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29/04/2025 | FRANCE | N°22VE02418

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 29 avril 2025, 22VE02418


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SARL Ambulances des Deux Lions a demandé au tribunal administratif d'Orléans la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.



Par un jugement n° 1903842 du 26 août 2022, le tribunal administratif d'Orléans a déchargé la SARL Ambulances des Deux Lions, en droits et pénalités, des cotisations supplémen

taires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014 à ha...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Ambulances des Deux Lions a demandé au tribunal administratif d'Orléans la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1903842 du 26 août 2022, le tribunal administratif d'Orléans a déchargé la SARL Ambulances des Deux Lions, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2014 à hauteur d'une réduction de son bénéfice imposable de 60 000 euros et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 26 octobre 2022 et le 29 décembre 2023, la SARL Ambulances des Deux Lions, représentée par Me Obadia, demande à la cour :

1°) de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;

2°) de réformer le jugement attaqué en ce qu'il aura de contraire à la décharge prononcée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros à lui verser en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne les rectifications correspondant aux produits non comptabilisés :

- en s'abstenant de vérifier que le véhicule évoqué par l'administration était titulaire d'une autorisation de mise en service (AMS) au moment de sa cession, le tribunal administratif d'Orléans a commis une dénaturation des faits et une erreur de droit ;

- la procédure d'imposition a méconnu le secret professionnel et le principe d'indépendance des procédures ;

- le schéma d'affaires mis en place consiste pour elle à confier à la société qui aspire à exercer une activité ambulancière la contrevaleur en actif de la ligne de crédit qui lui a été accordée et par ailleurs à accorder à sa société filiale, qui lui confie l'actif, une garantie de bonne fin de l'opération jusqu'au terme du financement accordé, cette garantie constituant un engagement hors bilan qui ne doit pas être constaté comptablement ;

- au stade de la mise à disposition de l'AMS, elle n'est que le détenteur précaire des mensualités qui lui sont versées, qui comprennent à la fois la partie du prix dû au vendeur et la rémunération de l'intermédiation et du rôle administratif et conceptuel qu'elle joue à l'égard du candidat acquéreur, jusqu'au débouclage de l'opération qui permettra de constater la cession effective de l'AMS et d'en verser le prix à la société cédante ;

- elle n'a pas à comptabiliser un produit, hormis le montant des intérêts prévus au protocole, avant l'intervention du débouclage de l'opération, alors qu'elle ne sait pas si elle percevra la totalité du prix de l'acquéreur ni si elle pourra récupérer l'AMS ;

- dans sa lecture de la réglementation sanitaire, l'administration fiscale commet une erreur de droit et une dénaturation des faits qui la conduisent à caractériser des actes anormaux de gestion inexistants ; compte tenu des erreurs d'analyse juridique et d'appréciation des faits, aucun acte anormal de gestion ne peut être retenu, faute pour l'administration d'établir un déséquilibre dans les relations économiques entre les cocontractants ;

- à défaut d'avoir mesuré son intermédiation dans les cessions d'actifs à intervenir et d'avoir examiné la contrepartie procurée aux uns et aux autres dans cette relation tripartite, l'administration fiscale ne peut considérer qu'il y aurait acte anormal de gestion ;

- les prix arrêtés pour les autorisations de mise en service lors des " débouclages ", de 30 000 euros ou 55 000 euros selon la nature de l'autorisation, s'expliquent par le risque de retrait de l'AMS par l'ARS ;

- si l'administration considère que le prix du véhicule immatriculé BV-319-WB aurait dû être comptabilisé, il est établi que ce véhicule a été loué et qu'ainsi aucune cession n'est intervenue ;

- elle n'a pas à comptabiliser un produit, hormis le montant des intérêts prévus au protocole, avant l'intervention du débouclage de l'opération, alors qu'elle ne sait pas si elle obtiendra la totalité du prix de l'acquéreur ou si elle pourra récupérer l'AMS et mesurer alors le solde de l'opération.

En ce qui concerne les passifs injustifiés :

- les crédits du compte courant d'associé de M. A... au cours de l'exercice clos en 2012 s'expliquent par le fait que certains règlements consentis par des sociétés du groupe ont été indûment imputés à ce compte ; il s'agit donc d'un passif injustifié à l'égard de M. A..., mais elle doit rectifier ses écritures au bénéfice des sociétés concernées, dont il résultera un passif justifié du même montant ; en vertu du droit de compensation, il convient de corriger la réalité des flux financiers dès la survenance du fait générateur ; il en résulte une décharge à hauteur de 173 890,81 euros ;

- c'est dans son intérêt que la société requérante a acquitté une facture de réparation pour le compte de la société Ambulance Eloi pour un montant de 2 169,95 euros et la charge correspondante doit être admise en déduction ;

- les chèques de 65 000 euros, 60 000 euros et 100 000 euros émis respectivement par les sociétés ALM, Ambulances Carat et Plus simple la vie ambulance ont été inscrits à tort au crédit du compte courant d'associé de M. A... ; ces écritures, qui doivent être corrigées, traduisent un passif à l'égard des sociétés concernées ; il en résulte une décharge à hauteur de la somme de 225 000 euros ;

- pour ce qui est de l'écriture d'opérations diverses du 1er octobre 2012, il s'agissait de créditer le compte courant de M. A... de la somme de 20 000 euros, correspondant au remboursement du compte courant qu'il détenait dans la société Médiambu, le chèque ayant été encaissé par erreur sur le compte de la SARL Ambulances des Deux Lions ; copie du compte courant dans les comptes de la société Médiambu est produite ;

En ce qui concerne les pénalités :

- en ce qui concerne l'exercice clos en 2012 : la pénalité concernant l'à nouveau du compte courant d'associé de M. A... au 1er octobre 2011 ne peut être justifiée par les chèques présentés pour établir les écritures créditrices sur ce compte au cours de l'exercice, dès lors que ces chèques motivent l'application d'une majoration pour manœuvres frauduleuses ; par ailleurs, le montant des rectifications a été ramené à 112 531 euros, soit 30 % des écritures, qui résultent d'une simple carence documentaire et ne révèlent pas la preuve de la connaissance d'éventuelles erreurs commises ;

- en ce qui concerne les exercices clos en 2013 et 2014 : l'importance des rectifications fondées n'est pas de nature à justifier la pénalité pour manquement délibéré, au regard du dégonflement du volume initial des rectifications ;

- la comptabilisation des sommes qui font l'objet d'une rectification non contestée résulte d'erreurs de l'expert-comptable ; la chronologie des opérations démontre que les bordereaux de remises de chèque ont été complétés au moment de l'établissement du bilan ; ils n'avaient donc pas vocation à induire l'administration en erreur mais permettaient seulement à l'expert-comptable d'éviter de rechercher les justificatifs réellement pertinents, les pénalités pour manœuvres frauduleuses ne sont donc pas justifiées.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 juin 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par ordonnance du 28 novembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 10 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Tar,

- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public,

- et les observations de Me Boisseau, substituant Me Obadia, représentant la SARL Ambulances des Deux Lions.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée (SARL) Ambulances des Deux Lions, dont le gérant est M. B... A..., exerce une activité d'ambulances, véhicules sanitaires légers (VSL) et toutes activités de transports sanitaires, transports d'organes et transports d'autres produits. A l'issue d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2014, étendue jusqu'au 30 juin 2015 en matière de taxe sur la valeur ajoutée, cette société s'est vu notifier des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés. Elle relève appel du jugement du 26 août 2022 par lequel le tribunal administratif d'Orléans l'a déchargée des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'année 2014 à hauteur d'une réduction en bases de 60 000 euros et a rejeté le surplus de sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014.

Sur la régularité du jugement :

2. La SARL Ambulances des Deux Lions soutient que le tribunal administratif d'Orléans a commis une dénaturation des faits et une erreur de droit en s'abstenant de vérifier que les véhicules évoqués par l'administration étaient titulaires d'une autorisation de mise en service au moment de leur cession. Toutefois, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la régularité de la procédure d'imposition, le bien-fondé des impositions et les pénalités dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. La SARL Ambulances des Deux Lions ne peut donc utilement se prévaloir d'erreurs de droit ou de dénaturation des faits qu'aurait commises le tribunal administratif d'Orléans pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

3. La SARL Ambulance des Deux Lions, en se bornant à affirmer, en se livrant à une exégèse de la procédure de vérification de la comptabilité de la société Ambulance Saint Nicolas, que l'administration fiscale a violé tout à la fois le secret professionnel et l'indépendance des procédures, n'assortit pas ces moyens des précisions qui auraient permis d'en apprécier le bien-fondé. Ces moyens doivent par suite être écartés.

Sur le bien-fondé des impositions contestées :

En ce qui concerne les produits non comptabilisés au titre des exercices clos en 2013 et 2014 :

4. Aux termes du 1 de l'article 38 du code général des impôts applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises (...) ". En vertu des dispositions combinées des articles 38 et 209 du code général des impôts, le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise.

5. Lors des opérations de contrôle, l'administration fiscale a constaté que la SARL Ambulances des Deux Lions avait conclu avec des sociétés d'ambulances - les sociétés Chrono ambulances, Plus simple la vie ambulances, Ambulances SD secours, Ambulances Eloi, Sud Loire ambulances et Ambulances du lys - des protocoles de prêt ayant pour objet l'acquisition par ces sociétés de véhicules et/ou d'autorisations de mise en service de véhicules auprès des sociétés Ambulances clair de lune, Ambulances Saint-Nicolas, Ambulances Saint-Nicolas Orléans, Saran ambulance et Ambulances Saint-Cédric, qui sont des filiales directes ou indirectes de la société requérante. Le service a relevé qu'alors que les cessions étaient effectivement intervenues et que le transfert des autorisations de mise en service avait été constaté par l'agence régionale de santé, la SARL Ambulances des Deux Lions n'avait procédé, s'agissant du prix de cession des autorisations de mise en service, à aucun versement au profit des société vendeuses, alors que les sociétés acquéreuses s'acquittaient auprès d'elle des mensualités du prêt accordé. L'administration fiscale a donc considéré que la SARL Ambulances des Deux Lions s'était livrée à des opérations de cession sans comptabiliser les produits correspondants.

6. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que l'administration fiscale n'a pas fondé la réintégration au résultat imposable de la société requérante des avantages qui lui avaient été consentis par ses sociétés filiales ou sous-filiales, consistant en la renonciation par celles-ci au prix de cession des véhicules et/ou autorisations de mise en service, sur l'existence d'un acte anormal de gestion de la SARL Ambulances des Deux Lions mais sur la non comptabilisation de produits. Dans ces conditions, l'ensemble des moyens de la SARL Ambulances des Deux Lions tendant à contester l'existence d'actes anormaux de gestion doivent être écartés comme inopérants.

7. La SARL Ambulances des Deux Lions soutient que contrairement à ce qu'a estimé l'administration, son schéma d'affaires consiste à confier à la société acquéreuse la contrevaleur en actif de la ligne de crédit qui lui a été accordée et par ailleurs à accorder à sa filiale ou sous-filiale une garantie de bonne fin de l'opération jusqu'au terme du financement accordé et qu'ainsi elle n'est que le détenteur précaire des mensualités qui lui sont versées à l'occasion de la mise à disposition des autorisations, ces mensualités comprenant tant la partie du prix de l'autorisation due à la société filiale ou sous-filiale que sa propre rémunération par la société tierce, le prix de l'autorisation devant être versé à la filiale ou sous-filiale lors du " débouclage " de l'opération. Elle indique que la rémunération qui lui est versée est la contrepartie d'un ensemble de prestations indissociables, à savoir l'identification d'un projet d'achat de véhicules identifiés et munis de leur autorisation de mise en service, le soutien financier dans la durée, le plafonnement du financement consenti par la société filiale ou sous-filiale et les mensualités d'amortissement du concours financier. Toutefois, le schéma ainsi décrit ne correspond pas aux termes des protocoles de prêt qu'elle a conclus avec les sociétés acquéreuses, dont la société requérante ne peut, pour en remettre en cause la portée, invoquer la rédaction maladroite, qui stipulent le montant du prêt, le taux d'intérêt ainsi que les modalités de remboursement, ne comportent pas de clause suspensive de transfert de propriété jusqu'au paiement et aux termes desquelles " le règlement par chèque ou virement sera effectué par le prêteur directement au profit du vendeur (...) pour le compte de l'emprunteur ", ces protocoles ne faisant par ailleurs aucune référence à la rémunération de prestations administratives ou financières. De plus, il est constant que les filiales de la société requérante n'ont pas comptabilisé de créance à son égard, correspondant au prix des cessions, et qu'elle n'a pas comptabilisé de dette à leur égard. Enfin, la convention générale de garantie des éléments incorporels de transports sanitaires et une convention particulière signées avec la société Ambulances Saint-Nicolas ne sont pas de nature à remettre en cause les éléments ci-dessus rappelés, n'ayant été produites qu'au stade de l'interlocution départementale. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a considéré que la société Ambulance des Deux Lions avait bénéficié d'un avantage consenti sans contrepartie par les sociétés cédantes et a réintégré le produit correspondant aux résultats imposables des exercices 2013 et 2014.

8. La SARL Ambulances des Deux Lions soutient qu'elle a évalué à juste titre la valeur vénale des autorisations de mise en service, telle qu'elle l'aurait retenue lors des " débouclages " des opérations, à des montants de 30 000 euros ou 55 000 euros selon la catégorie de l'autorisation, compte tenu du risque de retrait des autorisations dont il s'agit par l'agence régionale de santé. Toutefois, en se bornant à affirmer que ce risque devait conduire à retenir une telle valeur, sans évaluer ce risque et sans le provisionner, la SARL Ambulances des Deux Lions ne critique pas utilement les valeurs vénales, supérieures, retenues par l'administration fiscale.

9. La SARL Ambulances des Deux Lions soutient que c'est à tort que le prix de cession du véhicule immatriculé BV-319-WB a été réintégré dans son bénéfice imposable, dès lors que ce véhicule a été loué et non cédé. Toutefois, elle ne produit aucune pièce, telle qu'un contrat de prêt, à l'appui de cette affirmation, alors qu'elle ne conteste pas qu'une transaction portant sur la mise à disposition de ce véhicule muni de son autorisation a été conclue et que c'est elle, et non la filiale initialement propriétaire du véhicule, qui a perçu les paiements de la société tierce. Dans ces conditions, le moyen doit être écarté.

En ce qui concerne les passifs injustifiés :

10. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances de tiers, les amortissements et les provisions justifiés ". Il appartient au contribuable de justifier tant du montant des dettes inscrites au passif de son bilan, au nombre desquelles figurent les sommes portées au crédit des comptes courant d'associés ouverts dans ses écritures, que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité.

S'agissant de l'exercice clos le 30 septembre 2012 :

11. L'administration fiscale a relevé que des écritures créditrices affectant le compte courant d'associé de M. A..., pour un montant total de 174 500 euros, se trouvaient justifiées dans la comptabilité de la SARL Ambulances des Deux Lions par des remises de chèques tirés par l'intéressé pour des montants de 21 000 euros, 15 000 euros, 17 000 euros, 12 000 euros, 10 000 euros et 100 000 euros. Au cours du contrôle, la société a présenté une copie des chèques et des sept bordereaux de remise de chèques. Toutefois, l'exercice du droit de communication auprès des établissements bancaires de la société requérante a permis de constater que les pièces justificatives ainsi fournies étaient des faux, comme M. A... l'a d'ailleurs reconnu au cours du contrôle, et que les crédits en litige correspondaient, à hauteur de 174 007 euros, à des chèques émanant de diverses sociétés, les apports de M. A... se limitant à quatre chèques émis pour un montant total de 493,62 euros.

12. La SARL Ambulances des Deux Lions, qui ne conteste pas que la dette qu'elle a ainsi constatée à l'égard de son gérant n'était pas justifiée, se borne à affirmer qu'elle doit cependant rectifier ses écritures au bénéfice des sociétés qui ont émis les chèques et que le passif est ainsi justifié à l'égard de ces sociétés, auxquelles elle devra ultérieurement reverser les sommes en cause. Toutefois, il est constant qu'une telle rectification comptable n'est pas intervenue au cours de l'exercice clos en 2012. Par suite, l'administration fiscale pouvait à bon droit réintégrer la somme de 174 007 euros dans le bénéfice imposable de cette société au titre de cet exercice.

S'agissant de l'exercice clos le 30 septembre 2013 :

13. L'administration fiscale, après exercice du droit de communication auprès des établissements bancaires de la société, a constaté que des écritures créditrices portées au compte courant d'associé de M. A... pour un montant total de 225 000 euros correspondaient, non à des apports du gérant, mais à un chèque émis par la société ALM ambulances pour un montant de 65 000 euros et à des chèques de banque émis sur ordre des sociétés Ambulances Carat et Plus simple la vie ambulances pour des montants respectifs de 60 000 euros et 100 000 euros.

14. La SARL Ambulances des Deux Lions, qui ne conteste pas que la dette qu'elle a ainsi constatée à l'égard de son gérant n'était pas justifiée, se borne à affirmer qu'elle doit cependant rectifier ses écritures au bénéfice des sociétés ALM ambulances, Ambulances Carat et Plus simple la vie ambulances, et que le passif est ainsi justifié à l'égard de ces sociétés, auxquelles elle devra ultérieurement reverser les sommes en cause. Toutefois, il est constant qu'une telle rectification comptable n'est pas intervenue au cours de l'exercice clos en 2013. Par suite, l'administration fiscale pouvait à bon droit réintégrer la somme de 225 000 euros dans le bénéfice imposable de cette société au titre de cet exercice.

15. En outre, en dépit des demandes de l'administration fiscale, la SARL Ambulances des Deux Lions n'a pas justifié, au cours du contrôle, l'écriture créditrice portée le 1er octobre 2012 au compte courant d'associé de M. A..., pour un montant de 20 000 euros, sous l'intitulé " CC ASS P A... ". La société requérante affirme que cette somme correspond au remboursement du compte courant détenu par M. A... dans la société Médiambu, qu'elle aurait encaissé par erreur cette somme et qu'elle entendait ainsi rembourser M. A.... A l'appui de cette affirmation, elle produit un état du compte courant de M. A... ouvert dans les écritures de la société Médiambu qui fait apparaître un débit de 20 000 euros le 25 mai 2010. Cette seule production ne permet toutefois pas d'établir que la SARL Ambulances des Deux Lions aurait encaissé le montant en cause. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a réintégré cette somme de 20 000 euros dans le bénéfice imposable de la SARL Ambulances des Deux Lions au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2013.

En ce qui concerne les charges comptabilisées par la SARL Ambulances des Deux Lions :

16. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment :/ 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Pour être admises en déduction du résultat imposable, les charges doivent être exposées dans l'intérêt direct de l'exploitation ou se rattacher à la gestion normale de l'entreprise et être appuyées de justifications suffisantes.

17. L'administration fiscale a remis en cause la déduction d'une somme de 2 169,95 euros, correspondant à une facture établie le 3 mars 2014 par la SARL Andresis autos et relative à la réparation d'un véhicule appartenant, non à la SARL Ambulances des Deux Lions, mais à la société Ambulances Eloi. La SARL Ambulances des Deux Lions soutient que, si elle a entendu procurer un avantage à la société Ambulances Eloi, constituée moins de six mois auparavant, afin d'éviter une cessation de paiements, cet avantage se rattache à la gestion normale de l'entreprise compte tenu des relations économiques et financières qu'elle entretenait avec la société Ambulances Eloi. Toutefois, la SARL Ambulances des Deux Lions n'apporte aucun élément de nature à établir les difficultés financières de la société Ambulances Eloi. Dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration fiscale a réintégré la somme de 2 169,95 euros dans le bénéfice imposable de la SARL Ambulances des Deux Lions au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2014.

Sur les pénalités :

18. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) / c. 80 % en cas de manœuvres frauduleuses ou de dissimulation d'une partie du prix stipulé dans un contrat ou en cas d'application de l'article 792 bis ".

En ce qui concerne les majorations pour manœuvres frauduleuses :

19. L'administration fiscale a appliqué la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses aux rehaussements correspondant à la réintégration, dans le bénéfice de l'exercice clos en 2012, du passif injustifié de 174 007 euros résultant de la comptabilisation au crédit du compte courant d'associé de M. A... de chèques émis par diverses sociétés, ainsi qu'à la réintégration, dans le bénéfice de l'exercice clos en 2013, des passifs injustifiés de 65 000 euros et de 100 000 euros résultant de la comptabilisation au crédit du compte courant d'associé de M. A... d'un chèque émis par la société ALM ambulances ainsi que d'un chèque de banque établi sur ordre de la SARL Plus simple la vie ambulances. Il n'est pas contesté que M. A... a admis avoir rédigé et signé des chèques, non encaissés, destinés à servir de pièce justificative de l'inscription de ces sommes au crédit de son compte courant d'associé. De plus, les bordereaux de remise de chèques produits au titre de pièces justificatives ne correspondaient pas aux chèques effectivement déposés sur les comptes de la société. La SARL Ambulances des Deux Lions explique que ces documents " permettaient seulement à l'expert-comptable d'éviter de rechercher les justificatifs réellement pertinents ". Au contraire, ces documents ont permis de donner une apparence de sincérité à la comptabilisation injustifiée d'une dette de la société à l'égard de M. A.... L'existence de manœuvres destinées à égarer ou à restreindre le pouvoir de contrôle de l'administration fiscale est ainsi établi. Par suite, c'est à bon droit que celle-ci a appliqué la majoration de 80 % pour manœuvres frauduleuses aux rehaussements concernés.

En ce qui concerne les majorations pour manquement délibéré :

S'agissant de l'exercice clos en 2012 :

20. L'administration fiscale a appliqué la majoration de 40 % pour manquement délibéré au rehaussement correspondant à la réintégration, dans le bénéfice de la société, du solde " à nouveau " créditeur du compte courant de M. A... au 1er octobre 2011. L'administration fiscale a relevé que la société n'avait pu justifier du montant ainsi reporté. Elle a en outre relevé que la société n'avait pas pu justifier des crédits figurant sur le compte courant de son gérant pour l'exercice clos en 2012 et qu'elle avait présenté des documents qui se sont révélés être des faux.

21. D'une part, contrairement à ce que soutient la requérante, l'administration fiscale pouvait, pour justifier du caractère délibéré du manquement ayant donné lieu à un rehaussement, faire état de l'existence d'autres manquements, notamment de manquements qui justifient par ailleurs l'application de la majoration pour manœuvres frauduleuses. D'autre part, quand bien même une partie importante des rehaussements a été abandonnée par l'administration fiscale à l'issue des recours hiérarchiques, le rehaussement maintenu, pour un montant de 112 531 euros, reste important et ne peut être expliqué, contrairement à ce que soutient la SARL Ambulances des Deux Lions, par une " carence documentaire ". Dans ces conditions, l'administration fiscale doit être regardée comme justifiant l'existence d'un manquement délibéré.

S'agissant des exercices clos en 2013 et 2014 :

22. L'administration fiscale a appliqué la majoration de 40 % pour manquement délibéré au rehaussement correspondant à la réintégration, dans le bénéfice de la société, des crédits injustifiés portés sur le compte courant de M. A... - à l'exception des rehaussements faisant l'objet de la majoration pour manœuvres frauduleuses - ainsi qu'aux rehaussements relatifs aux produits non comptabilisés.

23. Quand bien même une partie importante des rehaussements a été abandonnée à l'issue des recours hiérarchiques, le rehaussement maintenu, pour un montant de 183 996 euros au titre de l'exercice clos le 30 septembre 2013, s'agissant des crédits injustifiés portés sur le compte courant de M. A..., reste important et ne peut être expliqué par des carences comptables, de même que les produits non comptabilisés, pour des montants de 224 000 euros au titre de l'exercice clos en 2013 et de 284 000 euros pour l'exercice clos en 2014. Dans ces conditions, l'administration fiscale doit être regardée comme justifiant l'existence d'un manquement délibéré.

24. Il résulte de ce qui précède que la SARL Ambulances des Deux Lions n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté le surplus de sa demande. Sa requête doit par suite être rejetée, ainsi que ses conclusions aux fins d'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL Ambulances des Deux Lions est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Ambulances des Deux Lions et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Massias, présidente de la cour,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

M. Tar, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 avril 2025.

Le rapporteur,

G. TarLa présidente,

N. MassiasLa greffière,

A. Gauthier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 22VE02418


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE02418
Date de la décision : 29/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net.


Composition du Tribunal
Président : Mme MASSIAS
Rapporteur ?: M. Gabriel TAR
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : SELARL OBADIA & ASSOCIE

Origine de la décision
Date de l'import : 10/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-29;22ve02418 ?
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