| France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 16 octobre 1984, 83-11312

SUR LES PREMIER ET DEUXIEME MOYENS REUNIS : ATTENDU QUE, SELON LES JUGES DU FOND, LA SOCIETE VIADUC ET LA SOCIETE NATIONALE DE TELEVISION EN COULEURS ANTENNE 2, DITE ANTENNE 2, ONT PRODUIT LE FILM "LE GUEPIOT", ADAPTATION D'UN ROMAN QUI, PORTANT LE MEME TITRE, A POUR AUTEUR LA FILLE DE MME X... ;

QUE L'ARRET INFIRMATIF ATTAQUE, RENDU SUR L'APPEL FORME PAR MME X... CONTRE UNE ORDONNANCE DU JUGE DES REFERES QU'ELLE AVAIT SAISI, ET QUI L'AVAIT DEBOUTEE DE SA DEMANDE, A DIT QUE CE FILM PORTAIT ATTEINTE AU RESPECT DU A SA VIE PRIVEE ET QU'IL NE POURRAIT ETRE PRESENTE AU PUBLIC NI DANS LES SALLES DE CINEMA, NI A LA TELEVISION ;

ATTENDU QUE LA SOCIETE ANTENNE 2 REPROCHE AUX JUGES DU SECOND DEGRE D'AVOIR AINSI STATUE, ALORS QUE, D'UNE PART, LEUR ARRET NE CONSTATERAIT PAS ET N'EVOQUERAIT MEME PAS IMPLICITEMENT L'EXISTENCE D'UNE URGENCE DE NATURE A JUSTIFIER L'INTERVENTION DU JUGE DES REFERES, ET ALORS QUE, D'AUTRE PART, LA MESURE ORDONNEE SERAIT DE PORTEE GENERALE ET PERMANENTE ET PREJUGERAIT LE FOND, DE SORTE QUE LA COUR D'APPEL AURAIT VIOLE L'ARTICLE 9 DU CODE CIVIL ET LES ARTICLES 808 ET 809 DU NOUVEAU CODE DE PROCEDURE CIVILE ;

MAIS ATTENDU QUE L'ENONCIATION DE L'ARRET ATTAQUE SUIVANT LAQUELLE "LA GRAVITE DE L'ATTEINTE QUI EST PORTEE A (L'INTIME DE) LA VIE PRIVEE DE MME X... JUSTIFIE QU'IL SOIT MIS FIN AU TROUBLE MANIFESTEMENT ILLICITE QUE CONSTITUE LA PRESENTATION DU FILM AU PUBLIC "IMPLIQUE QU'IL Y AVAIT URGENCE A FAIRE CESSER CETTE ATTEINTE ;

QU'IL A ORDONNE POUR CELA UNE MESURE CONSERVATOIRE NE PREJUGEANT PAS LE FOND ET A DIT N'Y AVOIR LIEU DE FAIRE DROIT A LA DEMANDE DE SAISIE ;

QU'AUCUN DES DEUX GRIEFS FORMULES N'EST DONC FONDE ;

SUR LES TROISIEME ET QUATRIEME MOYENS REUNIS ET PRIS EN LEURS DIVERSES BRANCHES : ATTENDU QU'IL EST ENCORE SOUTENU PAR LE POURVOI, D'UNE PART, QU'EN NE REVELANT PAS LES FAITS DE LA VIE PRIVEE DE MME X... QUI, RELATES DANS LE FILM, AURAIT LE CARACTERE D'INTIMITE PREVU A L'ARTICLE 9 DU CODE CIVIL, LA COUR D'APPEL N'A PAS DONNE DE BASE LEGALE A SA DECISION ;

D'AUTRE PART, QU'ELLE A EGALEMENT PRIVE CETTE DECISION DE BASE LEGALE EN ENONCANT QUE CEUX QUI AVAIENT CONNU MME X... ETAIENT A MEME DE L'IDENTIFIER AU PERSONNAGE DE LA MERE DANS LE FILM, ET EN DECIDANT QU'IL ETAIT AINSI PORTE ATTEINTE A L'INTIMITE DE SA VIE PRIVEE, SANS RECHERCHER SI, AVANT LA DIFFUSION DU FILM, CES MEMES PERSONNAGES IGNORAIENT LES CIRCONSTANCES QUI Y ETAIENT RAPPORTEES RELATIVES A SON DIVORCE ET AUX DIFFICULTES CONSECUTIVES QUANT A LA GARDE DE L'ENFANT ;

ENFIN, QUE LA COUR D'APPEL A LAISSE SANS REPONSE DES CONCLUSIONS SOUTENANT QUE C'ETAIT MME X... ELLE-MEME QUI S'ETAIT IDENTIFIEE AU PERSONNAGE DE LA MERE ET QU'ELLE ETAIT MAL FONDEE A S'EN PLAINDRE ;

MAIS ATTENDU, D'UNE PART, QUE LES JUGES DU SECOND DEGRE ONT CONSTATE QUE LE FILM RELATE LA MESENTENTE ENTRE LE PERSONNAGE DE LA MERE ET SON MARI, "MESENTENTE ABOUTISSANT A L'ABANDON DU DOMICILE CONJUGAL PAR LA MERE", QUI PLACE L'ENFANT DANS UNE INSTITUTION RELIGIEUSE, ET QUE, CHEMIN FAISANT, IL "LIVRE AU PUBLIC DES DETAILS DE (LA) VIE INTIME (DE MME X...) ET SES DEMELES CONJUGAUX" ;

ATTENDU, D'AUTRE PART, QU'AYANT PROCEDE A CES CONSTATATIONS, LA COUR D'APPEL N'AVAIT PAS A RECHERCHER SI LES DIFFERENTES PERSONNES AYANT CONNU MME X..., ET APTES DES LORS A L'IDENTIFIER AU PERSONNAGE DE LA MERE DANS LE FILM, ETAIENT PAR LA-MEME, OU NON, AVANT D'AVOIR VU LE FILM, AU COURANT DE TOUTES LES CIRCONSTANCES DE SON DIVORCE ET DES DIFFICULTES PAR ELLE RENCONTREES EN CE QUI CONCERNAIT LA GARDE DE SON ENFANT ;

ATTENDU, ENFIN, QUE LES JUGES N'ETAIENT PAS TENUS DE REPONDRE A L'ARGUMENTATION CONSISTANT A SOUTENIR QUE L'OPPOSITION MANIFESTEE PAR MME X... A LA DIFFUSION DU FILM AVAIT "CONTRIBUE A LA REVELATION AU PUBLIC" DES FAITS, RELATIFS A SA VIE PRIVEE, DIVULGUES PAR CE FILM ;

D'OU IL SUIT QUE LES TROIS GRIEFS FORMULES DOIVENT ETRE ECARTES ;

ET, SUR LE CINQUIEME MOYEN : ATTENDU QU'IL EST EGALEMENT PRETENDU QUE, SAISIE DE CONCLUSIONS SOUTENANT QUE, DANS LE FILM, LE PERSONNAGE DE LA MERE N'EST PRESENT QU'AU TOUT DEBUT, QUE LA MERE APPARAIT ENSUITE QUITTANT LE DOMICILE CONJUGAL ET ABANDONNANT SA FILLE DANS UN PENSIONNAT, ET QU'ON NE LA REVOIT QUE DANS DE COURTES SCENES DANS UN HOPITAL PSYCHIATRIQUE OU SUR UN QUAI DE GARE, LA COUR D'APPEL NE POUVAIT INTERDIRE TOTALEMENT LA DIFFUSION DU FILM SANS RECHERCHER SI LA SUPPRESSION DESDITES SEQUENCES OU DE CERTAINES D'ENTRE ELLES N'AURAIT PAS SUFFI A ASSURER LE RESPECT DU A L'INTIMITE DE LA VIE PRIVEE DE MME X..., DE SORTE QUE, POUR S'ETRE ABSTENUE DE CETTE RECHERCHE, LES JUGES DU SECOND DEGRE N'AURAIENT PAS LEGALEMENT JUSTIFIE LEUR DECISION ET AURAIENT VIOLE L'ARTICLE 9 DU CODE CIVIL ;

MAIS ATTENDU QUE L'ARRET ATTAQUE CONSTATE "QUE LE PERSONNAGE DE LA MERE, LOIN D'APPARAITRE D'UNE MANIERE FUGACE OU EPISODIQUE, EST PRESENT DANS LA MAJEURE PARTIE DU RECIT CINEMATOGRAPHIQUE ET CONSTITUE UN DES ELEMENTS ESSENTIELS DE LA SITUATION DRAMATIQUE" ;

QUE LE CINQUIEME MOYEN N'EST PAS MIEUX FONDE QUE LES PRECEDENTS ;

PAR CES MOTIFS : REJETTE LE POURVOI FORME CONTRE L'ARRET RENDU LE 5 JANVIER 1983 PAR LA COUR D'APPEL DE PARIS ;