Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Ambulances Saint Nicolas Orléans a demandé au tribunal administratif d'Orléans la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014.
Par un jugement n° 1903721 du 26 août 2022, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 octobre 2022 et le 3 janvier 2024, la SARL Ambulances Saint Nicolas Orléans, représentée par Me Obadia, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement attaqué ;
2°) de la décharger des impositions en litige ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- en s'abstenant de vérifier que le véhicule immatriculé AM-154-GH était titulaire d'une AMS au moment de sa cession, le tribunal administratif d'Orléans a commis une dénaturation des faits et une erreur de droit, ce qui permet de comprendre l'erreur commise par cette même administration fiscale dans le présent dossier ;
- la procédure d'imposition est irrégulière, faute pour l'administration de l'avoir informée des éléments qu'elle avait obtenu par son droit de communication ;
- la procédure d'imposition est irrégulière, faute de débat oral et contradictoire ;
- dans sa lecture de la réglementation sanitaire, l'administration fiscale commet une erreur de droit et une dénaturation des faits qui la conduisent à caractériser des actes anormaux de gestion inexistants ;
- les listes de l'ARS, sur lesquelles l'administration fiscale s'est appuyée pour retracer les cessions et les acquisitions d'autorisations de mise en service, en comparant deux listes dressées à des dates différentes, ne sont pas probantes en ce qui concerne de telles transactions alors qu'elles fondent des rehaussements résultant de prétendus actes anormaux de gestion ;
- compte tenu des erreurs d'analyse juridique et d'appréciation des faits, aucun acte anormal de gestion ne peut être retenu, faute pour l'administration d'établir un déséquilibre dans les relations économiques entre les cocontractants ou l'existence d'un avantage accordé par une société à une autre ;
- c'est pour éviter que l'AMS rattachée au véhicule AZ-894-TX ne soit retirée par l'ARS qu'elle a souhaité préserver son actif à un prix de 55 000 euros garanti par la SARL Ambulances des Deux Lions en la mettant à la disposition de la société SD Secours avec une clause de réserve de propriété ;
- l'ambulance immatriculée AZ-894-TX a été cédée le 15 octobre 2013 au prix de 12 000 euros et elle était à la disposition de la société SD Secours depuis le 1er août 2013 avec l'AMS dont elle était munie, cédée en la forme d'un crédit-bail donnant lieu à cession en septembre 2016 et constatation de la plus-value réalisée ;
- si l'imposition des cessions devait intervenir sur la période vérifiée, elle devra être limitée à la valeur des seules AMS qui ont finalement fait l'objet d'une cession, à la valeur garantie au cédant, soit 55 000 euros en l'espèce, sans que les écritures comptables de la société SD Secours ne lui soient opposables ;
- pour le calcul d'une éventuelle plus-value, il conviendrait de faire cession de la valeur d'acquisition, qui figure pour 7 899 euros à l'actif immobilisé, en faisant référence à un véhicule 1241 YW 45 devenu CC-634-TV, l'AMS ayant été transférée le 30 juillet 2012 au véhicule AZ-894-TX qui a fait l'objet de la cession, sans qu'il y ait lieu de tirer des conséquences de l'absence de variation du compte 207 " fonds commercial " ;
- il n'y a pas lieu de considérer que la SARL Ambulances des Deux Lions a bénéficié d'une distribution de sa part, ou alors il faut réduire son imposition d'autant ;
- les pénalités pour manquement délibéré ne sont pas justifiées, dès lors qu'il n'y a pas de manquement aux obligations fiscales.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 mai 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Par ordonnance du 28 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 10 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Tar,
- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,
- et les observations de Me Boisseau, substituant Me Obadia, représentant la SARL Ambulances Saint Nicolas Orléans.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL Ambulances Saint Nicolas Orléans, dont le gérant est M. B... A..., exerce une activité de transports sanitaires. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2014, étendue jusqu'au 31 juillet 2015 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. A l'issue du contrôle, l'administration fiscale a notamment considéré que cette société avait cédé, au cours de l'exercice clos le 30 septembre 2014, une autorisation de mise en service (AMS) d'une ambulance, tout en renonçant à percevoir le prix de la vente. L'administration fiscale a donc réintégré au bénéfice imposable de cette société le montant correspondant à son évaluation de la valeur vénale de cette AMS. La SARL Ambulances Saint Nicolas Orléans relève appel du jugement du 26 août 2022 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes, mises à sa charge au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2014.
Sur la régularité du jugement :
2. La SARL Ambulances Saint Nicolas Orléans soutient que le tribunal administratif d'Orléans a commis une dénaturation des faits et une erreur de droit en s'abstenant de vérifier que les véhicules évoqués par l'administration, notamment le véhicule immatriculé AM-154-GH, étaient titulaires d'une autorisation de mise en service au moment de leur cession. Toutefois, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la régularité de la procédure d'imposition, le bien-fondé des impositions et les pénalités dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La SARL Ambulances Saint Nicolas Orléans ne peut donc utilement se prévaloir d'erreurs de droit ou de dénaturation des faits qu'aurait commises le tribunal administratif d'Orléans pour demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
3. Dans le cas où la vérification de comptabilité d'une entreprise a été effectuée, comme il est de règle, dans ses propres locaux, c'est au contribuable qui allègue que les opérations de vérification ont été conduites sans qu'il ait eu la possibilité d'avoir un débat oral et contradictoire avec le vérificateur de justifier que celui-ci se serait refusé à un tel débat. Il résulte de l'instruction que la vérification a été effectuée dans les locaux de la SARL Ambulances Saint Nicolas Orléans. Cette société n'apporte aucun élément susceptible d'établir que le vérificateur, au cours de ses interventions sur place, se serait refusé à tout débat, s'agissant notamment du schéma des relations entre cette société et la SARL Ambulances des Deux Lions et plus généralement entre les sociétés du groupe A.... En particulier, la circonstance que le vérificateur n'ait pas accepté l'interprétation de la SARL Ambulances Saint Nicolas Orléans relative à ces relations ne suffit pas à caractériser une absence de débat oral et contradictoire.
4. Aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".
5. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a obtenu de l'ARS du Centre-Val de Loire, dans le cadre de l'exercice de son droit de communication, la liste des véhicules bénéficiant d'une AMS au nom de la SARL Ambulances Saint Nicolas Orléans ainsi que la liste des sociétés titulaires d'une AMS pour le véhicule immatriculé AZ 894 TX. Toutefois, ces renseignements ne peuvent être regardés comme ayant fondé les impositions litigieuses, dès lors qu'ils ont été reçus par l'administration fiscale le 21 décembre 2015, soit postérieurement à l'émission de la proposition de rectification le 16 décembre 2015. Dans ces conditions, l'administration fiscale n'était pas tenue d'informer la SARL Ambulances Saint Nicolas Orléans de la teneur et de l'origine de ces renseignements. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 4 doit être écarté.
Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :
6. En vertu des dispositions de l'article 38 du code général des impôts, le bénéfice imposable est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. Les renonciations à recettes et abandons de créances consentis par une entreprise au profit d'un tiers ne relèvent pas, en règle générale, d'une gestion commerciale normale, sauf s'il apparaît qu'en consentant de tels avantages, l'entreprise a agi dans son propre intérêt. S'il appartient à l'administration fiscale d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que les avantages octroyés par une entreprise à un tiers constituent un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties. Dans l'hypothèse où l'entreprise s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite à l'administration d'apporter la preuve que cet avantage est, contrairement à ce que soutient l'entreprise, dépourvu de contrepartie, qu'il a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour l'entreprise ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
7. Il n'est pas contesté que la SARL Ambulances Saint Nicolas Orléans a, au cours de l'exercice clos le 30 septembre 2014, vendu à la société Ambulances SD secours une ambulance Citroën Jumper immatriculée AZ 894 TX, pour un prix de 12 000 euros qu'elle a comptabilisé. La société cessionnaire a porté à son bilan le véhicule et l'AMS qui lui était rattaché. Par ailleurs, l'administration fiscale a constaté l'existence d'un " protocole de prêt " signé le 30 juillet 2013 entre la SARL Ambulances SD secours et la SARL Ambulances des Deux Lions, par lequel cette dernière société a accordé à la première un prêt d'un montant de 100 000 euros destiné à financer une opération portant notamment sur l'acquisition d'un " véhicule ambulance immatriculé AZ 894 TX avec son autorisation de mise en circulation en cours de validité appartenant à la société Ambulances Saint Nicolas Orléans (...) pour un montant de cent mille euros ". La SARL Ambulances Saint Nicolas Orléans, si elle conteste l'interprétation faite par l'administration fiscale de ce " protocole de prêt ", n'en conteste ni l'authenticité ni les termes. Dans ces conditions, l'administration fiscale pouvait déduire de cette cession de véhicule et des termes de ce " protocole de prêt " qu'une transaction de vente portant sur une AMS censée accompagner l'ambulance cédée était intervenue concomitamment à la vente du véhicule au cours de l'exercice clos le 30 septembre 2014.
8. La SARL Ambulances Saint Nicolas Orléans soutient que le transfert de l'AMS à la société Ambulances SD secours ne constitue pas une vente, dès lors que cette AMS était susceptible d'être retirée à défaut d'exploitation, tandis que la valeur de cette AMS à son actif était garantie par la SARL Ambulances des Deux Lions jusqu'au " débouclage " de l'opération au cours duquel la propriété de l'AMS devait être transférée à la société Ambulances SD secours, la SARL Ambulances des Deux Lions devant alors lui verser le prix convenu. Toutefois, le schéma ainsi décrit ne correspond pas aux termes du protocole conclu entre la SARL Ambulances SD secours et la SARL Ambulances des Deux Lions dont la société requérante ne peut, pour en remettre en cause la portée, invoquer la rédaction la rédaction maladroite, qui stipule le montant du prêt, le taux d'intérêt ainsi que les modalités de remboursement, ne comporte pas de clause suspensive de transfert de propriété jusqu'au paiement et aux termes duquel " le règlement par chèque ou virement sera effectué par le prêteur directement au profit du vendeur (...) pour le compte de l'emprunteur ", ce protocole ne faisant par ailleurs aucune référence à la rémunération de prestations administratives ou financières. Enfin, la convention générale de garantie des éléments incorporels de transports sanitaires et une convention particulière produites uniquement au stade de l'interlocution départementale ne sont pas de nature à remettre en cause les éléments ci-dessus rappelés. La SARL Ambulances Saint Nicolas Orléans ayant renoncé à percevoir jusqu'au " débouclage " le moindre paiement en contrepartie de la mise à disposition, entière et intégrale, de son AMS, l'administration fiscale a pu à bon droit considérer qu'elle s'était privée du produit de cette vente sans que cela soit justifié par son intérêt.
9. L'administration fiscale, pour estimer la valeur vénale de l'AMS dont il s'agit, pouvait à bon droit reprendre le prix mentionné dans le protocole de prêt du 30 juillet 2013, à savoir 100 000 euros et réintégrer cette somme, déduction faite des 12 000 euros comptabilisés comme produit de la vente du véhicule au bénéfice imposable de la SARL Ambulances Saint Nicolas Orléans au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2014. La seule circonstance que cette AMS pouvait, jusqu'au débouclage de l'opération, faire l'objet d'un retrait par l'AMS ne saurait à elle seule justifier que ce prix soit réduit à 55 000 euros, même à supposer que ce prix représente celui versé en définitive à la SARL Ambulances Saint Nicolas Orléans, alors notamment qu'aucune évaluation du risque de retrait n'est proposée par la SARL Ambulances Saint Nicolas Orléans. Par ailleurs, la circonstance que la SARL Ambulances Saint Nicolas Orléans ait indirectement bénéficié des prestations payées par la société Ambulances SD secours à la SARL Ambulances des Deux Lions ne peut, à elle seule, justifier une réduction de la valeur vénale de l'AMS au paiement de laquelle la SARL Ambulances Saint Nicolas a renoncé.
Sur les pénalités :
10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".
11. Pour appliquer la majoration pour manquement délibéré aux rehaussements portant sur les renonciations à recettes, l'administration fiscale a relevé que le gérant de la SARL Ambulances Saint Nicolas Orléans, qui avait par ailleurs signé en qualité de gérant de la SARL Ambulances des Deux Lions le protocole de prêt, ne pouvait ignorer qu'en s'abstenant de comptabiliser le produit de la cession de l'autorisation de mise en service, il privait la société requérante du produit de cette cession. Cet élément suffit à établir l'intention délibérée de la SARL Ambulances Saint Nicolas Orléans d'éluder l'impôt.
12. Il résulte de ce qui précède que la SARL Ambulances Saint Nicolas Orléans n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande. Sa requête aux fins de décharge doit par suite être rejetée, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SARL Ambulances Saint Nicolas Orléans est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Ambulances Saint Nicolas Orléans et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Massias, présidente de la cour,
Mme Le Gars, présidente assesseure,
M. Tar, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2025.
Le rapporteur,
G. TarLa présidente,
N. MassiasLa greffière,
A. Gauthier
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 22VE02443