CASSATION sans renvoi sur le pourvoi formé par :
- X... Jean-François,
contre un arrêt de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Colmar, en date du 10 octobre 1985, qui, dans une procédure suivie contre lui des chefs d'usage illicite de stupéfiants, trafic simple et infraction douanière, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction prolongeant sa détention pour une durée de quatre mois ;
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles 118, 145, 145-1, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
" en ce que la Chambre d'accusation confirme l'ordonnance ayant prolongé au-delà d'une année la détention de l'inculpé Jean-François X... ;
" aux motifs que " le procès-verbal des débats mentionne que Maître Venturelli, conseil de l'inculpé, avisé ce jour téléphoniquement de la présente audience, n'a pu se déplacer ; que si la présence du conseil aux côtés de l'inculpé est un droit absolu de celui-ci, elle n'est jamais une obligation ; que le droit judiciaire pénal ne proscrit pas le mode de convocation par téléphone ainsi qu'en font foi les dispositions des alinéas 4 et 7 de l'article 145 du Code de procédure pénale dans la rédaction qui est la leur depuis la loi du 9 juillet 1984 ; que ce serait ajouter à la loi que de déduire de l'absence de référence à l'article 145-1 § 3 du Code de procédure pénale à l'alinéa 4 de l'article 145 du même Code, que la convocation du conseil de l'inculpé à l'audience prévue par le premier de ces textes doit obéir aux dispositions de l'article 118 du Code de procédure pénale ; que la comparution de l'inculpé, dont l'objet est limité à la détention, n'entre pas dans les prévisions de cet article, qui, sauf exception, ne concerne que les interrogatoires et les confrontations ; qu'en l'absence de toute prescription formelle contraire, le mode de convocation utilisé doit être tenu pour régulier ; que la loi n'ayant pas davantage fixé le délai minimum de convocation, et aucun moyen n'étant pris nettement d'une éventuelle violation des droits de la défense et n'apparaissant pouvoir être tiré utilement, soit des principes généraux du droit, soit des dispositions de l'article 6 n° 3B de la Convention européenne des droits de l'homme, force est de considérer comme valable la décision ayant abouti à la décision déférée " (v. arrêt attaqué, p. 2 et 3) ;
" alors que, il résulte de la combinaison des articles 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, 118, 145 et 145-1 du Code de procédure pénale que la prolongation de la détention de l'inculpé au-delà d'un an doit être précédée d'un débat contradictoire au cours duquel le juge d'instruction entend les observations de l'inculpé et le cas échéant celles de son conseil, lequel doit avoir été convoqué au plus tard quatre jours ouvrables avant l'audience de cabinet par lettre recommandée ou par un avis qui lui est remis contre récépissé, et avoir été mis en mesure de prendre connaissance du dossier de la procédure deux jours ouvrables au plus tard avant ladite audience ; qu'en l'espèce, il résulte des propres constatations opérées par la Chambre d'accusation que, avant l'audience de cabinet, le conseil de l'inculpé n'a pas été convoqué ni reçu communication du dossier de la procédure dans les termes des dispositions susvisées, et que lors de ladite audience, le conseil n'a pas été en mesure de présenter ses observations dans l'intérêt de l'inculpé, lequel n'a pas déclaré renoncer au bénéfice de ce droit constitutionnel de la défense ; que, dès lors, en confirmant l'ordonnance entreprise, la Chambre d'accusation a violé les textes et principes susvisés ; "
Vu lesdits articles ;
Attendu qu'il résulte de l'article 145-1 alinéa 3 du Code de procédure pénale, qui renvoie seulement aux dispositions des 1er et 5e alinéas de l'article 145 de ce Code, que le juge d'instruction, appelé à statuer sur la prolongation de la détention de l'inculpé au-delà d'un an, doit, si celui-ci a fait le choix d'un conseil, observer les dispositions des alinéas 2 et 3 de l'article 118 du Code susvisé ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure que X... a été placé sous mandat de dépôt le 11 septembre 1984 sous les inculpations d'usage illicite de stupéfiants, trafic simple et infraction douanière, et que sa détention a été prolongée jusqu'au 11 septembre 1985 ;
Attendu que pour maintenir les effets de cette mesure au-delà d'un an le juge d'instruction a avisé téléphoniquement le conseil de X... le 10 septembre 1985 qu'il organisait le jour même le débat contradictoire exigé par l'alinéa 3 de l'article 145-1 du Code de procédure pénale ;
Attendu que cet avocat n'ayant pu se déplacer, le juge d'instruction a néanmoins rendu, après avoir entendu le Ministère public et l'inculpé, une ordonnance prolongeant la détention provisoire pour une durée de quatre mois ;
Attendu que pour confirmer cette ordonnance, la Chambre d'accusation énonce qu'en l'absence de toute prescription formelle contraire, le mode de convocation du conseil de l'inculpé doit être tenu pour régulier ;
Mais attendu qu'en statuant ainsi les juges ont méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs,
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la Chambre d'accusation de la Cour d'appel de Colmar en date du 10 octobre 1985 ;
DIT que la détention a cessé d'être régulière à compter du 11 septembre 1985 à 0 heure ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi.