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29/04/2025 | FRANCE | N°22VE02773

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 29 avril 2025, 22VE02773


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SCI Oubari a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge en droits, majorations et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices clos en 2013 et 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période allant de 2013 à 2015.



Par un jugement n° 2001572 du 14 octobre 2022, le tribunal administratif d'Orléan

s a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la SCI Oubari à hauteur du dég...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Oubari a demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge en droits, majorations et intérêts de retard, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mis à sa charge au titre des exercices clos en 2013 et 2014 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période allant de 2013 à 2015.

Par un jugement n° 2001572 du 14 octobre 2022, le tribunal administratif d'Orléans a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la SCI Oubari à hauteur du dégrèvement de 23 209 euros accordé en cours d'instance, a prononcé la décharge en droits, majorations et intérêts de retard des suppléments d'impôt sur les sociétés mis à la charge de cette société au titre des exercices 2013 et 2014, a substitué la majoration de 10 % prévue au a. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts à la majoration de 40 % prévue au b. du 1 du même article et prononcé la décharge de la différence résultant de cette substitution, a réduit le montant initial de l'amende prononcée en application de l'article 1729 D du code général des impôts de 17 231 euros à 7 929 euros et a rejeté le surplus des conclusions en décharge de la SCI Oubari.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 22VE02773 le 7 décembre 2022, et un mémoire enregistré le 24 mars 2025, la SCI Oubari, représentée par Me A... et Me Chabane, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il ne fait pas entièrement droit à sa demande ;

2°) de prononcer en droits et pénalités la décharge de rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période allant de 2013 à 2015 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la substitution, par le tribunal, de la majoration de 10 % prévue à l'article 1728 du code général des impôts à celle de 40 %, prévue par les mêmes dispositions, initialement appliquée, n'est pas justifiée ;

- cette substitution n'est pas motivée dans le jugement ;

- en substituant, à la demande de l'administration, la majoration de 10 % prévue à l'article 1729 D du code général des impôts à l'amende de 5 000 euros prévue au même article, le tribunal a commis une erreur de droit dès lors que cette majoration n'est applicable qu'en cas de défaut de présentation de la comptabilité et non en cas de transmission de la comptabilité hors délai ou sous une forme non réglementaire ;

- en refusant la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des achats effectués auprès de prestataires et non remis en cause, l'administration a méconnu l'article 271 du code général des impôts tel qu'interprété par la cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 21 novembre 2018 aff. 664/16 ;

- l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts ne lui est pas applicable puisqu'elle n'est pas passible de l'impôt sur les sociétés mais de l'impôt sur le revenu ;

- elle reprend les moyens développés en première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de la France conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la SCI Oubari ne sont pas fondés.

II. Par une requête enregistrée sous le n° 22VE02775 le 5 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de la France demande à la cour d'annuler les articles 2 à 5 du dispositif du jugement n° 2001572 rendu le 14 octobre 2022 par le tribunal administratif d'Orléans.

Il soutient que :

- une mise en demeure a été régulièrement adressée à la SCI Oubari, en application de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales, de telle sorte que l'administration a régulièrement mis en œuvre la procédure de taxation d'office en matière de taxe sur la valeur ajoutée, sur le fondement de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales ;

- subsidiairement, il est demandé à la cour de procéder à une substitution de base légale en faisant application non pas des dispositions de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales relatives à la taxation d'office mais de celles de l'article L. 55 du même livre, la SCI Oubari ayant, de fait, bénéficié de toutes les garanties prévues dans le cadre de la procédure de rectification contradictoire ;

- l'administration ayant prononcé en matière d'impôt sur les sociétés, à l'issue d'une procédure régulière, des rectifications fondées, c'est à bon droit qu'elle a appliqué la majoration prévue au a. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts ;

- les rectifications mises à la charge de la SCI en matière d'impôt sur les sociétés sont fondées, de telle sorte que l'amende prévue à l'article 1729 D du code général des impôts, égale à 10% des rectifications, doit être rétablie à son montant initial soit 17 231 euros ;

- il reprend ses moyens de défense développés devant le tribunal.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mai 2023, la SCI Oubari, représentée par M. A... et Me Chabane, demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de la France ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hameau,

- et les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Oubari a fait l'objet d'une vérification de sa comptabilité portant sur les exercices 2013 et 2014 et étendue à 2015 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Des impositions établies selon la procédure de taxation d'office en matière d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, assortis de pénalités, lui ont été notifiés par proposition de rectification du 19 juillet 2016. Les impositions ayant été mises en recouvrement et ses réclamations successives ayant été rejetées les 2 mai 2019 puis le 12 février 2020, la SCI Oubari a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'en prononcer la décharge, en droits et pénalités. Elle fait appel du jugement rendu par ce tribunal le 7 décembre 2022, dans la mesure où il ne fait pas entièrement droit à sa demande. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et du numérique de la France fait également appel de ce jugement, dans la mesure où il donne satisfaction à la SCI Oubari.

Sur la jonction :

2. Les requêtes visées ci-dessus sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité du jugement :

3. Le tribunal a motivé de façon explicite et précise, au point 11 du jugement, sa décision de substituer la sanction prévue au a. du 1 de l'article 1728 à celle prévue au b. du 1 du même article. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement est insuffisamment motivé sur ce point doit être écarté.

4. La SCI Oubari soutient que la substitution opérée par le tribunal, mentionnée au point 3 du présent arrêt, n'est pas fondée. Elle soutient également qu'en substituant, à la demande de l'administration, la majoration de 10 % prévue à l'article 1729 D du code général des impôts à l'amende de 5 000 euros prévue au même article, le tribunal a commis une erreur de droit dès lors que cette majoration n'est applicable qu'en cas de défaut de présentation de la comptabilité et non en cas de transmission de la comptabilité hors délai ou sous une forme non réglementaire. Toutefois, ces moyens se rattachent au bien-fondé du jugement. Ils sont donc sans incidence sur sa régularité et doivent être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le principe de l'assujettissement de la SCI Oubari à l'impôt sur les sociétés :

5. Aux termes de l'article 206 du code général des impôts, sont passibles de l'impôt sur les sociétés : " 1. (...) toutes (...) personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif ". En vertu du 2 du même article, il en est ainsi, notamment, des sociétés civiles : " (...) si elles se livrent à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ". Aux termes de l'article 239 ter du même code : " I. - Les dispositions du 2 de de l'article 206 ne sont pas applicables aux sociétés civiles créées après l'entrée en vigueur de la loi n° 64-1278 du 23 décembre 1964 et qui ont pour objet la construction d'immeubles en vue de la vente, à la condition que ces sociétés ne soient pas constituées sous la forme de sociétés par actions ou à responsabilité limitée et que leurs statuts prévoient la responsabilité indéfinie des associés en ce qui concerne le passif social. /(...) ".

6. Il résulte de l'instruction que la SCI Oubari a pour objet, depuis la modification de ses statuts en 2011, " l'acquisition et la revente de tous biens immobiliers même en qualité de marchand de biens ainsi que l'administration et la gestion par location ou autrement/ l'emprunt de tous les fonds nécessaires à cet objet et la mise en place de toutes les sûretés réelles ou autres garanties nécessaires. Et plus généralement toutes opérations pouvant se rattacher directement ou indirectement à cet objet ". L'objet social de la SCI Oubari ne comporte donc pas la construction en vue de la vente. Par suite, et alors même que cette société se livre à cette activité, elle ne peut bénéficier de l'exception prévue à l'article 239 ter précité. Dès lors, l'administration a pu, à bon droit, estimer la SCI Oubari passible de l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2013 et 2014.

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

7. Aux termes de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : (...) 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 ; 3° aux taxes sur le chiffre d'affaires, les personnes qui n'ont pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'elles sont tenues de souscrire en leur qualité de redevables des taxes ; (...) ". Aux termes de l'article L. 68 du même code : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2°, 5° et 6° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure. (...) ".

8. Il résulte de l'instruction que la mise en demeure de produire les déclarations 2045 et CA3 manquantes, datée du 11 mai 2016, ne comporte pas la mention du délai de trente jours dont devait bénéficier la SCI Oubari afin de régulariser sa situation déclarative. Cette lacune a privé cette société d'une garantie et entaché d'irrégularité la procédure de taxation d'office suivie par l'administration en matière d'impôt sur les sociétés.

9. S'il est vrai que l'administration peut, à tout moment de la procédure, y compris pour la première fois en appel, invoquer une nouvelle base légale propre à justifier l'imposition, c'est à la condition que le contribuable ait bénéficié de toutes les garanties attachées à cette nouvelle base légale.

10. En l'espèce, l'administration demande à la cour de procéder à une telle substitution en invoquant les dispositions de l'article L. 55 du livre des procédures fiscales et le respect de la procédure contradictoire. Il résulte toutefois de l'instruction qu'un désaccord persistait entre elle et la SCI Oubari, après la réponse aux observations de celle-ci, qui portait sur la détermination de l'actif net de la société en raison d'apports en compte courant d'associés non justifiés, ayant donné lieu à un rehaussement du résultat de l'exercice clos en 2014, soit sur une question de fait au sens du II de l'article L. 59 A du livre des procédures fiscales. La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires aurait donc pu compétemment en être saisie et émettre un avis. Dès lors que la procédure de taxation d'office suivie par l'administration a privé la société de la possibilité de porter ce désaccord devant cette commission, elle est fondée à soutenir qu'elle n'a pas bénéficié de toutes les garanties attachées à la procédure de rectification contradictoire prévue à l'article L. 55 du livre des procédures fiscales. Dès lors, le ministre n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a prononcé la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés établies à la suite de la mise en œuvre de la procédure de taxation d'office irrégulièrement diligentée, ainsi que des pénalités correspondantes.

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

11. Aux termes du I de l'article 271 du code général des impôts : " 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable ". Aux termes du II du même article : " 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : /a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ; (...). 2. La déduction ne peut pas être opérée si les redevables ne sont pas en possession soit desdites factures, soit de la déclaration d'importation sur laquelle ils sont désignés comme destinataires réels. ".

12. La SCI Oubari conteste des rappels de taxe sur la valeur ajoutée déductible d'un montant de 15 547 euros, prononcés dans le cadre de la procédure de taxation d'office prévue à l'article L. 66 du livre des procédures fiscales, au titre de la période allant de 2013 à 2014. Ces rappels correspondent à des factures émises par des prestataires que l'administration lui reproche de ne pas justifier avoir payées, alors que la charge d'apporter cette justification lui incombe. La requérante, qui ne prouve pas avoir payé ces factures, ne se prévaut pas utilement de l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 21 novembre 2018, aff. 664/16, Lucretiu Hadrian Vadan, dans lequel la Cour a rappelé que si la détention d'une facture constitue une condition formelle de l'exercice du droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, le défaut de facture ne fait pas par lui-même échec à l'exercice de ce droit. Par ces motifs, et par adoption de ceux exposés à bon droit par le tribunal aux points 7 à 9 du jugement attaqué, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne les pénalités :

S'agissant de la sanction prévue à l'article 1728 du code général des impôts :

13. Aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : /a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; /b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; (...) ".

14. Il résulte de l'instruction que l'administration a appliqué aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont la SCI Oubari a fait l'objet la sanction prévue aux dispositions citées au point précédent, après avoir constaté que cette société n'avait pas déposé ses déclarations CA3 au titre de la période vérifiée, malgré le courrier daté du 11 mai 2016 la mettant en demeure de le faire. Or, cette mise en demeure de produire les déclarations manquantes ne comportait pas la mention du délai de trente jours dont devait bénéficier la SCI Oubari afin de régulariser sa situation déclarative. Dès lors, les dispositions du b. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts ne lui étaient pas applicables.

15. Toutefois, les dispositions du a. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts prévoient une majoration de 10 % en cas de défaut de production, dans les délais prescrits, d'une déclaration, lorsqu'aucune mise en demeure n'a été adressée au contribuable, ou lorsque celui-ci a déposé sa déclaration dans le délai de trente jours qui lui avait été imparti pour ce faire par une mise en demeure dûment notifiée. Lorsque les éléments invoqués par l'administration ne permettent pas de justifier l'application de la majoration de 40 % prévue par le b. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts, mais permettent de justifier l'application de la majoration prévue par le a. du 1 de cet article, il appartient au juge, alors même qu'il n'aurait pas été saisi d'une demande en ce sens, d'appliquer cette dernière majoration de 10 %, et de substituer ce taux à celui de 40 % en ne prononçant, en conséquence, que la décharge partielle de la pénalité contestée. En l'espèce, il résulte de l'instruction que la SCI Oubari n'a jamais déposé les déclarations CA3 manquantes. Cette abstention justifiait l'application de la sanction prévue par le a. du 1 de l'article 1728 du code général des impôts, et la substitution du taux de 10 % à celui de de 40 %, appliqué aux rectifications restant en litige. La SCI Oubari n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont procédé à cette substitution.

S'agissant de la sanction prévue à l'article 1729 D du code général des impôts :

16. Aux termes de l'article 1729 D du code général des impôts : " I. - Le défaut de présentation de la comptabilité selon les modalités prévues au I de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales entraîne l'application d'une amende égale à 5 000 € ou, en cas de rectification et si le montant est plus élevé, d'une majoration de 10 % des droits mis à la charge du contribuable. (...) ". Aux termes de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales : " I. - Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contribuable qui fait l'objet d'une vérification de comptabilité satisfait à l'obligation de représentation des documents comptables mentionnés au premier alinéa de l'article 54 du code général des impôts en remettant au début des opérations de contrôle, sous forme dématérialisée répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget, une copie des fichiers des écritures comptables définies aux articles 420-1 et suivants du plan comptable général. (...) ".

17. D'une part, si la SCI Oubari soutient que la sanction prévue à l'article 1729 D du code général des impôts méconnaît l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen selon lequel " la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires ", et le principe de proportionnalité des peines qui en découle, il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur la constitutionnalité de ces dispositions législatives, issues de l'article 23 de la loi n°2014-891 du 8 août 2014 et à nouveau modifiées ensuite. Au demeurant, à supposer même que la requérante puisse être regardée comme ayant entendu soulever une question prioritaire de constitutionnalité sur ce point, elle ne serait pas recevable à le faire, comme l'a relevé à juste titre le tribunal dans ses motifs exposés au point 14 du jugement qu'il convient d'adopter, en raison des conditions dans lesquelles elle a présenté cette question.

18. D'autre part, si, pour demander la décharge ou la modulation du montant de cette sanction, la SCI Oubari soutient qu'elle est trop sévère au regard de ce qui lui est reproché, il est constant qu'elle n'a pas présenté au service vérificateur sa comptabilité au format requis par les dispositions précitées de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales. En outre, il est également constant que la SCI Oubari n'a produit, au titre des exercices 2013 et 2015, ni le grand-livre, ni le journal, ni la balance, ni les factures d'achats et de ventes ni ses relevés bancaires. C'est donc à juste titre que l'administration a qualifié ces lacunes de " défaut de présentation de la comptabilité selon les modalités prévues au I de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales ". Par suite, alors que la cour ne peut, faute pour l'article 1729 D de le lui permettre, se reconnaître investie d'un pouvoir de modulation pour tenir compte de la gravité du manquement commis, la SCI Oubari n'est pas fondée à solliciter la décharge de la sanction prévue à l'article 1729 D restant en litige.

S'agissant de l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts :

19. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " (...) 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) ". Aux termes de l'article 109 de ce code : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, actionnaires ou porteurs de parts et non prélevées sur les bénéfices. (...) ". Aux termes de l'article 117 du même code: " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. /En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759. ". Enfin, aux termes de l'article 1759 du même code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 %. ".

20. Il résulte de l'instruction que l'administration a estimé que la somme de 232 583 euros figurant au crédit du compte courant d'associé Oubari à la clôture de l'exercice 2014 devait être regardée comme un passif injustifié. La SCI Oubari conteste cette rectification, en particulier à hauteur de 183 883 euros, somme correspondant à une vente réalisée en décembre 2014, dont elle soutient qu'elle n'a jamais été versée à un associé directement, malgré la manière dont elle a été comptabilisée. Toutefois, en se bornant à des allégations relatives notamment à l'utilisation habituelle des comptes personnels de ses associés faute pour elle d'avoir disposé d'un compte bancaire social avant la fin de 2014, ce qui se serait traduit en comptabilité par des mouvements sur les comptes courants de ses associés, la SCI Oubari n'apporte pas la preuve, dont la charge lui incombe pourtant pour la détermination de son bénéfice imposable, du caractère déductible de ce passif. C'est donc à bon droit que l'administration a réintégré le passif injustifié de la SCI dans ses résultats, et notamment la somme de 183 883 euros à son résultat de l'exercice clos en 2014, avant de la considérer comme un revenu distribué au sens du 2° du 1. de l'article 109 du code général des impôts.

21. Or, comme l'a relevé à juste titre le tribunal, il résulte de l'instruction qu'en application de l'article 117 du code général des impôts, l'administration a demandé, par un courrier du 14 octobre 2016, à la SCI Oubari, passible de l'impôt sur les sociétés comme il est dit au point 3 du présent arrêt, de désigner le bénéficiaire de ces revenus réputés distribués, ce que la société n'a pas fait. C'est donc à bon droit que l'administration a mis à sa charge l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts.

22. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que la SCI Oubari n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans n'a pas entièrement fait droit à sa demande et, d'autre part, que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de la France n'est pas fondé à demander l'annulation des articles 2 à 5 du même jugement.

23. Enfin, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête n° 22VE02773 de la SCI Oubari est rejetée.

Article 2 : La requête n° 22VE02775 du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de la France est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Oubari et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de la France.

Copie en sera adressée à l'administratrice des finances publiques chargée de la direction régionale des finances publiques de la région Île-de-France et de Paris (service du contentieux d'appel déconcentré - SCAD).

Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Massias, présidente,

Mme Le Gars, présidente-assesseure,

Mme Hameau, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2025.

La rapporteure,

M. HameauLa présidente,

N. MassiasLa greffière,

A. Gauthier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique de la France en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 22VE02773, 22VE02775


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE02773
Date de la décision : 29/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-01-04-02 Contributions et taxes. - Généralités. - Amendes, pénalités, majorations. - Pénalités pour distribution occulte de revenus.


Composition du Tribunal
Président : Mme MASSIAS
Rapporteur ?: Mme Manon HAMEAU
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : CABINET LAURANT MICHAUD DUCEUX

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-29;22ve02773 ?
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