Attendu que la dame X..., Secrétaire à la Société des Maïseries de la Méditerranée, était déléguée du personnel dans l'entreprise ; Attendu que, le 12 novembre 1947, elle a abandonné son travail sans motif d'une revendication professionnelle quelconque et a exhorté ses camarades à la suivre pour aller participer devant le Palais de Justice de Marseille à un mouvement de protestation contre l'arrestation de trois ouvriers ; Attendu que ce mouvement de grève, ayant ainsi débuté pour des raisons étrangères au travail, se transforma en un mouvement général de revendications portant sur l'augmentation des salaires ; que la reprise du travail ayant eu lieu au début du mois de décembre, la dame X... se présenta à l'entreprise pour reprendre son poste, mais qu'elle se heurta à un refus au motif que par son attitude elle avait elle-même rompu le contrat de travail ; que, néanmoins, l'intéressée persistant à se rendre à son bureau, la société dût la faire expulser par ordonnance de référé ;
Attendu que la dame X... a assigné cette dernière en payement de diverses indemnités ; attendu que le jugement attaqué, confirmant la sentence du Conseil de Prud"hommes, a validé les offres de la société en ce qui concerne l'indemnité de congé payé, le prorata sur le treizième mois de salaire et le rappel de salaire, et, pour le surplus de la demande, a renvoyé les parties à suivre la procédure instituée par l'article 16 de la loi du 16 avril 1946, tous droits des parties demeurant réservés, à raison de la qualité de déléguée du personnel qu'avait la dame X... ; Attendu que, selon le pourvoi, c'est à tort que le jugement s'est fondé, pour statuer comme il l'a fait, sur ce que l'exercice du droit de grève, garanti par la Constitution du 27 octobre 1946, n'entraînait pas la rupture du contrat de travail si ce n'est au cas d'abus dudit droit de grève, alors que toute grève entraîne ce résultat et que la proclamation de principe formulée dans le préambule de la Constitution susvisée est sans incidence sur les conséquences juridiques d'un acte dont la licéité est seule affirmée par cette proclamation ;
Mais, attendu que l'affirmation solennelle par les Constituants du droit de grève, lequel est devenu une modalité de la défense des intérêts professionnels, ne peut logiquement se concilier avec la rupture du contrat de travail qui résulterait de l'exercice de ce droit ; Attendu, d'autre part, que le Tribunal a retenu, par adoption des motifs des premiers juges, qu'il était reproché à la dame X... d'avoir communiqué des renseignements confidentiels sur les prix pratiqués par la société à des journaux qui s'en étaient emparés pour déclencher une campagne de presse tendancieuse contre la société, et d'avoir incité le personnel de l'entreprise à abandonner le travail pour aller manifester devant le Palais de Justice ; Attendu que les juges du fond ont ainsi constaté l'existence de fautes graves commises par un délégué du personnel ; Que, dès lors, c'est à bon droit qu'ils ont fait application de l'article 16 de la loi du 16 avril 1946, aux termes duquel tout licenciement d'un délégué du personnel envisagé par l'employeur, devra être obligatoirement soumis à l'assentiment du comité d'entreprise et, en cas de faute grave, le chef d'entreprise a la faculté de prononcer la mise à pied immédiate de l'intéressé en attendant la décision définitive ;
PAR CES MOTIFS : REJETTE le pourvoi.