Vu la connexité, joint les pourvois n° 2.072 Civ. 55 et 2.394 Civ. 55 ;
Sur le moyen unique du pourvoi n° 2.394 Civ. 55 et sur le premier moyen du pourvoi n° 2.072 Civ. 55 réunis, pris en leurs diverses branches :
Attendu qu'il est constant que X..., titulaire de deux polices d'assurance-vie souscrites par son employeur auprès de la Caisse nationale d'assurances en cas de décès et du Secours-Vie, avait désigné comme bénéficiaire, dans la première, sa maîtresse, dame Y..., dans la seconde, ladite dame "ou ses ayants-droit" ; qu'au décès de X..., sa veuve prévint les assureurs qu'elle faisait opposition au payement des capitaux stipulés entre les mains de qui que ce fut ; que le Secours-Vie paya cependant dame Y... et que la Caisse nationale sursit à tout payement ;
Attendu que veuve X... ayant, tant en son nom personnel que comme tutrice naturelle et légale de ses deux enfants mineurs, poursuivi la nullité, pour cause immorale et illicite, des stipulations souscrites en faveur de dame Y..., il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir accueilli sa demande et décidé que les capitaux assurés profiteraient à la succession de X..., alors que les contrats ne prenant effet qu'au décès du stipulant ne pouvaient avoir pour cause la poursuite de relations coupables, qu'il n'a pas été répondu aux conclusions soutenant que les libéralités litigieuses étaient licites comme ayant pour objet la réparation d'un préjudice et qu'à tout le moins, un des contrats devait bénéficier "aux ayants-droit" de dame Y... - donc à sa fille - et ne pouvait, à l'égard de celle-ci, procéder d'une cause immorale ;
Mais attendu que la Cour d'appel, statuant au vu de documents qu'elle a analysés, a souverainement apprécié que "c'est pour décider dame Y... - plus jeune que lui de plus de vingt ans - à demeurer auprès de lui et à poursuivre des relations adultères que X... l'a désignée comme bénéficiaire des deux contrats" ; qu'elle a ainsi écarté nécessairement le moyen pris d'un préjudice à réparer ; qu'elle a, de même, rejeté l'allégation d'une obligation naturelle à l'égard "de la jeune Z... (non désignée directement comme bénéficiaire) née pendant la vie commune des époux Z... et non désavouée par A..." ; qu'en l'état de ces constatations, elle a pu décider que l'ensemble des désignations était frappé de nullité pour cause immorale et que dès lors, en l'absence de bénéficiaire désigné, les capitaux stipulés faisaient partie de la succession du contractant, conformément à l'article 66 de la loi du 13 juillet 1930 ; que ces moyens ne sauraient donc être retenus ;
Sur le deuxième moyen du pourvoi n° 2072 :
Attendu qu'il est encore reproché aux juges du second degré d'avoir statué comme il vient d'être dit, sans rechercher si la clause par eux considérée comme immorale avait été la cause impulsive et déterminante de la souscription des polices, l'illicéité de la cause entraînant en ce cas la nullité de la totalité des assurances ;
Mais attendu que l'assurance sur la vie doit être envisagée distinctement dans les rapports, d'une part, du stipulant et du bénéficiaire, d'autre part, dans ceux du stipulant et de l'assureur ; que ces deux ordres de rapports procèdent de fondements juridiques différents ; que la nullité des premiers est donc sans influence sur les seconds ; qu'il était dès lors sans intérêt à ce point de vue de rechercher si la clause jugée immorale avait été la cause impulsive et déterminante des libéralités litigieuses et que la Cour d'appel a, à bon droit, énoncé que "la validité de l'assurance demeure incontestable dans les rapports entre le stipulant et le promettant" ; que le moyen n'est donc pas fondé ;
Sur le troisième moyen du pourvoi n° 2072 Civ. 55 :
Attendu que vainement enfin, il est fait grief aux juges d'appel d'avoir dit non libératoire le payement effectué par Secours-Vie entre les mains de dame Y..., au motif que la possession par celle-ci de la créance d'assurance était équivoque, parce que contestée par veuve X..., alors que les sommes stipulées payables à un bénéficiaire déterminé ne faisant pas partie de la succession du stipulant, le payement fait à ce bénéficiaire est obligatoire et libératoire pour l'assureur ;
Attendu, en effet, que si, en principe, le bénéficiaire a un droit direct sur les capitaux stipulés, il résulte des écritures et des énonciations de la décision attaquée que le Secours-Vie a versé les capitaux à dame Y... bien "qu'averti par exploit d'huissier que ces droits étaient contestés par veuve X..." ;
Attendu qu'en cet état, la Cour d'appel a pu considérer que la possession de dame Y... était équivoque et refuser le caractère libératoire aux payements effectués entre ses mains ; que le moyen n'est donc pas mieux fondé que les précédents ;
D'où il suit que l'arrêt attaqué, qui est motivé, a légalement justifié sa décision ;
Par ces motifs :
Rejette les pourvois n° 2072 Civ. 55 et n° 2394 Civ. 55 formés contre l'arrêt rendu le 14 juin 1955 par la Cour d'appel de Paris.