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02/10/1985 | FRANCE | N°84-13136

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 02 octobre 1985, 84-13136


SUR LE PREMIER MOYEN, PRIS EN SES TROIS BRANCHES : ATTENDU QU'APRES DIVORCE DES EPOUX Z...- Y..., QUI ETAIENT MARIES SOUS LE REGIME DE LA SEPARATION DE BIENS, MME Y... A SOLLICITE L'ATTRIBUTION PREFERENTIELLE DE L'IMMEUBLE QUE, PENDANT LE MARIAGE, LES EPOUX AVAIENT ACQUIS INDIVISEMENT ;

QUE M. Z... A SOUTENU QUE LE FINANCEMENT PAR LUI SEUL DE CETTE ACQUISITION CONSTITUAIT UNE DONATION DEGUISEE, DONT IL DEMANDAIT L'ANNULATION ;

ATTENDU QUE MME Y... FAIT GRIEF A L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE D'AVOIR ESTIME QU'IL Y AVAIT EU DONATION DEGUISEE DONT LA NULLITE DEVAIT ETRE PRONONCEE PAR

APPLICATION DE L'ARTICLE 1099 ALINEA 2 DU CODE CIVIL, ALOR...

SUR LE PREMIER MOYEN, PRIS EN SES TROIS BRANCHES : ATTENDU QU'APRES DIVORCE DES EPOUX Z...- Y..., QUI ETAIENT MARIES SOUS LE REGIME DE LA SEPARATION DE BIENS, MME Y... A SOLLICITE L'ATTRIBUTION PREFERENTIELLE DE L'IMMEUBLE QUE, PENDANT LE MARIAGE, LES EPOUX AVAIENT ACQUIS INDIVISEMENT ;

QUE M. Z... A SOUTENU QUE LE FINANCEMENT PAR LUI SEUL DE CETTE ACQUISITION CONSTITUAIT UNE DONATION DEGUISEE, DONT IL DEMANDAIT L'ANNULATION ;

ATTENDU QUE MME Y... FAIT GRIEF A L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE D'AVOIR ESTIME QU'IL Y AVAIT EU DONATION DEGUISEE DONT LA NULLITE DEVAIT ETRE PRONONCEE PAR APPLICATION DE L'ARTICLE 1099 ALINEA 2 DU CODE CIVIL, ALORS, SELON LE MOYEN, D'UNE PART, QUE LA COUR D'APPEL A LAISSE SANS REPONSE LE MOYEN ENONCE DANS SES CONCLUSIONS ET PRIS DE CE QUE LA REMUNERATION DE L'ACTIVITE DEPLOYEE PAR L'EPOUSE AU FOYER AVAIT ETE LA CAUSE DES VERSEMENTS FAITS PAR LE MARI AU NOM DE SA FEMME A L'OCCASION DE L'ACHAT INDIVIS DE L'IMMEUBLE LITIGIEUX, ALORS, D'AUTRE PART, QU'EN SE BORNANT A RELEVER QUE LE FAIT QUE LE PRIX, INDIQUE DANS L'ACTE D'ACHAT COMME PAYE A L'AIDE DE DENIERS PROPRES A CHACUN DES EPOUX, AIT ETE EN REALITE REGLE AVEC DES FONDS FOURNIS PAR LE MARI SEUL, N'EMPORTE AUCUNE PRESOMPTION LEGALE DE LIBERALITE ET QUE LA JURIDICTION DU SECOND DEGRE, QUI N'A PAS RETENU QUE M. Z... FAISAIT LA PREUVE DE SON INTENTION LIBERALE, N'A PAS DONNE DE BASE LEGALE A SA DECISION, ET ALORS, ENFIN, QU'IL APPARTENAIT A M. Z..., DEMANDEUR EN NULLITE, D'ETABLIR QUE L'ACQUISITION IMMOBILIERE PROCEDAIT DE SA PART D'UNE INTENTION LIBERALE A L'EGARD DE SON EPOUSE ;

QU'EN RETENANT QUE CELLE-CI N'ETABLISSAIT PAS QUE SON TRAVAIL AU FOYER ET SES PRIVATIONS AVAIENT PERMIS DE DEGAGER LES RESSOURCES NECESSAIRES POUR REALISER L'ACQUISITION, LA COUR D'APPEL AURAIT INVERSE LA CHARGE DE LA PREUVE ET VIOLE L'ARTICLE 1315 DU CODE CIVIL ;

MAIS ATTENDU, D'ABORD, QUE SI L'ACTIVITE DE L'EPOUX SEPARE DE BIENS DANS LA GESTION DU MENAGE ET LA DIRECTION DU FOYER PEUT QUAND, EN RAISON DE SON IMPORTANCE EXCEDANT LA CONTRIBUTION AUX CHARGES DU MARIAGE ET DE SA QUALITE, ELLE A ETE POUR SON CONJOINT UNE SOURCE D'ECONOMIES, CONSTITUER LA CAUSE DE VERSEMENTS DE FONDS FAITS PAR CELUI-CI AU NOM DUDIT EPOUX A L'OCCASION D'ACHATS DE BIENS FAITS INDIVISEMENT PAR LES DEUX, EN L'ESPECE LES CONCLUSIONS DE MME Y... N'ONT JAMAIS ALLEGUE DE CIRCONSTANCES DE CETTE NATURE DE SORTE QUE LE GRIEF DE DEFAUT DE REPONSE VISE PAR LA PREMIERE BRANCHE DU MOYEN EST SANS FONDEMENT ;

ATTENDU, ENSUITE, QU'APPRECIANT SOUVERAINEMENT LES ELEMENTS FOURNIS PAR LE RAPPORT D'EXPERTISE JUDICIAIRE ET LES FAITS DE LA CAUSE, LA COUR D'APPEL A ESTIME, SANS AVOIR RECOURS A UNE QUELCONQUE PRESOMPTION LEGALE, QUE M. Z..., QUI AVAIT PAYE PERSONNELLEMENT LA TOTALITE DE L'ACQUISITION DE L'IMMEUBLE, AVAIT CONSENTI A SA FEMME UNE REMISE DE DENIERS QUI AVAIT ETE INSPIREE PAR UNE INTENTION LIBERALE, JUSTIFIANT AINSI LEGALEMENT LA QUALIFICATION DE DONATION DEGUISEE QU'ELLE A RETENUE ;

ET ATTENDU, ENFIN, QUE, PAR LE MOTIF QUE VISE LA TROISIEME BRANCHE DU MOYEN, LA JURIDICTION DU SECOND DEGRE S'EST BORNEE A EXPRIMER QUE MME Y... N'ETABLISSAIT PAS QUE L'ACTIVITE QU'ELLE AVAIT DEPLOYEE AU FOYER ET LES PRIVATIONS PAR ELLE ALLEGUEES AIENT PERMIS UN ACCROISSEMENT DES ECONOMIES QUI AURAIT PU CONSTITUER LA CAUSE DE CES VERSEMENTS DE FONDS ;

QUE LE GRIEF D'INVERSION DE CHARGE DE LA PREUVE EST DONC DEPOURVUE DE FONDEMENT ;

QU'AINSI, EN AUCUNE DE SES TROIS BRANCHES, LE MOYEN NE PEUT ETRE ACCUEILLI ;

SUR LE SECOND MOYEN : ATTENDU QUE MME Y... SOUTIENT ENCORE QU'EN DECIDANT QUE FAUTE PAR ELLE DE PAYER A M. Z... LE PRIX ACTUEL DE L'IMMEUBLE DANS SA TOTALITE, DANS LE MOIS SUIVANT LA SIGNIFICATION DE L'ARRET, L'ATTRIBUTION PREFERENTIELLE DE CE BIEN DONT ELLE BENEFICIAIT SERAIT TRANSFEREE DE DROIT A M. Z..., L'ARRET ATTAQUE A ASSORTI D'UNE CAUSE DE DECHEANCE, QUE LA LOI NE PREVOIT PAS, LE DROIT A L'ATTRIBUTION PREFERENTIELLE RECONNU A L'EPOUSE DIVORCEE, ET A VIOLE L'ARTICLE 1542 DU CODE CIVIL ;

MAIS ATTENDU QUE L'ATTRIBUTION PREFERENTIELLE OBTENUE PAR MME Y... ETAIT FACULTATIVE ET QU'IL ETAIT LOISIBLE, EN L'ESPECE, AU JUGE D'EN SUBORDONNER LE BENEFICE AU PAIEMENT DANS UN DELAI PAR LUI FIXE DE LA TOTALITE DE LA VALEUR DE L'IMMEUBLE ;

QU'EN EFFET, MME Y... ETAIT TENUE DE PAYER, D'UNE PART, LA MOITIE DE LA VALEUR DE L'IMMEUBLE A TITRE DE RESTITUTION DES DENIERS SUR LESQUELS PORTAIT, EN VERTU DE L'ARTICLE 1099-1 DU CODE CIVIL, LA DONATION DEGUISEE QUI ETAIT ANNULEE ET, D'AUTRE PART, L'AUTRE MOITIE A TITRE DE SOULTE, LAQUELLE EST, SAUF ACCORD AMIABLE DES COPARTAGEANTS, PAYABLE COMPTANT ;

ATTENDU QU'IL SUIT DE LA QUE CETTE ATTRIBUTION PREFERENTIELLE N'ENTRAIT PAS UNIQUEMENT DANS UNE OPERATION DE PARTAGE PUISQUE LA BENEFICIAIRE NE POUVAIT L'OBTENIR QU'APRES REMBOURSEMENT PAR ELLE DES DENIERS RECUS A TITRE GRATUIT ET QUE LES JUGES QUI L'ACCORDAIENT POUVAIENT DONC PRENDRE TOUTE MESURE EFFICACE POUR EN FAIRE RESPECTER PAR L'ATTRIBUTAIRE LES OBLIGATIONS LEGALES QUI S'IMPOSAIENT A ELLE ;

QUE LE MOYEN N'EST DONC PAS FONDE ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 84-13136
Date de la décision : 02/10/1985
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Civile

Analyses

1) DONATION - Donation entre époux - Donation déguisée - Nullité - Exception - Rémunération de l'activité de l'époux gratifié - Activité de l'épouse dans la direction du foyer.

DONATION - Donation entre époux - Donation déguisée - Nullité - Acquisition d'immeuble - Acquisition indivise - Paiement par le mari seul - Contrepartie de l'activité de la femme au foyer - Activité excédant sa contribution aux charges du mariage - Effet - * MARIAGE - Effets - Participation aux charges du mariage - Activité de la femme au foyer - Contrepartie d'avances à elle consenties par le mari - Activité excédant sa contribution aux charges du mariage - Constatations suffisantes - * SEPARATION DE BIENS CONVENTIONNELLE - Acquisition d'un immeuble par les époux - Acquisition indivise - Paiement par le mari seul - Activité de l'épouse dans la direction du foyer - Activité excédant sa contribution aux charges du mariage - Donation déguisée (non).

L'activité de l'époux séparé de biens dans la gestion du ménage et la direction du foyer peut, quand en raison de son importance excédant la contribution aux charges du mariage et de sa qualité elle a été pour son conjoint une source d'économie, constituer la cause de versements faits par celui-ci au nom dudit époux à l'occasion d'achats de biens faits indivisément par les deux. Et dès lors qu'une telle circonstance n'était pas invoquée, c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments fournis, qu'une Cour d'appel estime qu'un mari qui avait payé personnellement la totalité du prix d'un immeuble acquis indivisément, avait consenti à son épouse une remise de deniers inspirée par une intention libérale, justifiant ainsi la qualification de donation déguisée retenue.

2) SEPARATION DE BIENS CONVENTIONNELLE - Acquisition d'un immeuble par les époux - Acquisition indivise - Paiement par le mari seul - Donation déguisée - Attribution préférentielle à la femme - Attribution subordonnée au paiement de la valeur de l'immeuble - Possibilité.

PARTAGE - Attribution préférentielle - Séparation de biens conventionnelle - Immeuble indivis - Paiement par le mari seul - Donation déguisée - Attribution à la femme - Attribution subordonnée au paiement de la valeur de l'immeuble - Possibilité.

L'épouse divorcée ayant sollicité l'attribution préférentielle d'un immeuble acquis indivisément par les conjoints pendant leur mariage - mais le mari ayant payé personnellement la totalité de l'acquisition - , le juge qui après avoir retenu l'existence d'une donation déguisée, accorde une telle attribution facultative peut en subordonner le bénéfice au paiement, dans le délai qu'il fixe, de la totalité de la valeur de l'immeuble. En effet, l'épouse était tenue de payer, d'une part, la moitié de la valeur de l'immeuble au titre de la restitution des deniers sur lesquels portait, en vertu de l'article 1099-1 du Code civil, la donation déguisée annulée, et, d'autre part, l'autre moitié à titre de soulte, laquelle est, sauf accord amiable des copartageants, payable comptant. Il s'ensuit que cette attribution préférentielle n'entrait pas uniquement dans une opération de partage puisque sa bénéficiaire ne pouvait l'obtenir qu'après remboursement des deniers reçus à titre gratuit et que les juges qui l'accordaient pouvaient donc prendre toute mesure efficace pour en faire respecter par l'attributaire les obligations légales qui s'imposaient à elles.


Références :

(2)
Code civil 1099-1

Décision attaquée : Cour d'appel de Pau, chambre 1, 18 avril 1984

A rapprocher : (1). Cour de cassation, chambre civile 1, 1981-05-20, Bulletin 1981 I N. 175 (2) p. 142 (rejet) et les arrêts cités. (1). Cour de cassation, chambre civile 1, 1984-02-28, Bulletin 1984 I N. 78 p. 63 (rejet). (2). Cour de cassation, chambre civile 1, 1975-10-28, Bulletin 1975 I N. 298 p. 247 (cassation)


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 02 oct. 1985, pourvoi n°84-13136, Bull. civ. 1985 I N° 244 p. 219
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 1985 I N° 244 p. 219

Composition du Tribunal
Président : Pdt. M. Joubrel
Avocat général : Av.Gén. M. Rocca
Rapporteur ?: Rapp. M. Fabre
Avocat(s) : Av. demandeur : SCP Martin-Martinière et Ricard

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1985:84.13136
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