Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2024 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.
Par une ordonnance n° 2415270 du 20 janvier 2025, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les, 28 janvier, 18 avril et 23 avril 2025, Mme B..., représentée par Me Saligari, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet compétent de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de quinze jours ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans le délai d'un mois, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
S'agissant de la régularité de l'ordonnance,
- le premier juge a entaché sa décision d'irrégularité en rejetant sa demande sur le fondement des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, dont les conditions d'application n'étaient pas réunies ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français,
- elle est insuffisamment motivée ;
- cette insuffisance de motivation révèle un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît son droit à être entendu ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle et familiale ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi,
- elle est illégale par exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle l'expose à un risque de traitements inhumains et dégradants en méconnaissance des dispositions de l'article L. 721-4 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 mai 2025, le préfet des Hauts-de-Seine conclut au rejet de la requête.
Le préfet fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
La demande d'aide juridictionnelle de Mme B... a été rejetée pour caducité par une décision du 24 juin 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Dorion a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante russe née le 16 juin 1975, entrée en France le 24 mai 2018, a présenté une demande d'asile rejetée le 26 mars 2020 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), décision confirmée le 26 novembre 2020 par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par un arrêté du 13 avril 2021, le préfet des Hauts-de-Seine l'a obligée à quitter le territoire français. Mme B... a présenté le 24 août 2021 une première demande de réexamen, rejetée le 31 décembre 2021 par l'OFPRA, puis une seconde demande de réexamen, également rejetée par l'OFPRA le 11 octobre 2024. Par l'arrêté contesté du 11 octobre 2024, le préfet des Hauts-de-Seine lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B... relève appel de l'ordonnance du 20 janvier 2025 par laquelle le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les (...) présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) / 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; (...) ".
3. Il ressort du dossier de première instance que Mme B... s'est prévalue, au soutien de son moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'ancienneté de sa résidence en France et de la présence de son fils et de sa fille. Dès lors que ce moyen de légalité interne est opérant et était assorti de faits qui n'étaient pas insusceptibles de venir à son soutien, le président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise ne pouvait se fonder sur les dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter la demande de Mme B.... Il s'ensuit que l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée.
4. Il y a lieu, pour la cour, de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions présentées par Mme B... devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise et devant la cour.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".
6. L'arrêté contesté vise le 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et relève que la demande d'asile de Mme B... a été rejetée le 26 mars 2020 par l'OFPRA, décision confirmée le 26 novembre 2020 par la CNDA, et que ses deux demandes de réexamen ont également été rejetées respectivement le 31 décembre 2021 et le 11 octobre 2024 par l'OFPRA. La décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est ainsi suffisamment motivée. L'arrêté précise, en outre, notamment, que Mme B... a déclaré être entrée en France le 24 mai 2018, qu'elle se déclare célibataire et mère de deux enfants, que son fils a été débouté de sa demande d'asile par une décision de l'OFPRA du 31 décembre 2021, que sa fille, qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire par une décision de l'OFPRA du 22 janvier 2024, est majeure, que la cellule familiale peut se reconstituer dans le pays d'origine, et qu'elle n'établit pas être exposée à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme en cas de retour dans son pays d'origine. Il ressort de ces motifs que le préfet des Hauts-de-Seine a procédé à un examen particulier de la situation personnelle et familiale de Mme B....
7. En deuxième lieu, Mme B... soutient ne pas avoir été mise à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision d'éloignement prise à son encontre. Toutefois, le droit de l'intéressée d'être entendue, satisfait avant qu'il ne soit statué sur sa demande d'asile, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressée à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, Mme B... n'établit pas qu'elle aurait été empêchée de porter à la connaissance de l'administration des éléments pertinents susceptibles d'influer sur le contenu de cette décision. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée méconnaîtrait le principe général du droit d'être entendu doit être écarté.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
9. Mme B... fait valoir qu'elle réside en France depuis 2018 avec son fils et sa fille. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que Mme B... s'est maintenue en France malgré le rejet de sa demande d'asile et qu'elle a fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire prise à son encontre par le préfet des Hauts-de-Seine le 13 avril 2021, qui n'a pas été exécutée. Son fils de même nationalité se maintient également en situation irrégulière sur le territoire français, de sorte que rien ne fait obstacle à ce que la vie familiale de Mme B... et de son fils puisse se poursuivre hors de France, notamment dans leurs pays d'origine où la requérante a résidé jusqu'à l'âge de quarante-trois ans. Sa fille est majeure. Par ailleurs, si elle affirme être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, elle ne l'établit pas. Elle ne justifie pas davantage d'une insertion professionnelle particulière par la production de bulletins de salaire d'avril à septembre 2024. Dans ces conditions, en faisant obligation de quitter le territoire français à Mme B..., le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs de fait, le préfet n'a pas davantage entaché sa décision d'éloignement d'une erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle et familiale de l'intéressée.
10. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, anciennement codifié à l'article L. 513-2 : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. (...) ".
11. Mme B..., qui se borne à faire valoir qu'elle serait menacée par son époux dont elle est séparée, sans produire aucun élément à l'appui de cette allégation, n'établit pas qu'elle serait exposée à des risques actuels, personnels et réels de peines ou traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Russie. Ses demandes d'asile et de réexamen ont d'ailleurs été rejetées par les autorités chargées de l'asile. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peuvent qu'être écartés.
12. En dernier lieu, compte tenu de ce qui précède, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi est illégale par exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
13. Il résulte de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme B... doivent être rejetées, ainsi que ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles tendant à ce qu'il soit fait application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2415270 du 20 janvier 2025 du président de la 4ème chambre du tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulée.
Article 2 : La demande de Mme B... et le surplus de sa requête d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 26 juin 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Dorion, présidente,
Mme Bruno-Salel, présidente-assesseure,
M. Ablard, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.
La présidente-assesseure,
C. Bruno-SalelLa présidente-rapporteure,
O. Dorion
La greffière,
C. Yarde
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 25VE00245 2