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03/11/1982 | FRANCE | N°82-90522

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 03 novembre 1982, 82-90522


STATUANT SUR LE POURVOI COMMUN FORME PAR :
- X... YVES ET LA SOCIETE X... PARFUMS,
CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE PARIS (9E CHAMBRE) EN DATE DU 22 DECEMBRE 1981 QUI, POUR REFUS DE VENTE, A CONDAMNE LE PREMIER A 20 000 FRANCS D'AMENDE ET A DES REPARATIONS CIVILES ET A DECLARE LADITE SOCIETE SOLIDAIREMENT RESPONSABLE ;
VU LES MEMOIRES PRODUITS EN DEMANDE ET EN DEFENSE ;
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION ET FAUSSE APPLICATION DES ARTICLES 37-1° DE L'ORDONNANCE DU 30 JUIN 1945 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE,

EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A DECLARE PUNISSABLE LE REFUS DE V...

STATUANT SUR LE POURVOI COMMUN FORME PAR :
- X... YVES ET LA SOCIETE X... PARFUMS,
CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE PARIS (9E CHAMBRE) EN DATE DU 22 DECEMBRE 1981 QUI, POUR REFUS DE VENTE, A CONDAMNE LE PREMIER A 20 000 FRANCS D'AMENDE ET A DES REPARATIONS CIVILES ET A DECLARE LADITE SOCIETE SOLIDAIREMENT RESPONSABLE ;
VU LES MEMOIRES PRODUITS EN DEMANDE ET EN DEFENSE ;
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION PRIS DE LA VIOLATION ET FAUSSE APPLICATION DES ARTICLES 37-1° DE L'ORDONNANCE DU 30 JUIN 1945 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A DECLARE PUNISSABLE LE REFUS DE VENTE, OPPOSE PAR UN FABRICANT DE PARFUMS DE LUXE, LIE PAR CONTRAT DE DISTRIBUTION SELECTIVE AVEC DES DISTRIBUTEURS AGREES, AUX MOTIFS QUE SI UN CONTRAT DE CONCESSION EXCLUSIVE PEUT RENDRE JURIDIQUEMENT INDISPONIBLES LES PRODUITS DU CONCEDANT ET PERMETTRE A CELUI-CI D'OPPOSER UN REFUS DE VENTE A UN TIERS, ENCORE EST-IL INDISPENSABLE QUE SOIT ETABLI AVEC CERTITUDE LE CARACTERE D'UN TEL CONTRAT, C'EST-A-DIRE QUE LE CONCEDANT DOIT S'ENGAGER A NE PAS VENDRE A UN CONCURRENT ACTUEL OU EVENTUEL DU CONCESSIONNAIRE ET A NE PAS CREER D'AUTRES CONCESSIONS DANS LA ZONE ATTRIBUEE, LE CONCESSIONNAIRE DE SON COTE ACCEPTANT DE S'ABSTENIR DE VENDRE LES PRODUITS CONCURRENTS DE CEUX DU CONCEDANT ;
QUE LE CONCEDANT NE S'ETANT PAS INTERDIT DE FOURNIR DES PRODUITS A D'AUTRES REVENDEURS ET LE CONTRAT N'INTERDISANT PAS AU CONCESSIONNAIRE DE COMMERCIALISER DES PRODUITS CONCURRENTS, LA CONDITION TENANT A CETTE DOUBLE EXCLUSIVITE N'ETAIT PAS REMPLIE, ALORS QU'UN CONTRAT DE CONCESSION PEUT RENDRE LES PRODUITS QU'IL CONCERNE JURIDIQUEMENT INDISPONIBLES DES LORS QUE LES PARTIES ONT RECIPROQUEMENT LIMITE LEUR LIBERTE COMMERCIALE ;
QUE CETTE LIMITATION N'EXIGE PAS NECESSAIREMENT UNE DOUBLE EXCLUSIVITE DE VENTE ET D'APPROVISIONNEMENT, MAIS PEUT RESULTER DE L'ECONOMIE GENERALE DU CONTRAT ET DES OBLIGATIONS QUE S'IMPOSENT MUTUELLEMENT LES PARTIES ;
QUE LA COUR D'APPEL NE POUVAIT DONC EN L'ESPECE REFUSER D'EXAMINER LES STIPULATIONS CONTRACTUELLES SANS RECHERCHER SI, COMME LE SOUTENAIENT LES APPELANTS, ELLES NE CONSACRAIENT PAS, EN DEHORS MEME D'UNE EXCLUSIVITE, UNE LIMITATION RECIPROQUE DE LEUR LIBERTE COMMERCIALE PAR LES PARTIES ;
VU LESDITS ARTICLES ;
ATTENDU QU'UN CONTRAT DE DISTRIBUTION SELECTIVE EST CELUI PAR LEQUEL, D'UNE PART, LE FOURNISSEUR S'ENGAGE A APPROVISIONNER DANS UN SECTEUR DETERMINE UN OU PLUSIEURS COMMERCANTS QU'IL CHOISIT EN FONCTION DE CRITERES OBJECTIFS DE CARACTERE QUALITATIF, SANS DISCRIMINATION ET SANS LIMITATION QUANTITATIVE INJUSTIFIEES, ET PAR LEQUEL, D'AUTRE PART, LE DISTRIBUTEUR EST AUTORISE A VENDRE D'AUTRES PRODUITS CONCURRENTS ;
QU'UN TEL CONTRAT, S'IL EST ETABLI QU'IL N'A PAS POUR OBJET OU POUR EFFET MEME INDIRECT, DE LIMITER LA LIBERTE DU REVENDEUR DE FIXER LUI-MEME, COMME IL L'ENTEND, LE PRIX DE VENTE DU PRODUIT, MAIS QU'IL TEND AU CONTRAIRE ESSENTIELLEMENT PAR LES OBLIGATIONS RECIPROQUES QUE S'IMPOSENT LES CO-CONTRACTANTS A ASSURER, SPECIALEMENT DANS LE COMMERCE DE PRODUITS REQUERANT UNE HAUTE TECHNICITE OU DANS CELUI D'ARTICLES DE MARQUE OU DE LUXE, UN MEILLEUR SERVICE AU CONSOMMATEUR, PEUT LICITEMENT AVOIR POUR EFFET DE RENDRE JURIDIQUEMENT DISPONIBLE A L'EGARD DES TIERS, LA MARCHANDISE DETENUE PAR LE FOURNISSEUR ET, DES LORS, DE LEGITIMER LE REFUS DE VENTE AU REGARD DE L'ARTICLE 37 PARAGRAPHE 1ER A) DE L'ORDONNANCE N° 45-1483 DU 30 JUIN 1945 ;
ATTENDU QU'IL APPERT DE L'ARRET ATTAQUE QUE DE NOVEMBRE 1972 A JUIN 1975 Y... CHRISTIANE, EPOUSE Z..., GERANTE DE LA SARL DUO QUI EXPLOITE UN MAGASIN DE PARFUMERIE A STRASBOURG, A DEMANDE A LA SOCIETE X... PARFUMS DONT X... YVES EST LE PRESIDENT, DE LUI FOURNIR DES PRODUITS DE SA MARQUE ;
QUE CE DERNIER A REFUSE D'EXECUTER CES COMMANDES, EN FAISANT ETAT DU CARACTERE ET DE LA NATURE DU CONTRAT LE LIANT A SES DISTRIBUTEURS AGREES ;
ATTENDU QUE DANS SES CONCLUSIONS D'APPEL, LE PREVENU A ALLEGUE QU'AUX TERMES DE CE CONTRAT DE CONCESSION, LE CONCEDANT SUBORDONNE SON DROIT D'AUGMENTER LE NOMBRE DE CONCESSIONNAIRES A UN ACCROISSEMENT DE LA CLIENTELE POTENTIELLE DANS LE SECTEUR POUR LEQUEL LA CONCESSION EST ACCORDEE ET S'OBLIGE A REPRENDRE LES PRODUITS DEFRAICHIS AINSI QUE LE STOCK EN FIN DE CONTRAT, TANDIS QUE LE CONCESSIONNAIRE S'ENGAGE A REALISER UN VOLUME DE VENTES MINIMUM ET A CONSACRER LES MEILLEURS EMPLACEMENTS DE SES VITRINES AUX PRODUITS DE LA MARQUE ;
QUE LES PARTIES LIMITANT LEUR PROPRE LIBERTE COMMERCIALE, MEME SI CETTE CONCESSION EST PARTAGEE ENTRE PLUSIEURS CONCESSIONNAIRES, UN TEL CONTRAT A POUR EFFET, SELON LE PREVENU, DE RENDRE JURIDIQUEMENT INDISPONIBLES A L'EGARD DES TIERS LES MARCHANDISES RESERVEES AUX DISTRIBUTEURS AGREES ET REND LEGITIME LE REFUS DE VENDRE ;
MAIS ATTENDU QUE, POUR RETENIR X... DANS LES LIENS DE LA PREVENTION ET ALLOUER DES DOMMAGES ET INTERETS A LA PARTIE CIVILE, LA COUR D'APPEL, REJETANT LES CONCLUSIONS DU PREVENU, ENONCE QUE SI, DANS DES CONDITIONS QUE PRECISE L'ARRET, UN CONTRAT DE CONCESSION EXCLUSIVE PEUT RENDRE JURIDIQUEMENT INDISPONIBLES LES PRODUITS DU CONCEDANT ET PERMETTRE A CELUI-CI D'OPPOSER UN REFUS DE VENTE A UN TIERS, ENCORE FAUT-IL QUE SOIT STIPULE DANS LE CONTRAT QUE LE CONCEDANT DOIT S'ENGAGER A NE PAS VENDRE A UN CONCURRENT ACTUEL OU EVENTUEL DU CONCESSIONNAIRE ET A NE PAS CREER D'AUTRES CONCESSIONS DANS LA ZONE ATTRIBUEE ET QUE LE CONCESSIONNAIRE ACCEPTE DE S'ABSTENIR DE COMMERCIALISER DES PRODUITS D'UNE AUTRE MARQUE QUE CELLE DU CONCEDANT ;
QUE LE CONTRAT DONT FAIT ETAT LE PREVENU NE CONTENANT PAS DE TELLES OBLIGATIONS A LA CHARGE DES PARTIES, NE PEUT ETRE CONSIDERE COMME UN CONTRAT DE CONCESSION EXCLUSIVE DE NATURE A JUSTIFIER UN REFUS DE VENDRE A DES TIERS ;
QU'EN STATUANT AINSI, LA COUR D'APPEL A MECONNU LES PRINCIPES SUSENONCES ;
QUE DES LORS, L'ARRET ENCOURT LA CASSATION ;
PAR CES MOTIFS ;
CASSE ET ANNULE DANS TOUTES SES DISPOSITIONS L'ARRET DE LA COUR D'APPEL DE PARIS EN DATE DU 22 DECEMBRE 1981 ET, POUR ETRE STATUE A NOUVEAU CONFORMEMENT A LA LOI, RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL DE VERSAILLES, A CE DESIGNEE PAR DELIBERATION SPECIALE PRISE EN CHAMBRE DU CONSEIL.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 82-90522
Date de la décision : 03/11/1982
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

REGLEMENTATION ECONOMIQUE - Refus de vente - Caractère légitime - Contrat de distribution sélective - Indisponibilité juridique de la marchandise - Conditions.

Un contrat de "distribution sélective" est celui par lequel, d'une part, le fournisseur s'engage à approvisionner dans un secteur déterminé un ou plusieurs commerçants qu'il choisit en fonction de critères objectifs de caractère qualitatif, sans discrimination et sans limitation quantitative injustifiées, et par lequel, d'autre part, le distributeur est autorisé à vendre d'autres produits concurrents. Un tel contrat, s'il est établi qu'il n'a pas pour objet ou pour effet même indirect, de limiter la liberté du revendeur de fixer lui-même le prix de vente du produit, mais qu'il tend, au contraire, essentiellement, par les obligations réciproques que s'imposent les cocontractants, à assurer, spécialement dans le commerce des produits requérant une haute technicité ou dans celui d'articles de marque ou de luxe, un meilleur service au consommateur, peut avoir pour effet de rendre juridiquement indisponible à l'égard des tiers, la marchandise détenue par le fournisseur et, dès lors, de légitimer le refus de vente au regard de l'article 37 paragraphe 1er a) de l'ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945. En conséquence, encourt la cassation l'arrêt qui condamne un fournisseur du chef de refus de vente, au motif que le contrat dit de "concession" dont il fait état pour refuser à un tiers d'exécuter sa commande, ne contenait pas la clause interdisant d'une part au concédant de créer d'autres concessions dans la zone attribuée et d'autre part au concessionnaire de commercialiser des produits concurrents et que, dès lors, un tel contrat n'avait pas pour effet de rendre juridiquement indisponible au regard des tiers la marchandise détenue par le vendeur et, partant, de légitimer un refus de vente (1).


Références :

Ordonnance 45-1483 du 30 juin 1945 ART. 37 PAR. 1 a

Décision attaquée : Cour d'appel Paris (Chambre 9), 22 décembre 1981

(1) CF. Cour de Cassation (Chambre criminelle) 1962-07-11 Bulletin Criminel 1962 N. 244 p. 504 (CASSATION).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 03 nov. 1982, pourvoi n°82-90522, Bull. crim. N. 238
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle N. 238

Composition du Tribunal
Président : Pdt M. Escande CAFF
Avocat général : Av.Gén. M. Clerget
Rapporteur ?: Rpr M. Guérin
Avocat(s) : Av. Demandeur : MM. Barbey, Foussard

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1982:82.90522
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