LA COUR DE CASSATION, statuant en CHAMBRE MIXTE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1°) la FONDATION CARL ZEISS, dont le siège est à Heidenheim (R.F.A.), représentée par le Ministre des Affaires Culturelles du gouvernement du Land de Bade-Wurtemberg, chef de l'Administration de la Fondation,
2°) la FIRME CARL B..., dont le siège est à Heidenheim (R.F.A.), représentée par son directoire composé de M. Z... HORST SKOLUDEK, M. Z... GERD LITTMANN et M. A... JOBST HERMANN,
3°) la S.A.R.L. CARL B... dont le siège est à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) 109, Colline de Saint-Cloud, en cassation d'un arrêt rendu le 24 septembre 1981 par la Cour d'appel d'Orléans (Chambres réunies), au profit :
1°) de la Firme V.E.B. CARL B...
X..., dont le siège est à
Y...
(R.D.A.),
2°) de la CARL ZEISS STIFTUNG ou Fondation CARL ZEISS, dont le siège est à
Y...
(R.D.A.),
défenderesses à la cassation.
La Fondation Carl Zeiss, la Firme Carl B... et la S.A.R.L. Carl B... se sont pourvues en cassation contre l'arrêt de la Cour d'appel d'Orléans en date du 24 septembre 1981.
M. le Premier Président a, par ordonnance du 6 avril 1983, renvoyé l'examen du recours devant une Chambre mixte composée des première et deuxième Chambres civiles ainsi que de la Chambre commerciale.
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation suivants :
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
"Le pourvoi reproche à la Cour d'ORLEANS, saisie d'une demande tendant à réparer l'omission à statuer sur la confirmation de deux chefs du jugement relatifs aux marques énumérées dans un jugement du 6 avril 1960 et au dessin représentant d'une de ces marques ainsi qu'à la constatation des infractions y relatives, d'avoir limité sa décision à donner acte aux parties de leur accord sur la confirmation de "la disposition du jugement différé relative à la défense faite aux organismes de
X...
quant aux marques autres que celles CARL B...
X... et IMBRAL" ;
AUX MOTIFS QUE les parties ont toutes deux conclu à ce que soit constatée la confirmation du chef du jugement ainsi conçu "leur (organisme d'
X...
) fait défense d'exposer tous appareils ou objets quelconques portant l'une des marques énumérées dans le dispositif du jugement du 6 avril 1960 et ce, en tant que de besoin",
ALORS, D'UNE PART, QUE ce seul donné acte ne suffit pas à réparer l'omission à statuer dénoncée par les exposantes et qui concernait en outre expressément les chefs relatifs au dessin et à la constatation des infractions, en sorte que l'arrêt attaqué qui n'use pas des attributions que lui confère l'article 463 N.C.P.C. viole ce texte ainsi que les articles 4 du même code et 4 du Code civil ;
Que, ce faisant, l'arrêt attaqué a violé également l'article 455 N.C.P.C. en laissant sans réponse les conclusions des exposantes.
ALORS, D'AUTRE PART, QUE la Cour d'appel a violé l'article 461 N.C.P.C. en ne procédant pas à la nécessaire interprétation de son précédent arrêt sur les chefs présentement litigieux ;
Qu'elle n'a par ailleurs pas répondu aux conclusions des exposantes sur ce point, violant ainsi l'article 455 N.C.P.C. ;
ALORS, DE TROISIEME PART, QUE l'arrêt attaqué ne peut sans contradiction et sans violation de l'article 455, N.C.P.C., confirmer le jugement en ce qu'il fait défense d'user des marques de l'exposante et exclure la confirmation des dispositions relatives au dessin qui est l'une de ces marques ainsi que des dispositions relatives à la constatation des infractions qui sont inséparables de l'interdiction faite aux organismes de l'Est ;
Que de la même manière la Cour d'appel a violé ce texte en ne répondant pas aux conclusions des exposantes relatives au dessin et à la protection de la marque ;"
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
"Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les requérantes du surplus de leurs prétentions, tendant à faire interpréter le dispositif du précédent arrêt et, le cas échéant, à faire réparer l'omission à statuer concernant les chefs de demande fondés sur la marque "CARL B..." distincte de la marque "CARL B...
X...",
AUX MOTIFS QUE la Cour avait statué lors de son précédent arrêt, dans les limites de la cassation, sur toutes les prétentions que les parties lui avaient soumises, par un dispositif suffisamment clair ne nécessitant aucune interprétation ;
ALORS QUE viole l'article 1134 du Code civil et dénature la décision qui ne fait aucunement mention des droits attachés à la marque CARL B..., l'arrêt interprétatif qui prétend cependant que la Cour d'appel aurait clairement statué sur les prétentions déduites de cette marque ;
Que ce faisant la Cour d'appel viole également par refus d'application l'article 463 N.C.P.C. qui lui faisait obligation de réparer l'omission à statuer sur ladite marque",
Sur quoi, la Cour, statuant en chambre mixte,
Sur le premier moyen, pris en sa première branche :
Vu les articles 461 et 463 du Nouveau Code de procédure civile,
Attendu que l'arrêt attaqué, en date du 24 septembre 1981, statuant sur recours en interprétation de l'arrêt du 13 mars 1980, recours tendant à ce qu'il soit dit qu'en l'absence de contestation la réformation partielle du jugement n'atteignait pas le chef du jugement par lequel il était fait défense à la Fondation Carl Zeiss de Iéna et à la Firme V.E.B. Carl B...
Y... de vendre et d'exposer tous appareils ou objets quelconques portant l'une des marques énumérées dans le dispositif du jugement du Tribunal de grande instance de la Seine du 6 avril 1960 et que l'arrêt précédent devait en tout cas être complété à cet égard, a rejeté cette demande au motif que les parties concluaient toutes deux à ce qu'il soit constaté que ce chef du jugement avait été confirmé, abstraction faite des marques Carl B...
Y... et Umbral, et a seulement donné acte aux parties de leur accord sur ce point ;
Attendu cependant que l'accord des parties ne suffisait pas à fixer le sens de l'arrêt et à y intégrer la confirmation du chef du jugement qui était en question ; qu'en ne statuant pas sur le recours dont elle était saisie, la Cour d'appel a méconnu le pouvoir que lui conféraient les textes susvisés à l'effet d'interpréter et de compléter sa précédente décision ;
Et, sur le second moyen :
Vu le même article 463 ;
Attendu que, saisie également d'un recours en interprétation tendant à ce qu'il soit dit si l'arrêt précédent du 13 mars 1980 avait ou non rejeté les demandes concernant la marque Carl B..., distincte de la marque Carl B...
Y..., formées par la Fondation Carl Zeiss agissant sous le nom de sa firme et la Firme Carl B... de Heidenheim, ainsi que par la S.A.R.L. Carl B..., et, dans la négative, à ce qu'il soit fait droit de ces demandes en complétant le précédent arrêt, la Cour d'appel, par l'arrêt présentement attaqué, a encore rejeté ce recours, aux motifs que, par son premier arrêt, elle avait statué, dans les limites de la cassation, sur toutes les prétentions que les parties lui avaient soumises, par un dispositif suffisamment clair, ne nécessitant pas une interprétation ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que l'arrêt du 13 mars 1980 n'avait pas statué sur la demande concernant la contrefaçon de la marque Carl B..., la Cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les deuxième et troisième branches du premier moyen :
CASSE et ANNULE, en ce qu'il a débouté les parties de leurs prétentions autres que celles concernant la rectification d'erreur matérielle, l'arrêt rendu le 24 septembre 1981, entre les parties, par la Cour d'appel d'Orléans ; remet, en conséquence, la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Paris, composée autrement que lors de son arrêt du 9 juillet 1975 ;