CASSATION SUR LE POURVOI FORME PAR X... (SUZANNE), PARTIE CIVILE, AGISSANT TANT EN SON NOM PERSONNEL QU'AU NOM DE SA FILLE MINEURE CORINNE, CONTRE UN ARRET DE LA COUR D'APPEL DE PARIS, 12E CHAMBRE, EN DATE DU 10 MAI 1974, QUI A, D'UNE PART, DEBOUTE LA DEMANDERESSE DE L'ACTION CIVILE PAR ELLE EXERCEE A TITRE PERSONNEL CONTRE Y... (JEAN-PIERRE), PREVENU D'HOMICIDE INVOLONTAIRE, ET QUI, D'AUTRE PART, N'A PAS ENTIEREMENT FAIT DROIT A L'ACTION EXERCEE CONTRE CE MEME PREVENU AU NOM DE SA FILLE MINEURE. LA COUR, VU LES MEMOIRES PRODUITS TANT EN DEMANDE QU'EN DEFENSE ;
SUR LE
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
PRODUIT PAR LA DEMANDERESSE AU NOM DE SA FILLE MINEURE CORINNE X... ET PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 1382 DU CODE CIVIL, 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, "EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A DECLARE OPPOSABLE A DEMOISELLE X... ES QUALITES LE PARTAGE DE RESPONSABILITE PRONONCE ENTRE X... ET Y... ;ALORS QUE TOUT INDIVIDU DECLARE COUPABLE D'UNE INFRACTION EST TENU DE REPARER POUR LE TOUT LE PREJUDICE QUI EN RESULTE POUR UNE VICTIME A L'ENCONTRE DE QUI AUCUNE FAUTE N'EST RETENUE, SANS DISTINGUER S'IL EN EST OU NON L'AUTEUR UNIQUE ;
ALORS QUE DEMOISELLE X..., QUI AGISSAIT EN QUALITE D'AYANT CAUSE NON DE X..., MAIS DE Z..., PASSAGER TRANSPORTE N'AYANT COMMIS AUCUNE FAUTE, NE POUVAIT SE VOIR OPPOSER LE PARTAGE DE RESPONSABILITE PRONONCE ENTRE X... ET Y..." ;
VU LESDITS ARTICLES ;
ATTENDU QUE TOUT INDIVIDU DECLARE COUPABLE D'UNE INFRACTION EST TENU DE REPARER POUR LE TOUT LE PREJUDICE QUI EN RESULTE POUR UNE VICTIME A LA CHARGE DE QUI AUCUNE FAUTE N'EST RETENUE, SANS DISTINGUER S'IL EN EST OU NON L'AUTEUR UNIQUE ;
ATTENDU QU'IL APPERT DE L'ARRET ATTAQUE QU'A LA SUITE DE LA COLLISION DES AUTOMOBILES RESPECTIVEMENT CONDUITES PAR Y... ET PAR X..., Z..., PASSAGER DE CE SECOND VEHICULE, A ETE MORTELLEMENT BLESSE ;
QUE LES CONDUCTEURS Y... ET X... ONT ETE TOUS DEUX DECLARES COUPABLES D'HOMICIDE INVOLONTAIRE ;
QU'UNE DEMANDE CIVILE A ETE FORMEE CONTRE Y... SEUL AU NOM DE LA MINEURE CORINNE X... EN REPARATION DU PREJUDICE RESULTANT POUR CELLE-CI DU DECES DE Z... QUI, DE SON VIVANT, SUBVENAIT A SES BESOINS ;
ATTENDU QU'APRES AVOIR EN CET ETAT OPERE UN PARTAGE DE RESPONSABILITE ENTRE Y... ET SON COPREVENU X... CONTRE LEQUEL IL S'ETAIT CONSTITUE PARTIE CIVILE, L'ARRET OPPOSE CE PARTAGE DE RESPONSABILITE A LA JEUNE CORINNE X..., N'ALLOUANT PAR SUITE A CETTE DERNIERE QU'UNE INDEMNITE EGALE AUX DEUX TIERS SEULEMENT DU MONTANT DE SON PREJUDICE ;
MAIS ATTENDU QUE, S'IL APPARTENAIT AUX JUGES D'EVALUER SOUVERAINEMENT, DANS LES LIMITES DE LA DEMANDE, LE MONTANT DES REPARATIONS DUES A CETTE PARTIE CIVILE, AUCUN TEXTE DE LOI NE LEUR PERMETTAIT DE LAISSER A SA CHARGE, ALORS QU'AUCUNE FAUTE N'ETAIT RETENUE CONTRE ELLE NI CONTRE LA VICTIME DE L'HOMICIDE, UNE PARTIE DU DOMMAGE QU'ELLE AVAIT SUBI PAR LE FAIT DU PREVENU ;
D'OU IL SUIT QUE, SANS QU'IL Y AIT LIEU D'EXAMINER LE DEUXIEME MOYEN RELATIF A L'INDEMNISATION DE LA MEME PARTIE CIVILE, LA CASSATION EST ENCOURUE DE CE CHEF ;
ET SUR LE
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
PRODUIT PAR LA DEMANDERESSE AGISSANT EN SON NOM PERSONNEL, ET PRIS DE LA VIOLATION DES ARTICLES 1382 DU CODE CIVIL, 2, 3 ET 593 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, DEFAUT DE REPONSE AUX CONCLUSIONS VISEES PAR LE PRESIDENT, DEFAUT DE MOTIFS ET MANQUE DE BASE LEGALE, "EN CE QUE L'ARRET ATTAQUE A DEBOUTE DEMOISELLE X... DE SA DEMANDE D'INDEMNISATION DU PREJUDICE PAR ELLE SUBI A LA SUITE DU DECES DE SON CONCUBIN, AU MOTIF QUE LE DEFUNT Z..., S'IL VIVAIT EN CONCUBINAGE DEPUIS PLUSIEURS ANNEES AVEC DEMOISELLE X..., ETAIT ENCORE ENGAGE DANS LES LIENS DU MARIAGE, QU'AINSI CE CONCUBINAGE ETAIT ENTACHE D'ADULTERE ET PRESENTAIT UN CARACTERE ILLICITE ET QU'IL N'Y AVAIT PAS LIEU D'INDEMNISER DEMOISELLE X... A LA SUITE DU DECES DE SON CONCUBIN ;ALORS, D'UNE PART, QUE LES CONCLUSIONS D'APPEL, DEMEUREES SANS REPONSE, SOUTENAIENT QUE LE NOUVEAU FOYER S'ETAIT CONSTITUE APRES SEPARATION AMIABLE DES EPOUX Z... ET QUE LA DAME Z..., QUI SEULE POURRAIT S'EN PREVALOIR, N'AVAIT JAMAIS INVOQUE SON CARACTERE ILLEGITIME ;
ALORS, D'AUTRE PART, QUE FAUTE PAR LA COUR DE RECHERCHER SI LE DOMICILE COMMUN Z... DEMOISELLE X... DEVAIT ETRE CONSIDERE COMME LE DOMICILE CONJUGAL DE Z..., ELLE N'A PAS ETABLI LE CARACTERE DELICTUEUX DU CONCUBINAGE ;
ALORS, AU SURPLUS, QUE LA COUR A CONSTATE QUE LE DEFUNT AVAIT MANIFESTE L'INTENTION DE DIVORCER D'AVEC SON EPOUSE DANS LE BUT DE REGULARISER SA SITUATION A L'EGARD DE SA CONCUBINE ET DE SA FILLE, QU'IL S'ENSUIT QUE C'EST LA FAUTE DE Y..., ENTRAINANT LE DECES DE Z..., QUI A EMPECHE LA CESSATION DE L'ETAT DE CONCUBINAGE ET LA CREATION D'UNE NOUVELLE UNION LEGITIME" ;
VU LESDITS ARTICLES ;
ATTENDU QU'AUX TERMES DE L'ARTICLE 2 DU CODE DE PROCEDURE PENALE, L'ACTION CIVILE EN REPARATION DU DOMMAGE CAUSE PAR UN CRIME, UN DELIT, OU UNE CONTRAVENTION, APPARTIENT A TOUS CEUX QUI ONT PERSONNELLEMENT SOUFFERT DU DOMMAGE DIRECTEMENT CAUSE PAR L'INFRACTION ;
ATTENDU QU'IL RESULTE DES ENONCIATIONS DE L'ARRET QUE Z..., VICTIME DE L'HOMICIDE INVOLONTAIRE, ETAIT SEPARE DE SON EPOUSE, QU'IL VIVAIT MARITALEMENT DEPUIS PLUSIEURS ANNEES AVEC X... SUZANNE, ENVERS LAQUELLE IL AVAIT MANIFESTE L'INTENTION DE REGULARISER SA SITUATION A L'ISSUE D'UNE PROCEDURE DE DIVORCE, ET QUE TOUS DEUX ELEVAIENT ENSEMBLE LA FILLE NEE DE LEURS RELATIONS AINSI D'AILLEURS QUE L'UN DES ENFANTS ISSUS DU MARIAGE DE Z... ;
ATTENDU QUE, POUR REFUSER EN CET ETAT DE FAIRE DROIT A L'ACTION CIVILE DE LA DEMANDERESSE SUZANNE X..., LA COUR D'APPEL S'EST FONDEE SUR LE MOTIF REPRIS DES PREMIERS JUGES QUE SON CONCUBINAGE, ETANT ENTACHE D'ADULTERE, PRESENTAIT UN CARACTERE DELICTUEUX ;
MAIS ATTENDU QUE L'AUTEUR RESPONSABLE DE L'HOMICIDE NE POUVAIT ETRE ADMIS A SE PREVALOIR DU CARACTERE DELICTUEUX D'UN ETAT DE FAIT TOUCHANT A LA VIE PRIVEE DE LA PARTIE ADVERSE ET QUE, D'APRES LES DISPOSITIONS COMBINEES DES ARTICLES 336, 337 ET 339 DU CODE PENAL, SEULE L'EPOUSE DE LA VICTIME AURAIT EU LEGALEMENT LA FACULTE DE DENONCER OU D'OPPOSER EN JUSTICE ;
QUE DES LORS, L'EXCEPTION TIREE D'UN TEL ETAT DELICTUEUX NE POUVAIT SOUSTRAIRE LE PREVENU AUX CONSEQUENCES CIVILES DE SA PROPRE RESPONSABILITE, NI PRIVER LA DEMANDERESSE, SI ELLE AVAIT PERSONNELLEMENT SOUFFERT DU DOMMAGE DIRECTEMENT CAUSE PAR L'INFRACTION, DE L'ACTION EN INDEMNISATION QUE LUI OUVRAIENT EN PAREIL CAS LES ARTICLES 1382 DU CODE CIVIL, 2 ET 418 DU CODE DE PROCEDURE PENALE ;
D'OU IL SUIT QUE LA CASSATION EST A NOUVEAU ENCOURUE ;
PAR CES MOTIFS : ET SANS QU'IL Y AIT LIEU DE STATUER SUR LE DEUXIEME MOYEN ;
CASSE ET ANNULE L'ARRET DE LA COUR D'APPEL DE PARIS, EN DATE DU 10 MAI 1974, MAIS SEULEMENT DANS SES DISPOSITIONS CONCERNANT LES ACTIONS CIVILES EXERCEES PAR LA DEMANDERESSE SUZANNE X..., TANT EN SON NOM PERSONNEL QU'EN SA QUALITE D'ADMINISTRATEUR LEGAL DE SA FILLE MINEURE CORINNE, TOUTES AUTRES DISPOSITIONS ETANT EXPRESSEMENT MAINTENUES, ET, POUR ETRE STATUE A NOUVEAU CONFORMEMENT A LA LOI, DANS LES LIMITES DE LA CASSATION AINSI PRONONCEE : RENVOIE LA CAUSE ET LES PARTIES DEVANT LA COUR D'APPEL D'ORLEANS