Sur le moyen unique, pris en ses première et troisième branches :
Vu l'article 2 de la loi du 14 juillet 1819 ;
Attendu que ce texte permet à l'héritier français de prélever, sur les biens de la succession situés en France, une portion égale à la valeur des biens situés à l'étranger dont il est exclu, à quelque titre que ce soit, en vertu des lois et coutumes locales ; que ce droit de prélèvement peut s'exercer sur les biens donnés, situés en France et qui, selon le droit français, auraient pu faire l'objet d'une action en réduction pour atteinte à la réserve si l'ensemble de la succession avait été régi par la loi française ;
Attendu que Soni Holzberg, de nationalité italienne, domicilié dans l'Etat de New York, est décédé le 22 mars 1983, laissant comme seule héritière en ligne directe sa fille, Mme Monique Z... épouse Y..., de nationalité française, domiciliée à Paris ; que, par testament du 19 janvier 1983 établi conformément à la loi de l'Etat de New York, Soni Holzberg avait institué sa soeur, Mme Sylvia A..., et son frère, M. Elie Z..., légataires universels de ses biens, après avoir constitué à Vaduz (Liechtenstein) une fondation dont l'objet statutaire était la gestion des fonds qui lui seraient remis, le fondateur s'en réservant cependant la libre disposition de son vivant ; que le règlement intérieur de la Fondation contenait une clause prévoyant qu'au décès de Soni Holzberg, les fonds disponibles seraient répartis en parts égales entre ses trois soeurs Mmes Sylvia A..., Victoria X... et Rosie Aussibel ; que, peu après le décès de Soni Holzberg, le conseil d'administration de la Fondation a donné l'ordre d'opérer le transfert des fonds disponibles de la Fondation sur les comptes que les trois soeurs du défunt avaient ouverts à leurs noms dans un établissement bancaire de Paris ; que Mme Y..., dument autorisée par ordonnance judiciaire du 24 octobre 1983, a alors fait pratiquer des saisies-arrêts sur les comptes bancaires dont ses tantes étaient titulaires à Paris pour sûreté de sa créance représentée par le montant de la réserve que la loi française lui attribue dans la succession de son père ;
Attendu que, pour rétracter l'ordonnance du 24 octobre 1983 et ordonner la mainlevée des saisies-arrêts pratiquées par Mme Y..., l'arrêt attaqué retient qu'en admettant même que la Fondation puisse s'analyser en une donation à cause de mort de son actif disponible, seule des trois bénéficiaires de celle-ci Mme Sylvia A... figure comme légataire dans la succession régie par la loi américaine, qu'il n'est pas contesté que la Fondation a été valablement constituée selon la loi compétente de son siège et que selon cette même loi elle est dotée d'une personnalité juridique distincte de celle de son fondateur, ayant un patrimoine propre qui a pu être transféré aux bénéficiaires désignés par le règlement intérieur de sorte qu'il n'apparaît pas que la condition première d'un concours successoral, requise pour l'application de la loi du 14 juillet 1819, se trouve remplie et qu'ainsi Mme Y... ne justifie pas d'une créance certaine en son principe sur le fondement de l'article 2 de cette loi ;
Attendu cependant que, si, comme l'arrêt attaqué l'a retenu, la loi de l'Etat de New York ne prévoit pas de réserve successorale, Mme Y..., héritière française, n'en était pas moins fondée à utiliser le droit de prélèvement sur les fonds litigieux ; qu'en effet selon les constatations mêmes de l'arrêt attaqué, ces fonds, s'ils avaient été affectés à une personne morale distincte pour être remis au jour du décès de Soni Holzberg, leur propriétaire, aux trois bénéficiaires qu'il avait désignées, étaient demeurés à la seule disposition de celui-ci sa vie durant ; que ces fonds faisaient donc partie de la masse de biens devant servir au calcul de la réserve héréditaire de sa fille, Mme Y..., et pouvaient être l'objet d'une action en réduction ;
Qu'ainsi, il existait un véritable concours successoral entre Mme Y... et ses trois tantes, en raison duquel Mme Y... justifiait d'un principe certain de créance permettant les saisies-arrêts ; qu'en décidant le contraire, la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la deuxième branche du moyen,
CASSE et ANNULE l'arrêt rendu le 12 juillet 1984, entre les parties, par la Cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Versailles