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10/07/2025 | FRANCE | N°24VE02541

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, Pôle etrangers, 10 juillet 2025, 24VE02541


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 16 février 2023 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.



Par un jugement n° 2301862 du 25 janvier 2024, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.


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Par une requête, enregistrée le 10 septembre 2024, Mme B..., représent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler l'arrêté du 16 février 2023 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée.

Par un jugement n° 2301862 du 25 janvier 2024, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 septembre 2024, Mme B..., représentée par Me Esnault-Benmoussa, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet compétent de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- la décision de refus de titre de séjour contestée méconnaît les dispositions des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 16 juillet 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Bruno-Salel a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., ressortissante congolaise née le 6 janvier 1998 à Brazzaville (République du Congo), déclare être entrée irrégulièrement sur le territoire français le 6 août 2016. Elle a sollicité le 1er septembre 2016 le bénéfice de l'asile, qui lui a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 août 2017, confirmée le 28 août 2018 par la Cour nationale du droit d'asile. Elle s'y est toutefois maintenue irrégulièrement et a sollicité, le 22 février 2021, son admission au séjour en tant que parent d'un enfant français. Par l'arrêté contesté du 16 février 2023, le préfet d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Mme B... relève appel du jugement du 25 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. " Aux termes de l'article L. 423-8 du même code : " Pour la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 423-7, lorsque la filiation est établie à l'égard d'un parent en application de l'article 316 du code civil, le demandeur, s'il n'est pas l'auteur de la reconnaissance de paternité ou de maternité, doit justifier que celui-ci contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant, dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, ou produire une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. / (...) ".

3. Si le législateur a prévu que la preuve de la contribution effective du parent auteur de la reconnaissance à l'entretien et à l'éducation de l'enfant peut être apportée dans les conditions prévues à l'article 371-2 du code civil, il a également permis qu'elle le soit par la production d'une décision de justice relative à la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant. Dans ce dernier cas, il appartient seulement au demandeur de produire la décision de justice intervenue, quelles que soient les mentions de celle-ci, peu important notamment qu'elles constatent l'impécuniosité ou la défaillance du parent auteur de la reconnaissance, et sans avoir à justifier de son exécution.

4. En l'espèce, Mme B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de mère d'un enfant français, né le 2 août 2019. Pour refuser de faire droit à sa demande, le préfet d'Indre-et-Loire a relevé, d'une part, qu'il existait un faisceau d'indices permettant de considérer la reconnaissance de paternité de l'enfant comme frauduleuse et, d'autre part, que le père ne participait pas à l'entretien et l'éducation de son enfant.

5. Toutefois, d'une part, la seule circonstance que Mme B... et le père de l'enfant n'ont jamais vécu ensemble n'est pas suffisante pour remettre en cause la réalité du lien de filiation entre le père et l'enfant qu'il a reconnu à l'état civil. Si le préfet a adressé le 16 février 2023 un signalement au procureur de la République pour reconnaissance de paternité frauduleuse, il n'apporte aucune précision sur les suites auxquelles a donné lieu ce signalement. En l'état des pièces du dossier, la réalité du lien de filiation ne peut être regardée comme sérieusement remise en cause. D'autre part, Mme B... produit un jugement du tribunal judiciaire de Tours en date du 15 septembre 2022 qui, constatant la défaillance du père de son enfant français, au demeurant introuvable, lui attribue l'autorité parentale exclusive sur l'enfant et sa domiciliation chez elle sans droit de visite de son père et, constatant, faute d'information, l'impécuniosité de ce dernier, le dispense du paiement d'une contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant. La preuve de la contribution du père exigée par les dispositions de l'article L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rapportée. Mme B... est dès lors fondée à soutenir que la décision de refus de titre de séjour contestée méconnait les dispositions des articles L. 423-7 et L. 423-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'ensuit que la décision de refus de séjour est entachée d'illégalité et doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

7. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. "

8. Eu égard au motif d'annulation du refus de titre de séjour ci-dessus retenu et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction que des éléments de fait ou de droit nouveaux justifieraient que l'autorité administrative oppose une nouvelle décision de refus, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet d'Indre-et-Loire, ou le préfet territorialement compétent, délivre à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. L'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire implique quant à elle que Mme B... soit immédiatement munie d'une autorisation provisoire de séjour en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir ces injonctions d'une astreinte.

Sur les frais de l'instance et les dépens :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à Me Esnault-Benmoussa, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. En revanche, la présente instance n'ayant pas donné lieu à dépens, les conclusions tendant à leur remboursement ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2301862 du 25 janvier 2024 du tribunal administratif d'Orléans et l'arrêté du 16 février 2023 du préfet d'Indre-et-Loire sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet d'Indre-et-Loire, ou au préfet territorialement compétent, de délivrer à Mme B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'État versera à Me Esnault-Benmoussa la somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de la part contributive de l'État.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre d'État, ministre de l'intérieur, au préfet d'Indre-et-Loire et à Me Sabah Esnault-Benmoussa.

Délibéré après l'audience du 26 juin 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Dorion, présidente,

Mme Bruno-Salel, présidente-assesseure,

M. Ablard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2025.

La rapporteure,

C. Bruno-SalelLa présidente,

O. DorionLa greffière,

C. Yarde

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 24VE02541


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : Pôle etrangers
Numéro d'arrêt : 24VE02541
Date de la décision : 10/07/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme DORION
Rapporteur ?: Mme Catherine BRUNO-SALEL
Rapporteur public ?: M. de MIGUEL
Avocat(s) : ESNAULT-BENMOUSSA

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-07-10;24ve02541 ?
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