Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2023 par lequel le préfet du Val-d'Oise a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2302065 du 28 septembre 2023, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 13 mai 2024, M. A..., représenté par Me Maillet, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 28 septembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 18 janvier 2023 du préfet du Val-d'Oise ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation, à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Maillet d'une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;
- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur de droit ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les article 3, 9 et 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 juillet 2024, le préfet du Val-d'Oise conclut au rejet de la requête.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 2 avril 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Le Gars a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant marocain né le 19 octobre 1979, est entré en France le 4 août 2019 muni d'un visa Schengen. Il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié. Par un arrêté du 18 janvier 2023, le préfet du Val-d'Oise a rejeté cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la décision refusant la délivrance du titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision attaquée vise notamment l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle indique également que l'intéressé a demandé son admission au séjour dans le cadre de l'article 3 de l'accord franco-marocain, qu'il ne justifie pas de la production d'un visa long séjour, ne produit pas de contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 5221-2 du code du travail, que la durée de son séjour et ses bulletins de salaires ne permettent pas de lui délivrer un titre de séjour " salarié ", que son épouse est en situation irrégulière et qu'il a vécu dans son pays jusqu'à l'âge de 39 ans. Elle est ainsi dûment motivée en droit et en fait.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France pour une durée d'un an au minimum (...) reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an, renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles.(...)". Aux termes de l'article 9 du même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord ". Aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ". Enfin, aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ".
4. Il résulte de la combinaison des stipulations et dispositions précitées que la situation des ressortissants marocains souhaitant bénéficier d'un titre de séjour portant la mention " salarié " est régie par les stipulations de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Val-d'Oise ne pouvait examiner sa demande de titre de séjour en qualité de salarié au regard de cet accord du fait qu'il " résidait sur le territoire européen ". Par ailleurs, il résulte également de ces stipulations que la délivrance à un ressortissant marocain du titre de séjour " salarié " mentionné à l'article 3 de cet accord est subordonnée, en vertu de son article 9, à la condition, prévue à l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la production par ce ressortissant d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois, et à celle, prévue à l'article L. 5221-2 du code du travail, de la production d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes. Dès lors, en application de l'ensemble des dispositions précitées, le préfet du Val-d'Oise a pu légalement opposer au requérant la circonstance qu'il n'était pas entré sur le territoire national sous couvert du visa de long séjour et qu'il ne produisait pas de contrat de travail visé, et lui refuser, pour ces motifs, la délivrance du titre de séjour " salarié ".
5. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. ". Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain stipule la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 435-1 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord. Les stipulations de l'accord franco-marocain n'interdisent toutefois pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié.
6. M. A... soutient qu'il est entré en 2019 en France, qu'il travaille depuis 2020, que son épouse et ses enfants, dont trois sont scolarisés, résident également en France. Il ressort toutefois des pièces du dossier, que M. A... ne travaille que depuis le mois de décembre 2020, soit depuis un peu plus de deux ans à la date de la décision attaquée, en tant qu'agent de service, pour des durées mensuelles variables, que son épouse séjourne également de façon irrégulière sur le territoire et qu'il a vécu dans son pays d'origine jusqu'à l'âge de 39 ans. En considérant qu'il ne justifiait pas de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels, le préfet du Val-d'Oise n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision faisant obligation de quitter le territoire :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée (...) / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour (...) ". Aux termes de l'article L. 611-1 du même code : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour (...) ".
8. Dès lors que la décision faisant obligation à l'appelant de quitter le territoire français résulte de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, elle-même motivée ainsi qu'il a été dit au point 2, elle n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
10. Ainsi qu'il a été dit au point 6, M. A... n'est entré sur le territoire qu'en 2019, son épouse y réside également de façon irrégulière et il n'est pas démuni d'attaches familiales dans son pays d'origine, où réside sa mère et où il a vécu jusqu'à l'âge de 39 ans. Rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans son pays d'origine, pays dont tous les membres de la famille ont la nationalité. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que ses enfants, scolarisés en France, seraient dans l'impossibilité de poursuivre leur scolarité au Maroc. Dès lors, le préfet du Val-d'Oise n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant une atteinte disproportionnée aux buts en vues desquels la décision a été prise et n'a pas méconnu les stipulations précitées.
11. En troisième lieu, aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ". Aux termes de l'article 16 de la même convention : " 1. Nul enfant ne fera l'objet d'immixtions arbitraires ou illégales dans sa vie privée, sa famille, son domicile ou sa correspondance, ni d'atteintes illégales à son honneur et à sa réputation. (...) ".
12. La décision attaquée n'a ni pour objet ni pour effet de séparer les enfants de M. A... de leurs parents, la vie familiale pouvant se poursuivre hors de France et notamment au Maroc, pays dont le requérant et son épouse possèdent la nationalité. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision ordonnant à M. A... de quitter le territoire français constitue une immixtion arbitraire dans la vie privée et familiale de ses enfants, contraire aux stipulations précitées de l'article 16. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations 3-1 et 16 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
13. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Les Etats parties s'engagent à assurer à l'enfant la protection et les soins nécessaires à son bien-être, compte tenu des droits et des devoirs de ses parents, de ses tuteurs ou des autres personnes légalement responsables de lui, et ils prennent à cette fin toutes les mesures législatives et administratives appropriées ". Aux termes des stipulations de l'article 9 de la même convention : " 1. Les Etats parties veillent à ce que l'enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l'intérêt supérieur de l'enfant. (...) ". M. A... ne peut utilement se prévaloir de ces stipulations, qui sont dépourvues d'effet direct.
14. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent par conséquent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Val-d'Oise.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Massias présidente de la cour,
Mme Le Gars, présidente-assesseure,
M. Tar, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2025.
La rapporteure,
A.C. Le GarsLa présidente,
N. MassiasLa greffière,
A. Gauthier
La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24VE01260