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25/07/2019 | FRANCE | N°19VE01250

France | France, Cour administrative d'appel de Versailless, 1ère chambre, 25 juillet 2019, 19VE01250


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...D...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation de l'arrêté du 6 février 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a décidé son transfert aux autorités norvégiennes, ainsi que la décision du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1901658 du 11 mars 2019, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 avril 2019, le PREFET D

ES HAUTS-DE-SEINE demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de rejeter la demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...D...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation de l'arrêté du 6 février 2019 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a décidé son transfert aux autorités norvégiennes, ainsi que la décision du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1901658 du 11 mars 2019, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 avril 2019, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement attaqué ;

2° de rejeter la demande portée devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- la décision de transfert n'expose pas le requérant à des risques de traitement inhumains ou dégradants ;

- le tribunal administratif ne pouvait qu'enjoindre au réexamen de la situation du demandeur ;

- les autres moyens de M. D...devant le premier juge ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique le rapport Mme Munoz-Pauziès.

Considérant ce qui suit :

1. M.D..., ressortissant afghan, a déposé une demande d'asile le 17 décembre 2018. La consultation des données Eurodac ayant révélé que l'intéressé avait déjà déposé une demande d'asile en Norvège, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE a saisi les autorités norvégiennes d'une demande de reprise en charge de l'intéressé. Ces autorités ayant fait connaitre leur accord, le préfet, par arrêté du 6 février 2019, a décidé de remettre M. D...aux autorités norvégiennes. Le préfet relève appel du jugement du 11 mars 2019 par lequel le magistrat désigné du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé l'annulation de cet arrêté.

2. Aux termes de l'article 17 du règlement n° 604/2013 susvisé : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ".

3. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté litigieux, le premier juge a estimé que, du fait de la situation sécuritaire et humanitaire régnant en Afghanistan, et de la circonstance que les autorités norvégiennes ont rejeté la demande d'asile de M.D..., le préfet, en décidant de son transfert en Norvège, avait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement n° 604/2013 susvisé. Toutefois, la mesure prononçant le transfert de M. D... aux autorités norvégiennes n'implique pas, par elle-même, que l'intéressé soit automatiquement éloigné à destination de son pays d'origine. A cet égard, M. D...ne justifie pas que les autorités norvégiennes feraient obstacle à l'enregistrement et au traitement d'une nouvelle demande d'asile, ni qu'il ferait l'objet d'une mesure d'éloignement devenue définitive prise par les autorités norvégiennes à destination de l'Afghanistan, dès lors que la décision du 5 décembre 2017, rédigée en Anglais, qu'il produit, et dont il soutient qu'elle constituerait une obligation de quitter le territoire, est prise au nom de M. F...D..., né le 17 novembre 2000, alors que l'intéressé, qui se prénommeE..., a déclaré dans sa demande devant le premier juge être né le 10 janvier 1999. Dès lors, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur ce que son arrêté était entaché d'erreur manifeste d'appréciation pour en prononcer l'annulation.

4. Il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de M.D....

Sur la légalité de l'arrêté de transfert :

5. En premier lieu, par arrêté du 1er octobre 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département des Hauts-de-Seine, le préfet a donné délégation à Mme B...C..., attachée de préfecture, à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M.A..., directeur des migations et de l'intégrations, notamment " les arrêtés de transfert pris en application de la procédure Dublin ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté.

6. En deuxième lieu, la décision attaquée, qui vise les considérations de droit qui en constituent le fondement et les principaux éléments relatifs à la situation personnelle de M. D..., précise que la consultation du système " Eurodac " a permis de constater qu'il avait sollicité l'asile en Norvège le 17 novembre 2015, et vise l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013, relatif au demandeur d'asile ayant déposé une demande de protection internationale dans un autre Etat membre. L'arrêté litigieux indique ainsi clairement le motif pour lequel le préfet a décidé du transfert de l'intéressé vers la Norvège. Cette motivation établit que le préfet a procédé à l'examen de la situation personnelle de l'intéressé.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".

8. Il ressort des pièces du dossier que l'intéressé s'est vu remettre le 17 décembre 2018 le guide du demandeur d'asile en France en langue dari, ainsi que les brochures d'information A " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et B " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", également traduites en dari et que M. D...a paraphées. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure aurait méconnu le droit de l'intéressé à être informé dans une langue qu'il comprend doit être écarté.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'Etat membre responsable, l'Etat membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les Etats membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'Etat membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'Etat membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé ".

10. Il ressort du " résumé d'entretien individuel " signé par le requérant le 17 décembre 2018 que cet entretien a été mené par un agent de la préfecture des Hauts-de-Seine qui est une " personne qualifiée en vertu du droit national " au sens des dispositions précitées de l'article 5 du règlement n° 604/2013. La circonstance que le résumé ne comporte pas la mention du nom et de la qualité de l'agent ayant conduit cet entretien n'est pas à elle seule de nature à établir que ce dernier ne serait pas une " personne qualifiée en vertu du droit national". L'entretien a été réalisé par le biais d'un interprète en Dari, langue que M. D...a déclaré comprendre. Enfin il ne ressort pas des pièces du dossier que la confidentialité exigée par les dispositions rappelée ci-dessus n'aurait pas été garantie.

Sur l'assignation à résidence :

11. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 1° bis Fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 ou d'une requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride ".

12. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant transfert aux autorités norvégiennes doit être écarté.

13. En deuxième lieu, par arrêté du 1er octobre 2018, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du département des Hauts-de-Seine, le préfet a donné délégation à Mme B...C..., attachée de préfecture, à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de M.A..., directeur des migrations et de l'intégrations, notamment les " décisions d'assignation à résidence issues des articles L. 561-1 et L. 561-2 ". Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté.

14. En troisième lieu, la décision attaquée vise les considérations de droit qui en constituent le fondement et les principaux éléments relatifs à la situation personnelle de M. D..., et précise notamment que le transfert de M. D...aux autorités norvégiennes demeure une perspective raisonnable. Elle est par suite suffisamment motivée.

15. En quatrième lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet s'est livré à un examen particulier de la situation de M.D....

16. En dernier lieu, si M. D...soutient que la décision d'assignation à résidence serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors qu'il présenterait des garanties de représentation, en tout état de cause, ce moyen est inopérant dès lors que les dispositions rappelées ci-dessus ne subordonnent pas la légalité d'une décision portant assignation à résidence à l'absence de garantie de représentation.

17. Il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 6 février 2019 portant transfert de M. D... aux autorités norvégiennes, ainsi que la décision du même jour l'assignant à résidence, et lui a enjoint de lui délivrer une attestation de demande d'asile.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 11 mars 2019 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. D...devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.

N° 19VE01250 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailless
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01250
Date de la décision : 25/07/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Frédérique MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur public ?: M. CHAYVIALLE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailless;arret;2019-07-25;19ve01250 ?
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