STATUANT SUR LES POURVOIS FORMES PAR :
1° LA SOCIETE X...,
2° LA SOCIETE Y...,
CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE PARIS (12E CHAMBRE), EN DATE DU 17 FEVRIER 1984, QUI A REJETE LA REQUETE EN RESTITUTION PRESENTEE PAR LA SOCIETE Y... ;
VU LA CONNEXITE JOIGNANT LES POURVOIS ;
SUR LE POURVOI FORME PAR LA SOCIETE X... :
ATTENDU QU'AUCUN MOYEN N'EST PRODUIT A L'APPUI DU POURVOI ;
SUR LE POURVOI FORME PAR LA SOCIETE Y... :
VU LES MEMOIRES PRODUITS TANT EN DEMANDE QU'EN DEFENSE ;
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION, PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 6 DE LA CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME ET 1ER DU PROTOCOLE ADDITIONNEL, 479 ET SUIVANTS, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE ;
" LE POURVOI FAIT GRIEF A L'ARRET ATTAQUE DAVOIR REJETE EN L'ETAT LA REQUETE EN RESTITUTION DE LA PIERRE EMERAUDE PRESENTEE PAR LA SOCIETE Y..." ;
" AUX MOTIFS, ADOPTES DES PREMIERS JUGES, QUE LE JUGEMENT DE CONDAMNATION PRONONCE CONTRE Z... AYANT ETE RENDU PAR DEFAUT ET N'ETANT DONC PAS DEFINITIF, IL NE PEUT ETRE STATUE QUE SUR LA POSSESSION DE L'EMERAUDE SAISIE ET NON SUR SA PROPRIETE ;
QUE LE POSSESSEUR EST PROTEGE PARCE QUE SA SITUATION DE FAIT REND SON DROIT PROBABLE, QUE CETTE PROTECTION NE S'APPLIQUE QU'AUTANT QUE LA POSSESSION REPOND AUX CRITERES DEFINIS EXHAUSTIVEMENT PAR L'ARTICLE 2229 DU CODE CIVIL ET QU'ELLE EST DE BONNE FOI ;
QUE LE POSSESSEUR DE BONNE FOI EST CELUI QUI, AU MOMENT DE L'ACQUISITION, CROIT AUX DROITS DE L'AUTEUR A LA PROPRIETE DU BIEN QU'IL LUI A TRANSMIS ;
QU'EN L'ESPECE, LA TRANSACTION ENTRE Z... ET LA SOCIETE Y..., QUI EFFECTUE LE NEGOCE DES PIERRES PRECIEUSES, S'EST EFFECTUEE HORS LA PRESENCE DU PRESIDENT-DIRECTEUR GENERAL DE LA SOCIETE, QUE L'EMERAUDE N'A PAS ETE ENREGISTREE SUR LE LIVRE DE STOCK DE LADITE SOCIETE NI SUR LE LIVRE DE POLICE, QUE LA SOMME DE 170 000 FRANCS REPRESENTANT UN ACOMPTE SUR LE PRIX CONVENU DE 225 000 FRANCS A ETE PAYEE A Z... EN ESPECES AVEC DES FONDS EMPRUNTES, ALORS QU'EN REGLE GENERALE, LE PAIEMENT EST EFFECTUE PAR TRAITE OU PAR CHEQUE, QU'AINSI LA POSSESSION DE LA SOCIETE Y...NE REPOND PAS A L'EXIGENCE DE PUBLICITE PREVUE PAR LE CODE CIVIL ET APPARAIT EQUIVOQUE ET LITIGIEUSE. " ;
" ET AUX MOTIFS QUE " L'APPELANTE REPROCHE AUX PREMIERS JUGES D'AVOIR CONFONDU UNE DEMANDE DE RESTITUTION AVEC UNE ACTION EN REVENDICATION. " EN REALITE, L'ESPECE SOUMISE A LA COUR DE CASSATION (ARRET DU 11 JUILLET 1978) ETAIT SANS RAPPORT AVEC LE PRESENT LITIGE ;
IL S'AGISSAIT D'UNE DEMANDE DE RESTITUTION FORMEE PAR UNE PERSONNE ENTRE LES MAINS DE LAQUELLE UNE CERTAINE SOMME D'ARGENT AVAIT ETE SAISIE ;
LA DEMANDERESSE AVAIT ETE LAISSEE EN DEHORS DE TOUTE PREVENTION ET IL N'Y AVAIT AUCUN LITIGE SUR LA PROPRIETE DE LA SOMME D'ARGENT. " LA POSITION DE LA SOCIETE Y... EST DIFFERENTE ;
EN EFFET, LES PREMIERS JUGES ONT RELEVE, CE QUI N'A JAMAIS ETE CONTESTE :
" 1° / QUE M. Y... N'ETAIT PAS PRESENT LORS DE L'ACHAT DE L'EMERAUDE A Z... ;
" 2° / QUE L'ACQUISITION DE L'EMERAUDE A Z... PAR LES COLLABORATEURS DE M. Y... A ETE REALISEE DANS DES CIRCONSTANCES SUSPECTES, C'EST-A-DIRE VERSEMENT D'UN ACOMPTE EN ESPECES (170 000 FRANCS) CONTRAIREMENT AUX REGLES DE LA PROFESSION, ACHAT DE LA PIERRE PRECIEUSE A UN PRIX TRES INFERIEUR A SA VALEUR, NON-INSCRIPTION DE L'ACQUISITION SUR LE LIVRE DE POLICE ET SUR LE LIVRE DE STOCK, NON-DELIVRANCE DE FACTURE NI DE RECU, NON-VERIFICATION DE L'IDENTITE DU VENDEUR ;
" 3° / QUE LA POSSESSION DE LA SOCIETE Y... NE REPOND PAS A L'EXIGENCE DE PUBLICITE PREVUE PAR L'ARTICLE 2239 DU CODE CIVIL ALORS QUE CETTE POSSESSION EST EQUIVOQUE ;
LA COUR CONSIDERE QUE CES MOTIFS SONT PERTINENTS ET QU'IL CONVIENT DE LES ADOPTER. CERTES, M. Y... N'A PAS ETE RENVOYE DEVANT LE TRIBUNAL NI MEME POURSUIVI ;
MAIS IL EST CLAIR QUE LES REQUISITIONS VISANT " TOUS AUTRES " QUI ONT BENEFICIE DE L'ORDONNANCE DE NON-LIEU LE CONCERNAIENT PERSONNELLEMENT ;
IL A D'AILLEURS ETE ENTENDU EN QUALITE DE TEMOIN AU COURS DE L'INFORMATION... " ;
" ALORS, D'UNE PART, QUE LE JUGE REPRESSIF, SAISI NON PAS D'UNE ACTION EN REVENDICATION ENGAGEE PAR UNE PERSONNE INVOQUANT UN DROIT CONTRE LE POSSESSEUR MAIS, SUR LE FONDEMENT DES ARTICLES 479 ET SUIVANTS DU CODE DE PROCEDURE PENALE, D'UNE DEMANDE DE RESTITUTION D'OBJETS SAISIS ENTRE LES MAINS DE LA DEMANDERESSE LAISSEE EN DEHORS DE TOUTE PREVENTION DOIT, SANS QU'IL Y AIT LIEU A APPLICATION DES ARTICLES 2229, 2279, 2282 ET 2283 DU CODE CIVIL, FAIRE DROIT A CETTE DEMANDE DES LORS QUE LESDITS OBJETS NE SONT PAS REVENDIQUES PAR DES TIERS, QUE LEUR DETENTION N'EST PAS EN SOI ILLICITE ET QUE LEUR CONFISCATION N'A PAS ETE PRONONCEE ;
QU'EN EXIGEANT DE LA SOCIETE Y... LA PREUVE D'UNE POSSESSION UTILE A PRESCRIRE, LES JUGES DU FOND ONT VIOLE, PAR REFUS D'APPLICATION, LES TEXTES SUSVISES ;
" ALORS, D'AUTRE PART, QUE TOUTE PERSONNE PHYSIQUE OU MORALE A DROIT AU RESPECT DE SES BIENS ;
QUE LE FAIT QUE LE DIRIGEANT D'UNE SOCIETE AIT PU ETRE CONCERNE PAR UNE INFORMATION PENALE, CLOTUREE PAR UNE ORDONNANCE DE NON-LIEU, AU COURS DE LAQUELLE IL A ETE ENTENDU COMME TEMOIN, EST SANS INCIDENCE SUR LE DROIT DE LA SOCIETE A OBTENIR RESTITUTION DU BIEN SAISI ENTRE SES MAINS ;
QU'EN STATUANT AINSI QU'ELLE L'A FAIT, LA COUR D'APPEL A, DE CE CHEF, VIOLE LES TEXTES SUSVISES " ;
VU LESDITS ARTICLES, ENSEMBLE LES ARTICLES 2229 ET 2279 DU CODE CIVIL ;
ATTENDU QUE LE JUGE PENAL AUQUEL UNE PERSONNE DEMEUREE ETRANGERE AUX POURSUITES DEMANDE LA RESTITUTION D'UN OBJET SAISI ENTRE SES MAINS DOIT, SANS QU'IL Y AIT LIEU A APPLICATION DE L'ARTICLE 2279 DU CODE CIVIL, FAIRE DROIT A CETTE DEMANDE, DES LORS QUE LEDIT OBJET N'EST PAS REVENDIQUE PAR UN TIERS, QUE SA DETENTION N'EST PAS ILLICITE ET QUE SA CONFISCATION N'A PAS ETE PRONONCEE ;
ATTENDU QU'IL RESULTE DE L'ARRET ATTAQUE QU'AU COURS D'UNE INFORMATION SUIVIE CONTRE Z... DES CHEFS D'ESCROQUERIE ET INFRACTION A LA LEGISLATION SUR LES CHEQUES, ET, D'AUTRE PART, CONTRE X DES CHEFS DE COMPLICITE ET RECEL, UNE EMERAUDE A ETE SAISIE AU SIEGE DE LA SOCIETE Y... ;
QU'UNE DECISION DE NON-LIEU A SUIVRE AYANT ETE RENDUE AU TERME DE L'INSTRUCTION OUVERTE DE CES DEUX DERNIERS CHEFS, SEUL Z... A ETE RENVOYE, POUR L'UNIQUE DELIT D'INFRACTION A LA LEGISLATION SUR LES CHEQUES, DEVANT LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL QUI L'A CONDAMNE, PAR DEFAUT, LE 18 SEPTEMBRE 1980 ;
QUE, PAR ARRET DU 11 MAI 1982, LA COUR D'APPEL DE PARIS A REJETE LA DEMANDE EN RESTITUTION DE L'EMERAUDE LITIGIEUSE PRESENTEE PAR LA SOCIETE X... AU MOTIF QUE LA VENTE DE LADITE PIERRE A Z... AVAIT ETE PARFAITE ;
QU'A SON TOUR LA SOCIETE Y... A RECLAME LA RESTITUTION DE LA MEME PIERRE QUI AVAIT ETE SAISIE EN SA POSSESSION ;
ATTENDU QUE L'ARRET ATTAQUE A REJETE CETTE DERNIERE REQUETE AUX MOTIFS QUE " L'ACQUISITION DE L'EMERAUDE A Z... PAR LES COLLABORATEURS DE M. Y... A ETE REALISEE DANS DES CIRCONSTANCES SUSPECTES " ET " QUE LA POSSESSION DE LA SOCIETE Y... NE REPOND PAS A L'EXIGENCE DE PUBLICITE PREVUE PAR L'ARTICLE 2229 DU CODE CIVIL ALORS QUE CETTE POSSESSION EST EQUIVOQUE " ;
MAIS ATTENDU QU'EN STATUANT AINSI, LA COUR D'APPEL A FAIT UNE FAUSSE APPLICATION DES ARTICLES 2229, PRECITE, ET 2279 DU CODE CIVIL, DES LORS QU'ELLE ETAIT SAISIE NON PAS D'UNE DEMANDE EN REVENDICATION PAR UNE PERSONNE INVOQUANT UN DROIT CONTRE LE POSSESSEUR, MAIS, SUR LE FONDEMENT DES ARTICLES 479 A 484 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, D'UNE DEMANDE EN RESTITUTION D'UN OBJET SAISI ENTRE LES MAINS D'UNE PERSONNE DEMEUREE ETRANGERE AUX POURSUITES AU COURS DESQUELLES LEDIT OBJET A ETE PLACE SOUS LA MAIN DE JUSTICE ;
D'OU IL SUIT QUE LA CASSATION EST ENCOURUE DE CE CHEF ;
PAR CES MOTIFS ;
I. - SUR LE POURVOI FORME PAR LA SOCIETE X... :
REJETTE LE POURVOI ; CONDAMNE LA DEMANDERESSE AUX DEPENS ;
II. - SUR LE POURVOI FORME PAR LA SOCIETE Y... :
CASSE ET ANNULE DANS TOUTES SES DISPOSITIONS L'ARRET SUSVISE DE LA COUR D'APPEL DE PARIS, EN DATE DU 17 FEVRIER 1984 ;
ET POUR QU'IL SOIT A NOUVEAU STATUE CONFORMEMENT A LA LOI ;
RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL D'ORLEANS, A CE DESIGNEE PAR DELIBERATION SPECIALE PRISE EN CHAMBRE DU CONSEIL.