Et d'abord sur la recevabilité de l'intervention formée devant la Cour de Cassation par l'Association nationale des Avocats :
Attendu qu'une partie, n'ayant pas figuré dans l'instance qui donne lieu au pourvoi, est recevable à intervenir devant la Cour de Cassation à la condition de justifier de circonstances exceptionnelles et de son intérêt ;
Attendu que l'Association, que des statuts autorisent "à ester en justice pour y défendre les intérêts généraux de la profession lorsqu'ils seront lésés", est fondée à intervenir dans un litige relatif à un contrat de défense en justice dont les clauses limitent la liberté de souscripteurs dans le choix de leurs avocats ;
Que son intervention est donc recevable ;
Et statuant sur le pourvoi :
Sur le premier moyen :
Attendu qu'il est fait grief à la Cour d'avoir déclaré l'appel de la Société Boulogne-Marée recevable, au motif qu'il s'agissait d'une demande en nullité d'un contrat, donc indéterminée alors que l'action du Lloyd X... tendait au payement d'une somme de 13280 francs, inférieure au taux du dernier ressort et que la société n'a invoqué la nullité de la convention que par voie d'exception ;
Mais attendu que le moyen de défense tend directement à éviter la condamnation réclamée, et que par la demande reconventionnelle, le défendeur poursuit une condamnation du demandeur à son profit ; que si en l'obtenant, il évite celle qui le menaçait lui-même ce n'est là qu'une conséquence indirecte ; qu'en la cause, la Société Boulogne-Marée invoquant la nullité du contrat litigieux formulait une demande reconventionnelle, qui portant sur l'ensemble des prestations dudit contrat, était indéterminée ; qu'ainsi, l'appel était recevable et que le moyen n'est donc pas fondé ;
Sur le deuxième moyen :
Attendu qu'il est encore reproché à la Cour d'appel d'avoir accueilli l'intervention de l'Ordre des avocats à la Cour de Paris, alors qu'il ne justifie pas d'un intérêt propre et direct le rendant recevable à intervenir et que le contrat litigieux n'est pas de nature à porter atteinte aux droits, prérogatives et privilèges de cette corporation ;
Mais attendu que les clauses de défense en justice devant les juridictions civile, commerciale, administrative ou répressive auxquelles la Cour s'est référée retirent aux souscripteurs la liberté dans le choix de leurs avocats ; que les juges du second degré, ayant rappelé que l'Ordre "a dans ses attributions la défense des droits des avocats" qui pouvaient ainsi être menacés, ont justement accueilli l'intervention du Conseil de l'Ordre ;
Que le moyen ne saurait donc être accueilli ;
Sur le troisième moyen pris en ses deux branches :
Attendu que, selon le pourvoi, l'arrêt infirmatif attaqué aurait, à tort, prononcé la nullité du contrat litigieux qu'elle a considéré, en ce qui concerne la défense en justice, comme une convention d'assurance, alors que la clause relative à cet objet n'est qu'un élément accessoire d'un contrat d'entreprise et de mandat salarié et que les éléments d'un contrat d'assurance ne se retrouvent pas en l'espèce ;
Mais attendu tout d'abord, que la Cour a relevé l'existence d'un risque constitué par le payement des frais de procès, événement futur, incertain, indépendant de la volonté des parties, risque que ne supprime pas la clause d'arbitrage ; qu'elle a reconnu également l'existence du payement d'une "somme fixe et forfaitaire ... qui présente bien le caractère d'une prime", et d'une "prestation de l'assureur ... représentée par le remboursement des honoraires des avocats et des dépens taxables qui constitue bien un dédommagement et par suite, une indemnité" ; qu'en l'état de ces constatations, elle a pu considérer, sans dénaturation, ni contradiction, que les dispositions susvisées constituaient une convention d'assurance et en prononcer la nullité, pour inobservation des prescriptions du décret-loi du 14 juin 1938 ;
Attendu enfin, que par une interprétation souveraine du contrat litigieux et de la commune intention des parties, les juges du second degré ont décidé que les autres clauses, relatives à des prestations de services, n'étaient "que l'accessoire de la convention principale de défense aux procès qui est le but du contrat", que c'est donc, à bon droit, qu'ils les ont déclarées "atteintes par la nullité générale de la convention" ; qu'ainsi le troisième moyen n'est pas mieux fondé que les deux premiers ;
D'où il suit que l'arrêt attaqué, qui est motivé, a légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi formé contre l'arrêt rendu le 10 juin 1953 par la Cour d'appel de Paris.