STATUANT SUR LE POURVOI DE :
- X... PIERRE,
AGISSANT EN SON NOM PERSONNEL, ET COMME REPRESENTANT LEGAL DE LA SOCIETE LABO-FRANCE-EDITEURS, CIVILEMENT RESPONSABLE,
CONTRE UN ARRET DU 5 MAI 1982 DE LA COUR D'APPEL DE PARIS, 11E CHAMBRE, QUI L'A CONDAMNE DES CHEFS DE DIFFAMATIONS PUBLIQUES ENVERS UN PARTICULIER A DIVERSES REPARATIONS CIVILES ET DECLARE LA SOCIETE LABO-FRANCE-EDITEURS CIVILEMENT RESPONSABLE ;
VU LES MEMOIRES PRODUITS EN DEMANDE ET EN DEFENSE ;
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION, PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 29 ET 32 DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881, 1382 DU CODE CIVIL, 2 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT DE MOTIFS, MANQUE DE BASE LEGALE, EN CE QUE L'ARRET INFIRMATIF ATTAQUE A DECLARE QUE LES TEXTES VISES DANS LA PLAINTE DE LA PARTIE CIVILE CONTIENNENT DES IMPUTATIONS DIFFAMATOIRES A L'EGARD DE CETTE DERNIERE ET A CONDAMNE LE DEMANDEUR A LUI VERSER LA SOMME DE 10 000 FRANCS A TITRE DE DOMMAGES-INTERETS ;
AUX MOTIFS QU'IL EST CONSTANT ET ADMIS PAR LE PREVENU QU'EN CE QUI CONCERNE LES TEXTES LITIGIEUX, LE RAPPROCHEMENT AVEC LA PARTIE CIVILE FABRICANT L'ABA 100 ETAIT AISE POUR LE MILIEU PROFESSIONNEL AUQUEL S'ADRESSE LA PUBLICATION, QUE CE DOCUMENT SUGGERE QUE LA PARTIE CIVILE RECOURT A DES METHODES DE VENTE ANTI-COMMERCIALES EN SE LIVRANT A UNE PRATIQUE DISCRIMINATOIRE DES PRIX ;
QU'IL L'ACCUSE DE VENDRE DES APPAREILS ABA 100 NEUFS A DES PRIX PLUS ELEVES QUE LEUR VALEUR REELLE ; QUE CES CRITIQUES SONT DE NATURE A PORTER ATTEINTE A L'HONNEUR ET A LA CONSIDERATION PROFESSIONNELLE DE LA PARTIE CIVILE ET OUTREPASSENT LES LIMITES ADMISSIBLES DE LA DEFENSE DES INTERETS GENERAUX DES CLIENTS DES PUBLICATIONS ; QUE LE PREVENU A MOINS CHERCHE A CONDAMNER LA PRATIQUE QU'IL DENONCAIT QU'A PORTER ATTEINTE A L'HONORABILITE COMMERCIALE DE LA PLAIGNANTE ET A LA DISCREDITER AUPRES DE SA CLIENTELE ;
QUE LE PREVENU QUI N'APPORTE PAS LA PREUVE DE L'EXACTITUDE DES ALLEGATIONS DIFFAMATOIRES N'EST PAS FONDE A INVOQUER POUR SE JUSTIFIER UN BUT D'INFORMATION SERIEUX ET LEGITIME ;
ALORS QUE SEULE L'ALLEGATION OU L'IMPUTATION D'UN FAIT QUI PORTE ATTEINTE A L'HONNEUR OU A LA CONSIDERATION DE LA PERSONNE OU DU CORPS AUQUEL LE FAIT EST IMPUTE EST UNE DIFFAMATION, QUE DES LORS EN L'ESPECE OU LES ECRITS INCRIMINES MENTIONNENT SEULEMENT LA POSSIBILITE D'ACQUERIR UN APPAREIL A MOINS DE 80 000 FRANCS TTC, LA COUR D'APPEL A VIOLE L'ARTICLE 29 DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881 SUR LA PRESSE EN PRETENDANT QUE CES TEXTES REVETENT UN CARACTERE DIFFAMATOIRE POUR L'UNE DES SOCIETES VENDANT L'APPAREIL A DES PRIX SUPERIEURS, QU'EN EFFET OUTRE QUE LE NOM DE CETTE SOCIETE N'ETAIT PAS MENTIONNE, AUCUN FAIT SUSCEPTIBLE DE PORTER ATTEINTE A L'HONNEUR OU A LA CONSIDERATION DE QUICONQUE NE RESULTE DE L'INFORMATION PUBLIEE ;
VU LESDITS ARTICLES, ENSEMBLE L'ARTICLE 50 DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881 ;
ATTENDU QU'EN MATIERE D'INFRACTIONS A LA LOI SUR LA PRESSE, LA CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE QUI A VALABLEMENT MIS L'ACTION PUBLIQUE EN MOUVEMENT FIXE IRREVOCABLEMENT LA NATURE ET L'ETENDUE DE LA POURSUITE ;
ATTENDU QUE LES FAITS ET LES CIRCONSTANCES SUSCEPTIBLES DE CARACTERISER LA PUBLICITE, ELEMENT CONSTITUTIF DE CERTAINES INFRACTIONS DE PRESSE, DOIVENT ETRE ENONCES POUR PERMETTRE A LA COUR DE CASSATION D'EXERCER SON CONTROLE SUR LES CONSEQUENCES QU'EN ONT DEDUIT LES JUGES ;
ATTENDU QUE X..., GERANT DE LA SARL LABO-FRANCE-EDITEURS ET AYANT LA QUALITE DE DIRECTEUR DE LA PUBLICATION, EDITE LA REVUE FRANCAISE DE LABORATOIRES ET L'ANNUAIRE DES LABORATOIRES D'ANALYSE DE BIOLOGIE MEDICALE ;
QUE, DANS LE NUMERO DE MAI 1980, A PARU DANS LA REVUE, A LA PAGE 46, UN ENCART DONT LE TEXTE, QUE N'ACCOMPAGNAIT AUCUN COMMENTAIRE EST LE SUIVANT : N'OUBLIEZ PAS QUE VOUS POUVEZ TROUVER L'ABA 100, NEUF POUR MOINS DE 80 000 F TTC. LA PRESSE, C'EST AUSSI CELA ! NOTRE BUT EST DE VOUS INFORMER ;
QUE LE 27 MAI 1980, X... ADRESSAIT A UN CERTAIN NOMBRE DE DESTINATAIRES, UNE LETTRE CIRCULAIRE DONT L'OBJET ETAIT DE RECRUTER DES ABONNES ET DES ANNONCEURS POUR SES DEUX PUBLICATIONS, AU DOS DE LAQUELLE ETAIT IMPRIME CE TEXTE : NOUS VOUDRIONS ATTIRER VOTRE ATTENTION SUR LA PRATIQUE ANTI-COMMERCIALE DE CERTAINES SOCIETES GRAVITANT DANS LE DOMAINE BIO-MEDICAL. VOUS NE LES TROUVEREZ PAS DANS L'ANNUAIRE DES LABORATOIRES D'ANALYSES DE BIOLOGIE MEDICALE NI DANS LA REVUE FRANCAISE DES LABORATOIRES QUI S'HONORENT DE N'AVOIR QUE DES SOCIETES DIGNES DE CE NOM. ALORS, RENVOYEZ-NOUS LA CARTE CI-JOINTE POUR VOUS ABONNER - ET N'OUBLIEZ PAS QUE VOUS POUVEZ TROUVER L'ABA 100, NEUF POUR MOINS DE 80 000 F TTC. LA PRESSE, C'EST AUSSI CELA ! NOTRE BUT EST DE VOUS INFORMER ;
ATTENDU QUE LE 9 JUILLET 1980, LA SOCIETE ABBOTT, QUI FABRIQUE L'APPAREIL DENOMME ABA 100 S'ESTIMANT ATTEINTE DANS SON HONNEUR ET SA CONSIDERATION, PORTAIT PLAINTE AVEC CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE, POUR DIFFAMATION PUBLIQUE ENVERS UN PARTICULIER, CONTRE X... ;
QUE CETTE PLAINTE, QUI REPOND AUX PRESCRIPTIONS DE L'ARTICLE 50 DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881, A VALABLEMENT MIS L'ACTION PUBLIQUE EN MOUVEMENT, LA CONSIGNATION EXIGEE PAR L'ARTICLE 88 DU CODE DE PROCEDURE PENALE AYANT ETE REGULIEREMENT VERSEE ;
QUE DANS SON REQUISITOIRE INTRODUCTIF, LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE S'EST BORNE A SE REFERER A LADITE PLAINTE ;
ATTENDU QUE LE JUGE D'INSTRUCTION A INCULPE X... DE DIFFAMATION PUBLIQUE ENVERS PARTICULIER ET POUR L'ENCART PARU DANS LA REVUE DE MAI 1980 ET POUR LA LETTRE-CIRCULAIRE ;
QUE, PAR ORDONNANCE CONFORME AUX REQUISITOIRES DU MINISTERE PUBLIC, IL A RENVOYE L'INCULPE DEVANT LE TRIBUNAL CORRECTIONNEL ;
QU'IL RESSORT DE L'ARRET ATTAQUE QUE LA COUR A RETENU CES DEUX INFRACTIONS ;
MAIS ATTENDU QUE, DANS SA PLAINTE INITIALE, LA SOCIETE ABBOTT, APRES AVOIR REPRODUIT LE TEXTE INTEGRAL INSERE DANS LA REVUE FRANCAISE DES LABORATOIRES, N'A PAS QUALIFIE CET ECRIT, SE BORNANT A ALLEGUER QUE CET ENCART AVAIT POUR BUT ET POUR CONSEQUENCE DE LUI CAUSER UN PREJUDICE ET N'A VISE AUCUN TEXTE DE LOI APPLICABLE A LA POURSUITE TANDIS QUE POUR LA LETTRE-CIRCULAIRE, APRES AVOIR REPRIS LE TEXTE EN CAUSE, LA PARTIE CIVILE A FORMELLEMENT INDIQUE QUE LES ALLEGATIONS CONTENUES DANS CETTE CIRCULAIRE CONSTITUAIENT LE DELIT DE DIFFAMATION PUBLIQUE ENVERS UN PARTICULIER PREVU ET REPRIME PAR LES ARTICLES 23, 29 ALINEA 1, ET 32 ALINEA 1 DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881 ;
QU'AINSI, LE JUGE D'INSTRUCTION A EXCEDE LES LIMITES DE SA SAISINE ET LA COUR A STATUE, A TORT, SUR LES DEUX FAITS DE DIFFAMATION RETENUS DANS L'ORDONNANCE DE RENVOI AU LIEU D'ECARTER CEUX NON ARTICULES ET QUALIFIES PAR LE PLAIGNANT ;
QUE, PAR AILLEURS, SI LE TEXTE REPRODUIT AU DOS DE LA LETTRE-CIRCULAIRE PEUT EFFECTIVEMENT ETRE CONSIDERE COMME SUSCEPTIBLE D'ETRE DIFFAMATOIRE PAR LE RAPPROCHEMENT QU'IL SUSCITE ENTRE LES PROPOS RELATIFS AUX PRATIQUES ANTICOMMERCIALES DE CERTAINES SOCIETES GRAVITANT DANS LE DOMAINE BIOMEDICAL, LESQUELLES NE FIGURENT PAS DANS L'ANNUAIRE ET LA REVUE QUI S'HONORENT DE N'AVOIR QUE DES SOCIETES DIGNES DE CE NOM ET LA PHRASE TERMINALE DONT ON POURRAIT SE DEMANDER SANS CELA QUELLE PEUT ETRE SA RAISON D'ETRE : "ET N'OUBLIEZ PAS QUE VOUS POUVEZ TROUVER L'ABA 100 POUR MOINS DE 80 000 F TTC", IL N'EN DEMEURE PAS MOINS QUE, QUEL QUE SOIT LE NOMBRE DE CIRCULAIRES EXPEDIEES, L'ARRET ATTAQUE, FAUTE DE S'ETRE EXPLIQUE SUR LES CONDITIONS ET LES CIRCONSTANCES DE LA DIFFUSION DE CET ECRIT, A MIS LA COUR DE CASSATION DANS L'IMPOSSIBILITE DE S'ASSURER QUE CETTE DIFFUSION REPONDAIT AUX PRESCRIPTIONS DES ARTICLES 23 ET 29 DE LA LOI DU 29 JUILLET 1881 ;
D'OU IL SUIT QUE POUR AVOIR MECONNU LE SENS ET LA PORTEE DES TEXTES ET DES PRINCIPES CI-DESSUS RAPPELES, L'ARRET ENCOURT LA CASSATION, LAQUELLE NE SAURAIT ETRE QUE TOTALE ET AVEC RENVOI EU EGARD AUX DOMMAGES ET INTERETS ALLOUES A LA PARTIE CIVILE ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE L'ARRET DU 5 MAI 1982 DE LA COUR D'APPEL DE PARIS, SAUF EN CE QUI CONCERNE LA CONSTATATION DE L'AMNISTIE PAR APPLICATION DE LA LOI DU 4 AOUT 1981, ET POUR ETRE STATUE A NOUVEAU, CONFORMEMENT A LA LOI, DANS LES LIMITES DE LA CASSATION AINSI PRONONCEE, RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL DE VERSAILLES, A CE DESIGNEE PAR DELIBERATION SPECIALE PRISE EN CHAMBRE DU CONSEIL.