autres délits dont le prévenu a été à bon droit déclaré coupable (1).

2° PEINES - Peine justifiée - Cassation - Annulation par voie de retranchement - Pluralité d'infractions - Loi pénale nouvelle - Abrogation d'une partie des infractions - Peine prononcée entrant dans les prévisions des textes en vigueur.

3° CASSATION - Annulation - Annulation par voie de retranchement - Peines - Banqueroute - Banqueroute simple - Abrogation de certaines incriminations - Instance en cours - Portée.

4° LOIS ET REGLEMENTS - Application dans le temps - Lois de forme ou de procédure - Rétroactivité - Poursuites en cours - Banqueroute - Ouverture d'une procédure de redressement judiciaire - Portée.

BANQUEROUTE - Banqueroute frauduleuse - Cas - Détournement d'actif - Loi pénale nouvelle - Application dans le temps de la loi du 25 janvier 1985 - Loi de procédure - Ouverture d'une procédure de redressement judiciaire - Instance en cours - Portée BANQUEROUTE - Banqueroute simple - Délits assimilés à la banqueroute simple - Emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds - Loi pénale nouvelle - Application dans le temps de la loi du 25 janvier 1985 - Loi de procédure - Ouverture d'une procédure de redressement judiciaire - Instance en cours - Portée BANQUEROUTE - Banqueroute simple - Mandataires sociaux - Détournement ou dissimulation du patrimoine personnel - Loi pénale nouvelle - Application dans le temps de la loi du 25 janvier 1985 - Loi de procédure - Ouverture d'une procédure de redressement judiciaire - Instance en cours - Portée.

4° 5° et 6°) En revanche, bien que commis avant le 1er janvier 1986, le détournement d'actif - constitutif du délit de banqueroute frauduleuse ou du délit assimilé - ainsi que l'emploi de moyens ruineux pour se procurer des fonds - constitutif du délit de banqueroute simple ou du délit assimilé - tels qu'ils étaient prévus par les articles 129 (2°), 133 (2°), 127 (3°) et 131 (2°) de la loi du 13 juillet 1967, abrogés par l'article 238 de la loi du 25 janvier 1985, entrent dans les prévisions de l'article 197 de cette dernière loi et demeurent ainsi punissables, dans la limite des peines maximales fixées par l'article 402 nouveau du Code pénal. Il en est de même du délit de détournement de leur patrimoine personnel par des dirigeants sociaux, assimilé à la banqueroute simple par l'article 132 de la loi du 13 juillet 1967 dont les dispositions sont reprises dans l'article 209 de la loi du 25 janvier 1985. En effet, si le nouveau délit de banqueroute, défini par l'article 197 susvisé de la loi du 25 janvier 1985, comme le délit que prévoit son article 209, supposent qu'une procédure de redressement judiciaire ait été ouverte contre le débiteur, il ne s'agit là que d'une condition préalable à l'exercice de l'action publique et d'une règle de procédure sans effet sur les poursuites régulièrement engagées avant son entrée en vigueur (2).

5° ACTION PUBLIQUE - Mise en mouvement - Banqueroute - Délits définis par la loi du 25 janvier 1985 - Condition - Ouverture d'une procédure de redressement judiciaire.

6° PEINES - Peine justifiée - Loi pénale nouvelle - Incrimination ancienne susceptible de tomber sous le coup des dispositions nouvelles - Peine prononcée entrant dans les prévisions des deux textes.


Références :

Code pénal 402
Loi du 13 juillet 1967 128-3, 128-5, 129, 131-3, 131-6 Loi 1985-01-25 3, 197, 197-1, 197-2, 209, 238, 243

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar, 14 janvier 1985

(1) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1986-02-03, bulletin criminel 1986 N° 41 p. 97 (annulation sans renvoi). (2) A RAPPROCHER : Cour de Cassation, chambre criminelle, 1971-06-10, bulletin criminel 1971 N° 187 p. 469 (Rejet). Cour de Cassation, chambre criminelle, 1967-05-24, bulletin criminel 1967 N° 162 p. 380 (Cassation partielle).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 10 mar. 1986, pourvoi n°85-91242, Bull. crim. criminel 1986 N° 97 p. 247
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1986 N° 97 p. 247

Composition du Tribunal
Président : Président : M. More, conseiller le plus ancien faisant fonctions -
Avocat général : Avocat général : M. Dontenwille.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Le Gunehec
Avocat(s) : Avocats : M. Choucroy

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1986:85.91242
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award