La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/02/1979 | FRANCE | N°78-90766

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 05 février 1979, 78-90766


La Cour, Vu les mémoires produits en demande et en défense ; SUR LE
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
ET LA SECONDE BRANCHE DU
SECOND MOYEN DE CASSATION :
, REUNIS et pris :
LE PREMIER : de la violation des articles 39 à 39 octodecies, 1741 et 1743 du code général des impôts, 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 388 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, des articles 2 et suivants de la loi du 29 décembre 1977, défaut de motifs et manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le sieur Roger X..., géra

nt de la société SERAM, pour fraude fiscale et passation d'écritures i...

La Cour, Vu les mémoires produits en demande et en défense ; SUR LE

PREMIER MOYEN DE CASSATION :
ET LA SECONDE BRANCHE DU
SECOND MOYEN DE CASSATION :
, REUNIS et pris :
LE PREMIER : de la violation des articles 39 à 39 octodecies, 1741 et 1743 du code général des impôts, 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, 388 et 593 du Code de procédure pénale, violation des droits de la défense, des articles 2 et suivants de la loi du 29 décembre 1977, défaut de motifs et manque de base légale,
" en ce que l'arrêt attaqué a condamné le sieur Roger X..., gérant de la société SERAM, pour fraude fiscale et passation d'écritures inexactes ; aux motifs que le " prévenu a rétribué (un agent commercial) pour transférer à la société SERAM un nouvel élément d'actif qui d'ailleurs avait un rapport très lointain avec l'objet social ; qu'il s'agissait en fait d'une acquisition déguisée qui, dans ces conditions, n'était pas déductible pour la détermination du bénéfice imposable au sens des articles 39 à 39 octodecies du Code général des impôts, la dépense ayant pour contrepartie l'entrée dans l'entreprise d'une immobilisation incorporelle égale à la valeur d'apport de la concession par un tiers ; que X... a donc volontairement dissimulé par ce subterfuge une somme de 84 351 Francs sujette à l'impôt sur les sociétés et bien supérieure à la tolérance légale " ; " qu'en inscrivant ou faisant inscrire en comptabilité, sous la forme de commissions " différentielles " déclarées sur l'ancien état 2460 comme charges déductibles, le prix convenu pour le paiement fractionné d'un nouvel élément d'actif, X... Roger s'est également rendu coupable de passation d'écritures inexactes reportées au journal général et au livre d'inventaires " ;
" alors, d'une part, que les tribunaux correctionnels ne peuvent statuer légalement que sur les faits relevés par l'ordonnance qui les a saisis ; que ce principe, ainsi que le droit de toute personne à ce que sa cause soit entendue équitablement et celui d'être informée de la nature et de la cause de l'accusation portée contre elle, excluent notamment que, saisis d'une poursuite pour fraude fiscale fondée sur la " création de charges fictives " les juges correctionnels prétendent justifier la condamnation qu'ils prononcent, non par le caractère fictif des charges en question, mais par la circonstance que les charges auraient pour contrepartie un accroissement de l'actif immobilisé de l'entreprise ;
" que, cette prohibition s'applique avec d'autant plus de rigueur lorsque, comme en l'espèce, le moyen n'a jamais été invoqué ni par la partie civile, ni par le Ministère public, de sorte que le prévenu n'a pas été en mesure de faire connaître ses observations ;
" qu'en statuant ainsi qu'elle l'a fait, la Cour d'appel a commis une violation des droits de la défense et privé sa décision de base légale ;
" alors, d'autre part, que la notion d'accroissement de l'actif immobilisé de l'entreprise suppose la constitution ou l'acquisition de biens et valeurs destinés à rester durablement sous la même forme dans l'entreprise ; qu'à défaut de rémunérer la cession d'un bien ou d'une valeur de cette nature, les frais encourus par l'entreprise pour son développement doivent être imputés sur les résultats de l'exercice au cours duquel ils sont engagés ; qu'il en est notamment ainsi pour les frais de promotion d'une nouvelle activité par le personnel ou les agents de l'entreprise ; que, comme le faisait valoir le prévenu dans ses conclusions, les sommes litigieuses ont été versées à un agent " consacrant tout son temps au lancement d'un nouveau produit " de manière à " compenser ce travail momentanément non rentable " ; qu'il ne s'agissait donc point de rémunérer l'apport d'un fonds de commerce, d'un droit de propriété industrielle ou commerciale, ni même d'une concession auquel le bénéficiaire des versements n'avait aucun titre, mais le seul travail de ce dernier ; que, par suite, les sommes litigieuses constituaient bien, à l'évidence, dans l'hypothèse où s'est placé l'arrêt, une charge déductible du bénéfice imposable au sens de l'article 39 du Code général des impôts ; qu'en méconnaissant ce caractère, la Cour d'appel, qui a cru devoir s'écarter de la position adoptée par l'administration fiscale, a violé le texte susvisé ;
" alors, de troisième part, qu'à supposer même que les conceptions fiscales de la Cour d'appel puissent être retenues, la décision attaquée ne pouvait se dispenser de rechercher si les sommes litigieuses n'étaient pas également déductibles au titre des frais de premier établissement, circonstances sur lesquelles la Cour d'appel ne pouvait être éclairée qu'après avoir régulièrement sollicité les explications des parties ;
" alors, enfin et de toute façon, qu'il résulte des dispositions les plus récentes de la loi du 29 décembre 1977, applicable en l'espèce, qu'il incombe au Ministère public " de rapporter la preuve du caractère intentionnel " de la soustraction au paiement de l'impôt ;
" qu'à supposer même que la qualification des charges litigieuses proposée par la Cour d'appel puisse être retenue, il ne résulte d'aucun des motifs de la décision attaquée que le prévenu aurait sciemment donné une qualification erronée aux sommes qu'il déduisait du bénéfice imposable ; que cette omission de constater le moindre élément intentionnel des infractions respectivement prévues par les articles 1741 et 1743 du Code général des impôts prive l'arrêt attaqué de base légale ; "
ET LA SECONDE BRANCHE DU SECOND MOYEN : de la violation de l'article 19 de la loi du 29 décembre 1977 en ce que l'arrêt attaqué a décidé que le demandeur serait tenu au montant de l'impôt fraudé et des pénalités fiscales y afférentes alors que dès l'instant où elle n'avait pas caractérisé la mauvaise foi du prévenu ou l'emploi de manoeuvres frauduleuses dont la preuve pesait sur les parties poursuivantes, la Cour d'appel ne pouvait, sans violer l'article 19 de la loi du 29 décembre 1977, faire droit sans réserve aux prétentions de l'administration relatives aux pénalités fiscales ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que X... Roger, gérant de la société SERAM, a comptabilisé dans les livres de la société comme constituant une rémunération payée à Y..., un de ses agents commerciaux, une somme de 84 351 francs, dont il a été établi qu'elle représentait en réalité le prix de l'acquisition par la société d'un droit d'exclusivité de vente avec une firme allemande dont Y... était le bénéficiaire ; qu'il a ensuite dans sa déclaration au titre de l'impôt sur les sociétés déduit indûment cette somme du bénéfice imposable ; que, selon l'arrêt, X... a ainsi volontairement dissimulé par ce subterfuge une somme de 84 351 Francs sujette à l'impôt sur les sociétés et bien supérieure à la tolérance légale ;
Attendu que pour déclarer le demandeur coupable d'autre part de passation d'écritures inexactes, l'arrêt relève qu'en inscrivant ou faisant inscrire en comptabilité sous la forme de commissions " différentielles " déclarées sur l'ancien état 2460 comme charges déductibles, le prix convenu pour le paiement d'un nouvel élément d'actif ", X... a reporté au journal général et au livre inventaire des écritures comptables inexactes ;
Attendu que par ces énonciations qui répondent aux conclusions du demandeur et qui caractérisent en tous leurs éléments les délits de fraude fiscale et de passation d'écritures inexactes, la Cour d'appel a donné une base légale à sa décision, qu'en effet et contrairement à ce qui est soutenu au moyen, elle a statué dans la limite de sa saisine sur l'existence de charges d'exploitation qui ont eu pour effet de réduire le bénéfice imposable ; qu'en outre, en restituant aux commissions litigieuses leur nature exacte, elle n'a fait qu'user de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve soumis aux débats contradictoires ; qu'enfin elle a constaté l'existence du caractère intentionnel des délits sus-énoncés, conformément aux exigences de l'article 1741 du Code général des impôts et de l'article 2 paragraphe I de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977 ; que c'est à bon droit qu'elle s'est abstenue de faire application des dispositions de l'article 19 de la même loi qui n'ont trait qu'au seul contentieux fiscal ; Que dès lors les moyens ne sauraient être accueillis ;
MAIS SUR LA PREMIERE BRANCHE DU
SECOND MOYEN DE CASSATION :
, pris de la violation des articles 13 et 19 de la loi du 29 décembre 1977, fausse application de l'article 1750 du Code général des impôts, de l'article 593 du Code de procédure pénale, manque de base légale, " en ce que l'arrêt infirmatif attaqué a énoncé qu'il y avait lieu d'ordonner que la durée de l'interdiction d'exercer toute profession commerciale et industrielle, dont le prévenu avait été frappé à titre provisoire par arrêté interministériel, serait fixée à cinq ans et a décidé que le demandeur serait tenu au montant de l'impôt fraudé et des pénalités fiscales y afférentes ; "
" alors, d'une part, que par l'effet de la loi du 29 décembre 1977, l'article 1750 du Code général des impôts ne pouvait plus recevoir application et qu'il appartenait au juge de déterminer seul s'il y avait lieu de prononcer, à titre de peine complémentaire, une interdiction professionnelle, qu'en tout état de cause, l'article 13 qui limite la durée d'une telle interdiction à un maximum de trois années et institue une peine plus légère que le texte précédent, interdisant à la Cour de PARIS de fixer la durée de la peine à cinq années ; "
Vu l'article 13 de la loi du 29 décembre 1977 ;
Attendu qu'aux termes dudit article, pour les délits en matière d'impôts directs, le tribunal peut à titre de peine complémentaire interdire au condamné d'exercer directement ou par personne interposée, pour son compte ou pour le compte d'autrui, toute profession industrielle, commerciale ou libérale, mais que la durée de cette interdiction ne peut excéder trois ans ; qu'en outre ces nouvelles dispositions plus douces que celles prévues par l'article 1750-3 actuellement abrogé du Code général des impôts s'appliquent même pour les délits commis avant l'entrée en vigueur de ladite loi ;
Attendu qu'en fixant à 5 ans à compter de l'arrêté ministériel du 11 septembre 1973 l'interdiction provisoire d'exercer une profession industrielle ou commerciale, l'arrêt attaqué a violé les dispositions susvisées et encourt dès lors sur ce point la cassation ;
PAR CES MOTIFS ; CASSE ET ANNULE l'arrêt susvisé de la Cour d'appel de PARIS du 10 janvier 1978, mais seulement par voie de retranchement en celles de ses dispositions qui ont condamné X... à la peine complémentaire d'interdiction d'exercer pendant cinq ans à compter de l'arrêté ministériel du 11 septembre 1973, toute profession industrielle ou commerciale, toutes autres dispositions dudit arrêt étant expressément maintenues ; Dit n'y avoir lieu à renvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 78-90766
Date de la décision : 05/02/1979
Sens de l'arrêt : Cassation partielle rejet cassation cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1) FRAUDES FISCALES - Contributions directes - Soustraction frauduleuse à l'établissement ou au payement des impôts - Intention coupable - Preuve - Loi du 29 décembre 1977 (article 2 paragraphe 1).

FRAUDES FISCALES - Pénalités - Contributions directes - Pénalités fiscales - Solidarité avec le redevable de l'impôt fraudé - Contestation - Mauvaise foi - Preuve - Loi du 29 décembre 1977 - Article 19 - Portée - * FRAUDES FISCALES - Contributions indirectes - Soustraction frauduleuse à l'établissement ou au payement des impôts - Intention coupable - Preuve - Loi du 29 décembre 1977 (article 2 paragraphe 1).

Aux termes de l'article 2 paragraphe 1 de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977, il incombe aux parties poursuivantes, ministère public et administration, de rapporter la preuve du caractère intentionnel soit de la soustraction soit de la tentative de soustraction à l'établissement ou au paiement des impôts, visés aux articles 1741 et 1743 du Code général des impôts. Mais c'est à bon droit qu'une Cour d'appel s'est abstenue de faire application des dispositions de l'article 19 de la même loi, qui exigent de l'administration la preuve de la mauvaise foi ou de manoeuvres frauduleuses, en cas de contestation juridictionnelle des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts et taxes mentionnés à l'article 1er de ladite loi, les dispositions de l'article 19 n'ayant trait qu'au seul contentieux fiscal.

2) FRAUDES FISCALES - Contributions directes - Pénalités - Peine complémentaire de l'interdiction temporaire de l'exercice d'une profession industrielle - commerciale ou libérale - Peine prononcée par la juridiction correctionnelle - Loi du 29 décembre 1977 (article 13) - Application immédiate.

LOIS ET REGLEMENTS - Application dans le temps - Loi plus douce - Application immédiate - Contributions indirectes - Fraudes fiscales - Pénalités - Peine complémentaire de l'interdiction temporaire de l'exercice d'une profession industrielle - commerciale ou libérale - Peine prononcée par la juridiction correctionnelle - Loi du 29 décembre 1977 (article 13).

Aux termes de l'article 13 de la loi n° 77-1453 du 29 décembre 1977, qui se substitue à l'article 1750 du Code général des impôts, le tribunal, notamment pour les délits en matière d'impôts directs, peut, à titre de peine complémentaire, interdire et pour une durée qui ne peut excéder trois ans, d'exercer, directement, par personne interposée, pour son compte ou le compte d'autrui, toute profession industrielle, commerciale ou libérale. En vertu du 3e alinéa de l'article 13 susvisé, ces nouvelles dispositions s'appliquent même pour les délits commis avant l'entrée en vigueur de ladite loi. Dès lors, encourt la cassation l'arrêt rendu depuis cette date et qui a fixé à cinq ans la durée de l'interdiction temporaire d'exercer une profession commerciale ou industrielle.


Références :

(1)
(2)
CGI 1741
CGI 1743
CGI 1750 ABROGE
LOI 77-1453 du 29 décembre 1977 ART. 1
LOI 77-1453 du 29 décembre 1977 ART. 13 AL. 3
LOI 77-1453 du 29 décembre 1977 ART. 13 RC3
LOI 77-1453 du 29 décembre 1977 ART. 19
LOI 77-1453 du 29 décembre 1977 ART. 2 PAR. 1

Décision attaquée : Cour d'appel Paris (Chambre 9 ), 10 janvier 1978


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 05 fév. 1979, pourvoi n°78-90766, Bull. crim. N. 48 P. 135
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle N. 48 P. 135

Composition du Tribunal
Président : Pdt M. Mongin
Avocat général : Av.Gén. M. Dullin
Rapporteur ?: Rpr M. Guérin
Avocat(s) : Av. Demandeur : M. Célice

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1979:78.90766
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award