Sur le moyen unique en ses trois branches, pris de la violation de l'article 23, alinéa 7, du Livre Ier du Code du travail, des articles 1775 et 1774 du Code civil, 815 et 845 du Code rural et 7 de la loi du 20 avril 1810 ;
Attendu que veuve Jullemier ayant exercé au profit de son fils son droit de reprise sur les bâtiments et les terres dont elle était propriétaire et qui étaient alors loués à Jacolin, Jullemier fils n'a pas gardé à son service Oger, ancien ouvrier agricole de Jacolin, que cet ouvrier se disant abusivement congédié par Jullemier fils, a appelé celui-ci en payement de diverses sommes et indemnités devant le juge de paix statuant en matière prud'homale ;
Attendu qu'il est fait grief au jugement attaqué d'avoir ordonné une mesure d'instruction ayant pour objet de rechercher si Jullemier poursuivait dans les biens ruraux appartenant à sa mère la même activité que celle du fermier sortant, aux motifs qu'une exploitation agricole constitue une unité économique au même titre qu'un établissement industriel ou commercial, qu'il est indifférent que le bailleur exerçant le droit de reprise ne soit pas l'ayant cause du fermier et que l'article 23, alinéa 7, du Code du travail s'attache à l'aspect économique de l'entreprise, alors que l'article 23 précité vise le cas où "il survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société ...", et que ce texte, qui a pour objet de protéger le personnel de l'employeur en lui assurant la stabilité de son emploi, ne saurait recevoir application, s'agissant, non pas du transfert d'une exploitation agricole, mais du refus de renouvellement, par le bailleur, d'un bail portant seulement sur des terres et bâtiments, suivi de la mise de ces terres et bâtiments à la disposition du fils du bailleur, opération exclusive par elle-même du transfert d'une universalité formant l'exploitation, alors que la reprise des biens loués ne comporte ni l'obligation de poursuivre la même exploitation, ni celle de continuer les contrats de travail en cours, et alors qu'en admettant que le bailleur ou son fils exerçant dans les biens repris une activité de la même branche professionnelle que celle du fermier sortant, aurait par cela seul méconnu les dispositions précitées du Code du travail, le Tribunal, pour fonder sa décision, a, préjudiciant ainsi au fond, faussement interprété la disposition en cause en l'étendant à une situation qu'elle ne pouvait embrasser ;
Mais attendu que si le Code rural, qui réglemente les rapports du bailleur et du fermier en cas de reprise des immeubles loués, n'impose pas au reprenant l'obligation de poursuivre la même exploitation et, par suite, de continuer l'exécution des contrats de travail, en cours, ces contrats subsistent cependant, conformément à l'article 23, alinéa 8 (ancien alinéa 7), du Livre Ier du Code du travail, lorsque le reprenant continue l'exploitation du fermier sortant, ce qui implique la poursuite de la même entreprise ;
D'où il suit que le jugement, qui a ordonné une expertise en vue de rechercher si Jullemier avait poursuivi, après le départ de Jacolin, la même exploitation que celui-ci, échappe aux critiques du moyen ;
PAR CES MOTIFS:
REJETTE le pourvoi formé contre le jugement rendu le 2 novembre 1960 par le Tribunal de grande instance de Corbeil-Essonnes.