Sur les deux moyens réunis :
Vu les articles 544 du Code civil et 808 et 809 du nouveau Code de procédure civile,
Attendu que ses dix chauffeurs ayant, le 31 mai 1976, cessé le travail pour appuyer une revendication de salaire et placé leurs camions chargés à l'entrée de son dépôt pour en interdire l'accès, la société Descours et Cabaud a demandé au juge des référés qu'il soit mis fin à cette situation, constitutive d'une voie de fait ;
Attendu que, tout en prescrivant le déplacement de ces camions, l'arrêt attaqué a décidé que l'employeur ne pourrait pas recourir, pour les besoins de son exploitation, aux services d'entrepreneurs de transports indépendants et lui a refusé la restitution des clefs de ses propres véhicules, retenues par les grévistes, aux motifs, d'une part que la loi ne lui permettait pas de faire appel à du personnel de remplacement, d'autre part que, dès lors que, faute de chauffeurs, les camions ne pourraient circuler tant que durerait la grève, le droit de propriété invoqué par la société dans le but d'obtenir la restitution des clefs constituait un usage de ce droit à d'autres fins que celles correspondant à sa destination, en sorte que la rétention des clefs par les grévistes n'apparaissait pas manifestement illicite ;
Attendu cependant, que la grève des chauffeurs n'interdisait pas à la société Descours et Cabaud d'user et de disposer de ses véhicules et de recourir, sinon à du personnel d'entreprise de travail temporaire, ce qu'interdit en pareil cas l'article L 124-2 du Code du travail, du moins à tout autre salarié ou à d'autres entreprises de transports ; que le droit de la société de ce chef était conforme à la destination du matériel et à l'objet de l'exploitation et que le juge des référés ne pouvait refuser de le protéger ; que les mesures sollicitées, justifiées par l'existence d'un différend, s'imposaient pour prévenir un dommage iminent et pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE et ANNULE, l'arrêt rendu entre les parties par la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, le 8 juillet 1976 ; remet, en conséquence, la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Nîmes, à ce désignée par délibération spéciale prise en la Chambre du conseil ;