Vu l'ordonnance, en date du 5 mai 1980, rendue par M. le Président de la Chambre Criminelle de la Cour de Cassation ; Vu le mémoire produit ;
SUR LE MOYEN UNIQUE DE CASSATION, pris de la violation des articles 1er et 2 du Code de procédure pénale, L. 411-II du Code du travail, L. 551, L. 556 et R. 5045 et suivants du Code de la santé publique, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale,
" En ce que, par l'arrêt infirmatif attaqué, la Cour d'appel de Versailles, statuant sur le seul appel de la partie civile, a déclaré celle-ci recevable en sa constitution et en sa mise en mouvement de l'action publique et, évoquant, a renvoyé les parties à comparaître à une audience ultérieure pour examen du bien-fondé de la poursuite tant sur l'action publique que sur l'action civile,
Aux motifs que le syndicat de la médecine générale, partie civile appelante, était recevable à engager contre les responsables d'un laboratoire pharmaceutique des poursuites pour infraction à la législation sur la publicité des médicaments, dès lors que même si le malade est l'ultime destinataire des produits dont la publicité est ainsi réglementée, ces produits n'en constituent pas moins les instruments de travail du médecin qui a intérêt à être exactement renseigné, de sorte que, bien que la réglementation en cause ait été édictée dans l'intérêt général, il ne s'ensuit pas nécessairement que sa violation ne puisse être de nature à causer un préjudice à l'intérêt collectif de la profession médicale ;
Alors qu'en ce qui concerne les médicaments et les établissements pharmaceutiques, il résulte des dispositions combinées des articles L. 551 et L. 556 du Code de la santé publique que sont réprimées les infractions à la réglementation concernant la publicité, laquelle s'adresse aux consommateurs, à l'exclusion de l'information de caractère scientifique adressée aux membres du corps médical ; que par son objet cette réglementation, qui comporte un étroit contrôle du ministre de la Santé publique, vise essentiellement à protéger la santé des personnes, qui pourrait être compromise par un abus ou par un mauvais usage des médicaments, ainsi que l'a admis le Conseil d'Etat dans un avis du 15 mars 1979 ; que le législateur n'a aucunement eu pour but de protéger les intérêts du corps médical, mais seulement les intérêts généraux des malades et de la santé publique, dont la protection est confiée au seul ministère public ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que si, aux termes de l'article L. 411-II du Code du travail, les syndicats professionnels peuvent, au nom de la profession qu'ils représentent, exercer tous les droits reconnus à la partie civile, c'est à la condition que les faits déférés au juge portent un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de ladite profession ;
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que le syndicat de la médecine générale a cité directement, devant le tribunal correctionnel, Roland X..., " président-directeur général " de la Société anonyme Euthérapie, ainsi que les docteurs en médecine Denis Y... et Georges Z... pour avoir adressé, par voie postale, à plusieurs médecins, une publicité en faveur d'un médicament régulièrement mis sur le marché, sans avoir préalablement obtenu le visa prévu par l'article R. 5047 du Code précité ;
Attendu que, pour déclarer recevable l'action civile ainsi engagée et déclarer par suite la régularité de la mise en mouvement de l'action publique, l'arrêt énonce que, si les dispositions du Code de la Santé publique visées dans la poursuite ont été édictées dans l'intérêt général, il ne s'ensuit pas nécessairement que la violation de ces dispositions ne puisse être de nature à causer un préjudice à l'intérêt collectif de la profession médicale ;
Attendu cependant que les dispositions de l'article L. 551 alinéa 1er du Code de la santé publique, ayant été édictées dans l'intérêt de la santé publique et non dans celui de la profession médicale, leur violation n'est pas, au sens de l'article L. 411-II du Code du travail, de nature à porter à l'intérêt collectif de cette profession l'un des préjudices prévus par ce dernier texte ; Que l'action civile, ayant été irrégulièrement engagée, n'a pu mettre en mouvement l'action publique ; Que, dès lors, l'arrêt, déclarant recevable l'action du syndicat de la médecine générale, encourt la cassation de ce chef ;
PAR CES MOTIFS ; Casse et annule, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de Versailles, en date du 12 février 1980 ; Dit n'y avoir lieu à renvoi.