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12/06/2025 | FRANCE | N°23VE01377

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 5ème chambre, 12 juin 2025, 23VE01377


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société anonyme Stilog Ist a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner l'office public de l'habitat (OPH) de la commune de Puteaux (Hauts-de-Seine) à lui verser la somme de 39 672 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre des factures impayées, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2018 et des frais de recouvrement forfaitaires.



Par un jugement n° 2005671 du 20 avril 2023, le tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a fait entièrement droit à sa demande.



Procédure devant la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Stilog Ist a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de condamner l'office public de l'habitat (OPH) de la commune de Puteaux (Hauts-de-Seine) à lui verser la somme de 39 672 euros toutes taxes comprises (TTC) au titre des factures impayées, assortie des intérêts au taux légal à compter du 27 décembre 2018 et des frais de recouvrement forfaitaires.

Par un jugement n° 2005671 du 20 avril 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait entièrement droit à sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 juin 2023, 19 février 2025 et 22 avril 2025, l'office public de l'habitat (OPH) Rives de Seine Habitat, venu aux droits de l'office public de l'habitat de la commune de Puteaux, représenté par Me Bodin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par la société Stilog Ist devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

2°) à titre subsidiaire, de réformer le jugement et de ramener sa condamnation à la somme de 1 603,02 euros HT ;

3°) de mettre à la charge de la société Stilog Ist la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il ne comporte pas de signature ;

- les marchés conclus doivent être regardés comme ayant été tacitement résiliés pour motif d'intérêt général le 3 avril 2018 ainsi qu'en témoigne notamment le recours à un nouveau prestataire en octobre 2018 ;

- l'indemnisation de la société ne saurait excéder le montant prévu au cahier des clauses administratives générales des marchés publics de techniques de l'information et de la communication (CCAG-TIC) ; à supposer la résiliation illégale, seuls la perte subie dûment justifiée et le manque à gagner pourraient être indemnisés ; la société Stilog Ist ne justifie pas avoir engagé de quelconques dépenses et ne pouvait réclamer le paiement du solde des marchés.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 octobre 2023 et 7 avril 2024, ainsi qu'un mémoire enregistré le 13 mai 2025, non communiqué, la société Stilog Ist, représentée par Me Lerat, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'OPH Rives de Seine Habitat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- aucune résiliation tacite ne saurait être admise ;

- les prestations ont été exécutées si bien que la demande de paiement est justifiée ;

- à supposer qu'une décision tacite de résiliation soit retenue par la cour, cette décision serait illégale et engagerait la responsabilité de l'administration, impliquant l'indemnisation de son préjudice ainsi que de son manque à gagner.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;

- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 ;

- l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de techniques de l'information et de la communication ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Florent,

- les conclusions de Mme Janicot, rapporteure publique,

- les observations de Me Azerou pour l'OPH Rives de Seine Habitat et celles de Me Lerat pour la société Stilog Ist.

Considérant ce qui suit :

1. Par des actes d'engagement, signés le 6 février 2018 et le 9 avril 2018, l'office public de l'habitat (OPH) de la commune de Puteaux a confié à la société anonyme (SA) Stilog Ist les marchés n° 2018S0555 " Mise en place d'un outil de gestion des demandes d'intervention et de réalisation des travaux VISUAL PLANNING 6 au sein des résidences gérées par l'office public de l'habitat de la commune de Puteaux " et n° 2018S0576 " Prestations d'assistance à maîtrise d'ouvrage à la digitalisation des processus ", pour des prix globaux et forfaitaires s'élevant respectivement à 21 745 et 23 390 euros hors taxes (HT). Par un courrier du 10 février 2019, la société a formé une demande indemnitaire préalable auprès de l'OPH de la commune de Puteaux tendant au paiement, pour un montant cumulé de 39 672 euros TTC, de la facture IST-1722-18 du 27 novembre 2018 d'un montant de 25 278 euros TTC, émise dans le cadre du marché n° 2018S0576, et de la facture IST-1723-18 du 27 novembre 2018 d'un montant de 14 394 euros TTC, émise dans le cadre du marché n° 2018S0555. Par la présente requête, l'OPH Rives de Seine Habitat, venu aux droits de l'OPH de la commune de Puteaux, demande à la cour d'annuler le jugement du 20 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a condamné à verser à la société Stilog Ist la somme de 39 672 euros TTC au titre de ces deux factures impayées, assortie des intérêts moratoires au taux de 8 % à compter du 27 décembre 2018 et de 80 euros au titre des indemnités de recouvrement.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué a été signé conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifié à l'OPH Rives de Seine Habitat ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'existence d'une résiliation tacite des marchés :

3. En dehors du cas où elle est prononcée par le juge, la résiliation d'un contrat administratif résulte, en principe, d'une décision expresse de la personne publique cocontractante. Cependant, en l'absence de décision formelle de résiliation du contrat prise par la personne publique cocontractante, un contrat est regardé comme tacitement résilié lorsque, par son comportement, la personne publique doit être regardée comme ayant mis fin, de façon non équivoque, aux relations contractuelles. Les juges du fond apprécient souverainement sous réserve de dénaturation l'existence d'une résiliation tacite du contrat au vu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, en particulier des démarches engagées par la personne publique pour satisfaire les besoins concernés par d'autres moyens, de la période durant laquelle la personne publique a cessé d'exécuter le contrat, compte tenu de sa durée et de son terme, ou encore de l'adoption d'une décision de la personne publique qui a pour effet de rendre impossible la poursuite de l'exécution du contrat ou de faire obstacle à l'exécution, par le cocontractant, de ses obligations contractuelles.

4. Il résulte de l'instruction qu'à la suite d'une réunion tenue le 3 avril 2018, l'ensemble des réunions programmées avec la société Stilog Ist pour la finalisation du logiciel ont été annulées pour des motifs d'indisponibilité par l'OPH Rives de Seine Habitat et qu'à la suite d'une nouvelle réunion annulée le 21 septembre 2018, l'office n'a pas repris contact avec la société Stilog Ist malgré l'envoi des factures objets du litige le 27 novembre 2018 et une demande de rendez-vous en vue de finaliser le projet le 28 mai 2019. Par ailleurs, il résulte de l'instruction qu'en parallèle, l'OPH Rives de Seine Habitat a signé plusieurs bons de commande le 21 novembre 2018 en vue de l'acquisition d'une solution logicielle d'optimisation de la performance de la maintenance de son parc immobilier, ayant le même objet que les marchés litigieux. Ce faisant, l'OPH Rives de Seine Habitat doit être regardé comme ayant tacitement résilié les marchés qui le liaient à la société Stilog Ist au plus tard le 21 novembre 2018.

En ce qui concerne la légalité de la décision de résiliation et les droits à réparation de la société Stilog Ist :

5. Si l'OPH Rives de Seine Habitat soutient que la décision de résiliation est justifiée par un motif d'intérêt général tiré de l'abandon du projet, cette affirmation est contredite par les bons de commande signés le 21 novembre 2018 en vue de l'acquisition d'une solution similaire à celle proposée par la société Stilog Ist. Par suite, la société intimée est fondée à soutenir que la décision de résiliation litigieuse n'est pas justifiée par un motif d'intérêt général et à solliciter en conséquence, outre le règlement des prestations effectuées, la réparation intégrale du préjudice subi et de son manque à gagner, les dispositions de l'article 43 du CCAG-TIC dont se prévaut l'OPH Rives de Seine Habitat et limitant à 5% l'indemnité de résiliation pour motif d'intérêt général n'étant pas opposable dans cette hypothèse.

En ce qui concerne les sommes dues à la société Stilog Ist :

6. En premier lieu, en vertu du premier marché n° 2018S0555, les prestations commandées comprenaient la mise en œuvre du projet de logiciel (15 025 euros), le support fonctionnel ainsi que la location, maintenance, hébergement pour douze mois (6 720 euros). Si la société Stilog Ist sollicite le règlement de la totalité du montant contractuellement prévu, il résulte de l'instruction que la solution finalisée n'a jamais pu être livrée, seule une solution test devant encore faire l'objet d'un certain nombre de paramétrages ayant été livrée à l'office ainsi qu'en atteste le compte rendu réalisé à la suite de la réunion du 3 avril 2018. La société Stilog Ist ne saurait par ailleurs utilement faire valoir que le nombre de jours de travail pour la mise en œuvre de la solution logicielle, quantifié à 14,5 jours dans le contrat, avait été entièrement consommé dès lors qu'il est constant que les marchés litigieux ont été conclus à prix forfaitaire, lequel implique que le titulaire s'engage à réaliser les prestations prévues du marché pour un prix global, quelles que soient les quantités livrées ou exécutées. Dans ces conditions, la société Stilog Ist n'est fondée à solliciter que le règlement des prestations réellement exécutées. En l'espèce, au regard du planning prévisionnel du contrat, il y a lieu de fixer à 80% l'avancement des prestations relatives à la mise en œuvre du projet de logiciel à la date de la résiliation du marché et par suite, de fixer à 12 020 euros HT, soit 14 424 euros TTC, le montant dû à la société Stilog Ist au titre de ces prestations. L'OPH Rives de Seine Habitat justifiant avoir déjà mandaté les sommes de 4 140 et 7 560 euros TTC au titre de ce contrat, la société Stilog Ist est par suite uniquement fondée à réclamer le règlement d'une somme complémentaire de 2 270 euros HT, soit 2 724 euros TTC. Enfin, en l'absence de mise à disposition de la version finale du logiciel, le contrat d'hébergement en ligne d'un an n'a pu débuter, si bien qu'aucune somme n'est due au titre de ces prestations.

7. En deuxième lieu, s'agissant du marché n° 218S0573, le contrat prévoyait la réalisation de cinq journées d'accompagnement et de formation (7 050 euros), la rédaction des manuels utilisateurs (2 000 euros), un pack de cinq demandes fonctionnelles d'une durée de 2h maximum (900 euros) ainsi que la location du droit d'utilisation de seize licences, l'hébergement et la maintenance pendant deux ans (6 720 euros/an). Comme précédemment néanmoins, de telles prestations n'ont jamais débuté en l'absence de mise à disposition du logiciel commandé. Par suite, la société Stilog Ist n'est pas fondée à réclamer le paiement de la somme de 25 278 euros TTC, en l'absence de justification de dépenses engagées.

8. En troisième lieu, si ainsi qu'il a été énoncé au point 5, la société Stilog Ist est fondée à demander l'indemnisation de son manque en gagner compte tenu de la résiliation illégale du contrat, elle ne produit aucun élément comptable de nature à justifier ce manque à gagner ainsi que l'oppose l'OPH Rives de Seine Habitat. Dans ces conditions, il sera fait une juste évaluation de ce préjudice en accordant à la société Stilog Ist 5% du montant HT du marché pour sa part non réalisée à la date de la résiliation, soit les sommes de 486,25 euros au titre du marché n° 2018S0555 et de 1 169,5 euros au titre du marché n° 218S0573.

9. En dernier lieu, il résulte des énonciations qui précèdent que l'OPH Rives de Seine Habitat n'est pas fondé à remettre en cause les intérêts moratoires et l'indemnité forfaitaire de recouvrement alloués par le tribunal administratif en se bornant à soutenir que la société Stilog Ist ne dispose d'aucune créance en vertu des contrats.

10. Il résulte de tout ce qui précède que l'OPH Rives de Seine Habitat est seulement fondé à demander que la somme de 39 672 euros, que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a condamné à verser à la société Stilog Ist, soit ramenée à la somme de 4 379,75 euros.

Sur les frais de l'instance :

11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter l'ensemble des conclusions présentées par les parties sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La somme de 39 672 euros que l'OPH Rives de Seine Habitat a été condamné à verser à la société Stilog Ist par le jugement du 20 avril 2023 est ramenée à 4 379,75 euros.

Article 2 : Le jugement n° 2005671 du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 20 avril 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'office public de l'habitat Rives de Seine Habitat et à la société Stilog Ist.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Massias, présidente de la cour,

M. Camenen, président assesseur,

Mme Florent, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 juin 2025.

La rapporteure,

J. FlorentLa présidente,

N. MassiasLa greffière,

C. Richard

La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23VE01377


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE01377
Date de la décision : 12/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-04-02 Marchés et contrats administratifs. - Fin des contrats. - Résiliation.


Composition du Tribunal
Président : Mme MASSIAS
Rapporteur ?: Mme Julie FLORENT
Rapporteur public ?: Mme JANICOT
Avocat(s) : IDEO SOCIETE D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-12;23ve01377 ?
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