SUR LE PREMIER MOYEN : ATTENDU QU'IL EST REPROCHE A L'ARRET CONFIRMATIF ATTAQUE D'AVOIR JUGE QUE L'ALLOCATION A LAPIERRE, PRESIDENT DIRECTEUR GENERAL DE LA SOCIETE ANONYME SOCIETE AGRICOLE DE ROQUEFORT D'UNE REMUNERATION CONSISTANT EN UN POURCENTAGE SUR LES BENEFICES BRUTS, DECIDEE PAR LE CONSEIL D'ADMINISTRATION SUIVANT DELIBERATION DU 15 JANVIER 1953, PRESENTAIT LES CARACTERES D'UNE CONVENTION ET SE TROUVAIT PAR SUITE SOUMISE AUX FORMALITES EDICTEES PAR L'ARTICLE 40 DE LA LOI DU 24 JUILLET 1867 MODIFIE PAR LA LOI DU 4 MARS 1943, ALORS, SELON LE POURVOI, QUE LADITE DELIBERATION, ACTE UNILATERAL ET ESSENTIELLEMENT REVOCABLE DU CONSEIL D'ADMINISTRATION, N'EST PAS UNE CONVENTION MAIS UNE MESURE DE CARACTERE INSTITUTIONNEL FIXANT L'UN DES ELEMENTS DU STATUT INDIVISIBLE DU PRESIDENT DIRECTEUR GENERAL ET QU'AU SURPLUS, VOULUT-ON MEME LA CONSIDERER COMME UNE CONVENTION, ELLE N'EN DEVRAIT PAS MOINS ECHAPPER A L'APPLICATION DE L'ARTICLE 40 PRECITE, DES LORS QU'ELLE NE CONCERNE QUE LE FONCTIONNEMENT PUREMENT INTERNE DE LA SOCIETE ET NE FAIT PAS APPARAITRE L'OPPOSITION D'INTERETS POUVANT RESULTER DE LA REUNION SUR LA MEME TETE DE LA QUALITE D'ADMINISTRATEUR DE LA SOCIETE ET DE CO-CONTRACTANT DE CELLE-CI, ETRANGER A ELLE. MAIS ATTENDU QU'A JUSTE TITRE L'ARRET RELEVE QUE, SI ELLE IMPOSE A TOUTE SOCIETE ANONYME L'EXISTENCE D'UN PRESIDENT DIRECTEUR GENERAL, LA LOI EST RESTEE MUETTE SUR LA REMUNERATION DE CE DERNIER, LAISSANT AINSI LIBRE COURS AUX CONVENTIONS, QUE SANS DOUTE LES JETONS DE PRESENCE ET LES TANTIEMES ALLOUES AUX MEMBRES DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DANS LE CADRE TRACE PAR L'ARTICLE 11 DE LA LOI DU 4 MARS 1943 PRESENTENT UN CARACTERE INSTITUTIONNEL MAIS QU'IL N'EN VA PAS DE MEME LORSQU'IL S'AGIT, COMME EN L'ESPECE, D'UNE REMUNERATION COMPLEMENTAIRE DESTINEE A RECOMPENSER L'ACTIVITE DU PRESIDENT DIRECTEUR GENERAL ;
D'OU L'ARRET DEDUIT A BON DROIT QUE L'ACCORD SUR UNE TELLE REMUNERATION, QUI N'IMPOSE NULLEMENT LE STATUT LEGAL DU PRESIDENT DIRECTEUR GENERAL, NE PEUT S'ANALYSER QU'EN UNE CONVENTION PASSEE ENTRE LA SOCIETE ET SON ADMINISTRATEUR ET REGIE, DES LORS, PAR LES DISPOSITIONS DE L'ARTICLE 40 DE LA LOI DU 24 JUILLET 1867 ;
QUE CE TEXTE, EN EFFET, VISE TOUTE CONVENTION SANS PREVOIR AUCUNE EXCEPTION POUR CELLE QUI NE CONCERNE QUE LE FONCTIONNEMENT INTERNE DE LA SOCIETE ET QUI, CONTRAIREMENT A CE QUE PRETEND LE POURVOI, EST SUSCEPTIBLE DE FAIRE APPARAITRE UNE OPPOSITION D'INTERETS, LA COUR D'APPEL OBSERVANT PRECISEMENT A CET EGARD QU'EN FAIT LA REMUNERATION, SI ELLE EST EXORBITANTE DES SERVICES REELLEMENT RENDUS ET DES RESSOURCES DE LA SOCIETE, RISQUE DE PORTER ATTEINTE AUX INTERETS DES ACTIONNAIRES ;
QUE LE MOYEN N'EST DONC PAS FONDE ;
MAIS SUR LE SECOND MOYEN ;
VU L'ARTICLE 40 DE LA LOI DU 24 JUILLET 1867 (REDACTION DU 4 MARS 1943) ;
ATTENDU QUE, S'IL PRESCRIT QUE LES CONVENTIONS PASSEES, APRES AUTORISATION DU CONSEIL D'ADMINISTRATION, ENTRE UNE SOCIETE ET L'UN DE SES ADMINISTRATEURS SOIENT SOUMISES A L'ASSEMBLEE GENERALE DES ACTIONNAIRES, QUI STATUE SUR LE RAPPORT SPECIAL PRESENTE A CET EFFET PAR LES COMMISSAIRES AUX COMPTES, LE TEXTE SUSVISE NE FAIT PAS DE LA DELIBERATION DE L'ASSEMBLEE UNE CONDITION DE VALIDITE DES CONVENTIONS ET NE PREVOIT PAS LA NULLITE COMME SANCTION DE L'INOBSERVATION DE CETTE FORMALITE ;
QU'APRES AVOIR DISPOSE QUE LES CONVENTIONS APPROUVEES NE PEUVENT ETRE ATTAQUEES QU'EN CAS DE FRAUDE, IL PRECISE, DANS SON ALINEA 4, QUE LES CONVENTIONS DESAPPROUVEES PAR L'ASSEMBLEE N'EN PRODUISENT PAS MOINS LEURS EFFETS, LA SEULE SANCTION CONSISTANT, EN CAS DE FRAUDE, DANS LA RESPONSABILITE DE L'ADMINISTRATEUR INTERESSE ET, EVENTUELLEMENT, DU CONSEIL D'ADMINISTRATION ;
QU'UNE ABSENCE DE DELIBERATION DES ACTIONNAIRES NE POUVANT ENTRAINER, QUANT A LA VALIDITE DES CONVENTIONS REGULIEREMENT AUTORISEES PAR LE CONSEIL D'ADMINISTRATION, DES CONSEQUENCES PLUS GRAVES QU'UNE DESAPPROBATION FORMELLEMENT EXPRIMEE, IL SUIT DE LA QUE L'OMISSION DE FAIRE STATUER L'ASSEMBLEE N'A PAS POUR EFFET DE RENDRE NULLES, EN L'ABSENCE DE FRAUDE, LESDITES CONVENTIONS ;
ATTENDU QU'APRES AVOIR CONSTATE QUE LA CONVENTION LITIGIEUSE, SOUSCRITE PAR LE CONSEIL D'ADMINISTRATION ET DONT AVIS AVAIT ETE DONNE AUX COMMISSAIRES AUX COMPTES, N'A PAS FAIT L'OBJET D'UNE DELIBERATION DE L'ASSEMBLEE GENERALE, L'ARRET ATTAQUE DECLARE NULLE ET DE NUL EFFET CETTE CONVENTION, POUR LE MOTIF QUE LA VOLONTE DU LEGISLATEUR DE PROTEGER LES ACTIONNAIRES EST SI MINUTIEUSEMENT EXPRIMEE PAR L'ARTICLE 40 PRECITE QUE LA SEULE SANCTION DU MANQUEMENT AUX PRESCRIPTIONS DE CE TEXTE, SOIT (EN L'ESPECE) LE DEFAUT D'APPROBATION PAR L'ASSEMBLEE GENERALE, NE PEUT ETRE QU'UNE NULLITE ABSOLUE ET D'ORDRE PUBLIC, NON SUSCEPTIBLE D'ETRE COUVERTE, LA SEULE VIOLATION DE LA FORME DEVANT ICI ENTRAINER LA NULLITE DE LA CONVENTION, COMME EN MATIERE DE CONTRATS SOLENNELS, SANS AVOIR A RECHERCHER S'IL Y A EEU FRAUDE ;
QU'EN STATUANT AINSI LA COUR D'APPEL A VIOLE LE TEXTE CI-DESSUS VISE ;
PAR CES MOTIFS : CASSE ET ANNULE, MAIS SEULEMENT EN CE QU'IL A DECLARE LA NULLITE DE LA CONVENTION LITIGIEUSE ET A STATUE EN CONSEQUENCE DE CETTE NULLITE, L'ARRET RENDU ENTRE LES PARTIES PAR LA COUR D'APPEL DE MONTPELLIER, LE 28 NOVEMBRE 1963 ;
REMET EN CONSEQUENCE QUANT A CE LA CAUSE ET LES PARTIES AU MEME ET SEMBLABLE ETAT OU ELLES ETAIENT AVANT LEDIT ARRET ET, POUR ETRE FAIT DROIT, LES RENVOIE DEVANT LA COUR D'APPEL DE NIMES. N° 63-13801. SOCIETE AGRICOLE DE ROQUEFORT ET AUTRE C GROUPEMENT DE DEFENSE DES ACTIONNAIRES DE LA SOCIETE AGRICOLE DE ROQUEFORT. PRESIDENT : M GUILLOT RAPPORTEUR : M MONGUILAN AVOCAT GENERAL : M ROBIN AVOCATS : MM CALON ET CELICE. DANS LE MEME SENS : SUR LE N° 2 : 17 OCTOBRE 1967, BULL 1967, III, N° 328 (2°), P 313.
Mais sur le second moyen ;
Vu l'article 40 de la loi du 24 juillet 1867 (rédaction du 4 mars 1943) ;
Attendu que, s'il prescrit que les conventions passées, après autorisation du Conseil d'administration, entre une société et l'un de ses administrateurs soient soumises à l'Assemblée générale des actionnaires, qui statue sur le rapport spécial présenté à cet effet par les commissaires aux comptes, le texte susvisé ne fait pas de la délibération de l'assemblée une condition de validité des conventions et ne prévoit pas la nullité comme sanction de l'inobservation de cette formalité ; qu'après avoir disposé que les conventions approuvées ne peuvent être attaquées qu'en cas de fraude, il précise, dans son alinéa 4, que les conventions désapprouvées par l'assemblée "n'en produisent pas moins leurs effets", la seule sanction consistant, en cas de fraude, dans la responsabilité de l'administrateur intéressé et, éventuellement, du Conseil d'administration, qu'une absence de délibérations des actionnaires ne pouvant entraîner, quant à la validité des conventions régulièrement autorisées par le Conseil d'administration, des conséquences plus graves qu'une désapprobation formellement exprimée, il suit de là que l'omission de faire statuer l'assemblée n'a pas pour effet de rendre nulles, en l'absence de fraude, lesdites conventions ;
Attendu qu'après avoir constaté que la convention litigieuse, souscrite par le Conseil d'administration et dont avis avait été donné aux commissaires aux comptes, n'a pas fait l'objet d'une délibération de l'Assemblée générale, l'arrêt attaqué déclare nulle et de nul effet cette convention, pour le motif que la volonté du législateur de protéger les actionnaires est si minutieusement exprimée par l'article 40 précité que la seule sanction du manquement aux prescriptions de ce texte, "soit (en l'espèce) le défaut d'approbation par l'assemblée générale", ne peut être qu'une nullité absolue et d'ordre public, non susceptible d'être couverte, la seule violation de la forme devant ici entraîner la nullité de la convention, comme en matière de contrats solennels, sans avoir à rechercher s'il y a eu fraude ;
Qu'en statuant ainsi la Cour d'appel a violé le texte ci-dessus visé.
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a déclaré la nullité de la convention litigieuse et a statué en conséquence de cette nullité, l'arrêt rendu entre les parties par la Cour d'appel de Montpellier, le 28 novembre 1963 ; remet en conséquence quant à ce la cause et les parties au même et semblable état où elles étaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la Cour d'appel de Nîmes.